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La rivière n'est plus qu'un égout à ciel ouvert. La pression pour une couverture s'amplifie. La Bièvre disparaitra bientôt.
UNE ÉVOCATION DU
13E ARRONDISSEMENT DE 1860 AUX ANNÉES 30
Lundi 27 mars 2023
Le 13e dans la littérature
Littérature
TROISIEME PARTIE
Les apaches de la Butte-aux-Cailles
III
Le repaire
Très peu de Parisiens, assurément, connaissent la « Butte-aux-Cailles ». C'est très loin, très loin, passé la place d'Italie, au diable dans ces régions où l'on ne va pas, dont on a vaguement entendu parler comme de quelque chose existant à peine.
La rue Bobillot, qui s'amorce, place d'Italie, à côté du boulevard du même nom, conduit au sommet de la Butte ; et là se dresse, un peu inquiétante parce qu'étrange, la silhouette noire de la carcasse du vieux puits artésien : charpentes crasseuses. Puis la rue de la Butte-aux-Cailles dévale vers ce qui fut jadis la vallée de la Bièvre. Là, sur ce versant se trouvent les derniers vestiges de la Butte-aux-Cailles d'autrefois.
On a tracé des rues, mais les palissades qui les délimitent n'enclosent que des terrains vagues vainement offerts à des constructeurs qui s'entêtent à ne pas se présenter.
Quelques-uns de ces terrains, abandonnés aux orties, servent d'asile à des chiffonniers qui logent dans de misérables cahutes en planches, grelottant au vent.
D'en bas, de la rue Wurtz, par exemple, au soleil, l'aspect est pittoresque ; la nuit, c'est sinistre... On se sent-dans le désert, avec la crainte de rencontrer quelques-unes de ces bêtes fauves à face humaine, qui, bien plus redoutables que les lions et les tigres, grouillent dans le dessous des grandes villes.
Une des rues qui se détachent, de la rue de la Butte-aux-Cailles, pour rejoindre la rue de Tolbiac, s'appelle la rue de l'Espérance. Elle s'entrecroise, juste avant d'arriver à la rue de Tolbiac, avec la rue de la Providence. A l'angle des deux rues dont les noms, si étrangement choisis, montrent, soit dit en passant, que l'édilité parisienne n'est pas toujours ennemie d'une ironique gaieté, se dressait à l'époque de notre récit — car tout cela depuis, a été transformé — une maison composée en tout et pour tout d'un rez-de-chaussée et qui se trouve comme isolée, par les terrains vagues qui l'entourent. Elle tombe en ruines et pour qu'elle ne s'écroulât point, il avait fallu l'étayer massivement de tous les côtés.
On aurait pu la croire inhabitée... Mais sur la façade peinte en un rouge sombre qu'ont délayé les pluies se lisent les mots fatidiques : « Vins et liqueurs » avec cette enseigne : « Au Lapin guillotiné » que commentait une peinture grossière dont le plâtre se fendillait et s'en allait par morceaux. Elle représente un lapin qui, les pattes liées derrière le dos, est amené, vers l'instrument de mort légale.
Et le bourreau, ses aides, les gendarmes qui entourent le patient, sont vêtus en cuisiniers avec la toque blanche et le tablier blanc.
Et si, en passant, vous aviez jeté un rapide regard par la porte plutôt entrebâillée qu'ouverte, vous eussiez vu le traditionnel comptoir de zinc. On se demandait quels sont les êtres capables d'aller s'abreuver là ; puis on réfléchissait que cette maison, plutôt louche encore que borgne, devait être une des nombreuses « souricières » que la police a intérêt à tolérer à Paris pour savoir à peu près où retrouver les gens qu'elle surveille en attendant qu'ils aient fait le mauvais coup qui doit les livrer à la justice. Autrement cet étrange débit de vins n'aurait pas sa raison d'être.
Ce fut là qu'après avoir lentement, pesamment parcouru la rue de la Convention et l'interminable rue d'Alésia, puis un bon bout de la rue de Tolbiac, arrivèrent Emmanuel Levangard dit le Caporal, et Brocheriou dit l'Aztèque.
II était quatre heures du matin, la nuit était très noire, un vent froid soufflait.
Mais quelle que fût l'âpreté glacée du vent, elle n'empêchait pas les deux voyageurs de ruisseler de sueur, tant il leur avait fallu déployer d'énergie presque désespérée pour fournir cette dernière étape.
Mais qu'est-ce que, cela faisait et qu'importaient maintenant leurs fatigues, leurs souffrances, puisqu'ils étaient arrivés?
