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La rue Jonas fut l'une des dernières rues éclairées par des quinquets. Ceux-ci subsistèrent au moins jusqu'en 1913.
UNE ÉVOCATION DU
13e ARRONDISSEMENT DE 1860 AUX ANNÉES 30
Littérature
25 juillet
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Eh bien ! je n'ai pas découvert l'embouchure de la Bièvre. Comble de l'humiliation pour un explorateur, j'ai été obligé de m'informer auprès des riverains ! Ils m'ont appris qu'elle n'a plus, à partir de la rue Geoffroy-Saint-Hilaire, ni embouchure ni rives. La police sanitaire l'a captée là et enfermée dans un égout. Après des kilomètres de répugnant labeur, après avoir été souillée, empoisonnée, rendue puante, après avoir enrichi quantité de patrons, mégissiers et tanneurs, elle s'en va méprisée, conspuée, reniée de tout le monde.
Je ne veux pas, non, je ne veux pas rentrer dans le Jardin des Plantes ; j'aime mieux passer derrière, par la rue de Buffon... Oh ! là ! là ! quelle collection de bonnes têtes ! Sept décapités accrochés au long d'un mur, comme des Malgaches. Ils s'appellent... attendez... leur nom est écrit au-dessus : Brongniart, encore un Brongniart, Becquerel, Duméril, Claude Bernard, Buffon, Decaisne, Connaissez-vous ces gens ? Bernard... Il y a trois députés de ce nom à la Chambre des députés. Buffon... Celui-là je sais qui c'est... Mais les autres ? Le commandant Marchand et le général Galliéni sont bien plus célèbres !
Hum ! Pouah ! ça commence à sentir. La rivière industrielle n'est pas loin.
À propos, je suis tout près d'un pavillon — des Princes — que jadis j'habitai, sous l'Empire d'abord, sous la République ensuite. C'était une dépendance d'un vaste ancien couvent, qui avait sainte Pélagie pour patronne.
Mais quoi ? Voici bien la rue du Puits-de-l'Ermite, où, d'ailleurs, je ne vis jamais ni ermite, ni puits. Et Sainte-Pélagie ? Disparue aussi. On bâtit des maisons de rapport à la place.
Tout s'en va, tout passe, tout dégénéra. Plus de Bièvre, plus de Pélagie ! Heureusement on fait des prisons confortables et des usines très saines, ailleurs.
Rue Monge. Impasse de la Photographie. Pas de photographie, mais... un cul-de-sac où des terrassiers piochent, où des maçons cimentent une voûte à ras de sol : c'est pour ma pauvre rivière, toujours cherchée, pas encore aperçue. Où la verrai-je ? La verrai-je jamais ?
Tiens ! une église de village, toute festonnée de lierre ! Qui donc l'a apportée là ? On ne l’a pas apportée. C'est le village qui s'en est allé. Cette paroisse est Saint-Médard, fameux sous Louis XIV, par le tombeau du diacre Paris, où venaient se convulsionner… les convulsionnaires.
Voilà la rue Mouffetard. Elle finit là et se prolonge en ..., laissez-moi lire la plaque bleue... en rue Bazeilles ! Ah ! je n'attendais pas ici un souvenir de nos défaites de 1870 !
Ce n'est qu'au boulevard Arago qu'il m'est enfin permis d'apercevoir, à travers une palissade crasseuse, la rivière de Bièvre. On la voit, à dix mètres en bas, dormante, parée d'une mousse blanchâtre. On dirait de la crème. Je cherche un chemin pour m'en rapprocher. Je découvre (rue des Marmousets) une pente descendante ; je traverse une passerelle moisie ; me voici, enfin ! sur une berge étroite, encaissée dans des bâtiments vieux, vieux, prêts à s'effondrer.
Ce lieu s'appelle la ruelle ou la rigole des Gobelins. Il est comme il était il y a deux siècles. À gauche, voici un long bâtiment, sans porte, à fenêtres rares. Il suit les courbes de l'odorant ruisseau. Tout à coup, il se renfle, comme un abcès, percé de doux hauts vitraux à plein cintre, qui éclairent probablement le chœur d'une chapelle. Qu'est cela ? C'est un restant de la vieille abbaye de Saint-Victor, où fut installée la manufacture de tapisseries des Gobelins. De l'autre côté du ruisseau, derrière une muraille bien fermée, des arbres s'élèvent, quelques-uns sont des poiriers chargés de fruits. C'est le jardin des artistes tapissiers de la manufacture.
Mais qu'est devenue la Bièvre ? Elle a disparu. Je remarque une belle maison, laide, neuve, adornée, çà et là, de briques vernissées. Elle a pour fronton une enseigne de mégissier. Elle est attenante à un petit pavillon de pierre, très sale, très délabré, très noir, et architecturalement majestueux quand même.