— Vrai ? interrogea Emmanuel d'une voix qui tremblait, de la voix de ceux qui, de peur d'une déception nouvelle, n'osent plus croire à rien ; nous y sommes ?...
Mais Brocheriou lui montra, du geste, la silhouette vaguement estompée dans les ténèbres du débit de vins à l'angle de la rue de l'Espérance et de la rue de la Providence.
— Tiens ! dit-il, c'est là.
Mais il regardait autour de lui, s'assurait que les alentours étaient, bien déserts, ne se souciant pas d'être vu, au moment où il franchirait le seuil du refuge vers lequel depuis si longtemps tendaient toutes ses pensées.
Il n'y avait personne.
Tout était silencieux.
Alors il se risqua, s'avança, suivi d'Emmanuel, vers la maison, en fit le tour et de son index replié frappa aux volets clos d'une des fenêtres.
Lucien-Victor Meunier, dit Lucien Victor-Meunier, né à Montfermeil le 2
août 1857 et mort à Paris en mai 1930, était un journaliste, romancier et
dramaturge français.
Son roman "Le Caporal" est paru sous forme de feuilleton à l'automne
1907.
Le 13e en littérature
Butte-aux-Cailles
par
Charles Derennes
Depuis toujours on habitait, mon père et moi, sur la Butte-aux-Cailles ; encore aujourd'hui, ce quartier-là n'est guère pareil à tous les autres. Mais si vous l'aviez vu du temps que je vous parle ! Des cahutes s'accrochaient à la butte comme des boutons au nez d'un galeux ; ça grouillait de gosses et de chiens, de poux et de puces...
(1907)
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La prairie de la Glacière
par
Hector Malot
C’est un quartier peu connu des Parisiens que celui qui se trouve entre la Maison-Blanche et la Glacière ; on sait vaguement qu’il y a quelque part par là une petite vallée, mais comme la rivière qui l’arrose est la Bièvre, on dit et l’on croit que cette vallée est un des endroits les plus sales et les plus tristes de la banlieue de Paris. Il n’en est rien cependant, et l’endroit vaut mieux que sa réputation.
(1878)
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Butte-aux-Cailles
par
Gaston Chéreau
Il habitait tout là-bas, aux Gobelins, dans un pâté de bicoques en carton que bousculent des rues à noms magnifiques rue des Cinq-Diamants, rue de l'Espérance, rue de la Butte-aux-Cailles…
(1909)
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Quartier de la Gare
par
J. H. Rosny
Je songe à l'histoire de la petite Jeannette, qui vivait dans le noble quartier de la Gare.
(1908)
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La rue Jonas
par
Léon Sazie
L'antre de « la Baleine » donnait sur la rue Jonas, comme nous l'avons dit. Cette rue au nom biblique se trouvait dans un grouillement de petites voies étroites, courtes, basses, tortueuses, qui forment un coin à part dans ce quartier.
(1910)
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La Cité Jeanne d'Arc
par
Rossignol
Ma « clientèle » de la rue Sainte-Marguerite disparaissait peu à peu. Elle s'était réfugiée cité Doré, qui donne rue Pinel et boulevard de la Gare, ou cité Jeanne-d'Arc, près de la rue Nationale, dans le treizième arrondissement.
(1894)
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Les Gobelins
par
Alexandre Arnoux
Dans le quartier des Gobelins, un gymnase. Des athlètes donnent une représentation suivie par une foule fervente. Dans cette foule un couple a attiré l’attention du narrateur. Elle, Zizine, femme superbe ; lui, petit, contrefait, douloureux. Milarot, champion du monde, est dans la salle.
(1938)
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Saviez-vous que... ?
En 1863, un marché aux chiens se tenait tous les dimanches sur l'emplacement du marché aux chevaux du boulevard de l'hôpital. Il y avait peu de choix.
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La quartier de la Maison Blanche a été tout entier détaché de la commune de Gentilly. On l'appelait le petit Gentilly. La rue Abel Hovelaque portait le nom de rue du petit Gentilly.
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La consécration de l'église Sainte-Anne de la Maison Blanche eut lieu le 24 octobre 1912.
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En avril 1899, la presse se félicitait de la réussite des expériences de télégraphie sans fil de M. Ducretet entre le Sacré-cœur de Montmartre et l’église Sainte-Anne de la Maison-Blanche soit une distance de 7 kilomètres. A l'époque, l'église, en construction, n'avait que sa façade de réalisée laquelle serait inaugurée en avril 1900. La consécration de l'église Sainte-Anne de la Maison-Blanche eut lieu le 24 octobre 1912.
La rivière n'est plus qu'un égout à ciel ouvert. La pression pour une couverture s'amplifie. La Bièvre disparaitra bientôt.