Ah ! je ne suis pas un admirateur de vieilleries, mais, vrai ! à côté de la maison de briques vernies, cette ruine me parait jolie, bien d'aplomb et d'ensemble, c'est de l'architecture ; l'autre n'est que du bâtiment.
La ruelle des Gobelins me mène à la rue Croulebarbe. À l'endroit de la jonction, la Bièvre réparait, mais enfermée. Le négociant qui est là a posé une barrière et personne n'a protesté.
Mais... cette encoignure... les morceaux de muraille qui subsistent... C'est ici qu'était le fameux moulin de Croulebarbe, illustré par Fieschi, Fieschi le régicide, qui faillit renverser la royauté de Louis-Philippe, douze ans avant février 1848.
S'il avait réussi, la République aurait gagné — au moins — ces douze années. S'il avait réussi, nous n'aurions peut-être pas eu cette ignominie, cette Bièvre de l'histoire de France qui s'appelle l'Empire de Napoléon III.
Le 13e en littérature
Le quartier Croulebarbe
La vieillesse de Monsieur Lecoq
par
Fortuné du Boisgobey
Connaissez-vous la rue du champ de l’alouette ? Il y a bien des chances pour que vous n'en ayez jamais entendu parler, si vous habitez le quartier de la Madeleine. Mais les pauvres gens qui logent dans les parages l'Observatoire et de la Butte-aux Cailles savent parfaitement où elle est.
(1878)
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La ruelle des Reculettes
par
Paul Mahalin
Le noctambule par goût ou par nécessité — comme Paris en a tant compté depuis Gérard de Nerval jusqu'à Privat d'Anglemont — qui se serait aventuré, par une nuit boréale de novembre dernier, à l'une des embouchures du passage des Reculettes, y aurait éprouvé l'impression d'un rêve persistant à travers la veille, et s'y serait cru transporté dans ce monde de la chimère et du fantôme...
(1879)
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Le quartier Croulebarbe
par
Henri-Jacques Proumen
Il pouvait avoir cinq ans, ce petit Riquet de la rue Croulebarbe. On lui en eût donné quatre tout au plus, tant il était fluet Son pauvre petit corps se dandinait sur deux longues pattes de faucheux qui prenaient assise dans deux godasses démesurées...
(1932)
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L'octroi de la porte d'Italie
par
Eveling Rambaud et E. Piron
Grâce à l'or du faux baron de Roncières, Paul apporta l'abondance dans la maison de la rue du Moulinet.
On y fit une noce qui dura huit jours.
Perrine avait déserté son atelier de blanchisseuse. Elle tenait tête aux deux hommes, le verre en main.
(1894)
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De la ruelle des Reculettes au passage Moret via la ruelle des Gobelins
par
Georges Spitzmuller et Armand Le Gay
Il était arrivé à l'angle pointu formé par la manufacture des Gobelins où la voie bifurquait ; à droite la rue Croulebarbe continuait, à gauche c'était la ruelle des Gobelins.
(1912)
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La Butte-aux-Cailles
par
Charles de Vitis
— Voyons d’abord du côté de la Butte-aux-Cailles, pour tâcher de trouver un logement.
Jacques connaissait l’endroit pour y être venu avec Fifine, une fois ou deux, du temps qu’il vivait chez ses parents.
C’était un quartier misérable situé à proximité de la place et du boulevard d’Italie ; on y arrivait par la rue du Moulin-des-Prés.
(1899)
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L'entrée de la Bièvre dans Paris en 1859
par
Adolphe Favre
Effectivement, le lendemain de la mort du marguiller, la police retirait un cadavre de la Bièvre, au point où elle entre à Paris ; ce cadavre, c’était celui d’Armand Lambert...
(1859)
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Saviez-vous que... ?
Le 29 juin 1901, la température atteignit 33° à Paris et ce jour là, vers midi, Mme Louise Lesire, âgée de cinquante- deux ans, demeurant 157, rue Jeanne-d’Arc, fut frappée d'insolation, boulevard Saint-Marcel. Elle mourut dans la pharmacie où on l’avait transportée pour lui donner des soins. (Le Figaro - 30 juin 1901)
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En 1863, un marché aux chiens se tenait tous les dimanches sur l'emplacement du marché aux chevaux du boulevard de l'hôpital. Il y avait peu de choix, parait-il.
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La surface du 13è arrondissement est exactement de 714,6 hectares.
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Le chemin du Bac allait de la route de Choisy à la rue du Chevaleret. En 1865, la portion comprise entre la route de Choisy et les rues Nationale et du Château des Rentiers reçut le nom de Baudricourt tandis que le tronçon restant prit celui de Clisson. Ainsi en décida l’Empereur par un décret impérial signé à Biarritz le 2 octobre. Olivier de Clisson, connétable de France de 1380 à 1392 avait été surnommé Le Boucher en raison de sa cruauté.
La rue Jonas fut l'une des dernières rues éclairées par des quinquets. Ceux-ci subsistèrent au moins jusqu'en 1913.