[...] En arrivant, au coin de la rue Jenner, il aperçut le vieux Poil-aux-Pattes qui accourait
en gesticulant.
— Patron! patron! courez vite là-bas. On vous réclame. Il y a un malheur.
— Un malheur ! s'écria Furet.
— Oui, patron... La petite a disparu.
VI Furet sur la piste
Furet partit tout courant. Il trouva Mme Reynaud folle de douleur et de colère. Elle parlait
de s'adresser à la justice, de porter plainte. Puis, elle voulait courir chez Valdonnier. Si ce
n'avait été son extrême faiblesse, elle y serait allée sur le champ.
— Attendons Furet, lui disaient Julie et la mère Fricotte. Quand Furet sera là, nous verrons
que faire.
Le premier cri de Furet, en arrivant, fut :
— C'est ce bandit qui nous l'a reprise.
— Mais nous la lui reprendrons ! s'écria Marie. C'est ma fille, à présent et personne ne peut
me la refuser.
— Sans doute, dit Furet. Mais il faut d'abord savoir où elle est. Comment a-t-elle disparu ?
Quelqu'un a-t-il vu ce brigand… ou sa femelle ?
— Non, personne. La petite était allée chez le pharmacien porter l'ordonnance du docteur. Et
elle n'est pas revenue. Alors, je suis allé voir. Le pharmacien m'a répondu qu'elle avait attendu
un bon moment que la chose fût prête, mais qu'elle était partie déjà depuis une heure au moins.
Et depuis personne ne l'a vue.
— Où demeure le pharmacien? demanda Furet.
— Au coin de la rue Corvisart et de la rue Croulebarbe.
— Est-ce qu'il y a deux chemins pour y aller ?
— Oui, peut-être. on peut passer par le boulevard. Mais, c'est plus long. Elle a pris par la
rue des Reculettes. C'est toujours par-là que nous passions quand nous y allions ensemble.
— Attendez-moi cinq minutes dit Furet, je vais voir.
Il revint au bout d'une demi-heure, un petit paquet à la main.
— C'est clair comme le jour, fit-il. Elle a été enlevée au détour de la rue des Reculettes.
— Comment le savez-vous ?
— Oh ! ça n'est pas bien malin. Ce méchant boyau de rue en zig-zag n'est pas balayé tous les
jours, et il n'y passe jamais personne, ce n'est pas pavé, de sorte que les voitures et même les
piétons y laissent leur trace. Je viens d'examiner la rue. Personne n'y est passé depuis l'affaire.
Eh! bien, il est sûr que depuis plusieurs jours on vous guettait.
— On nous guettait ? Mais comment pouvez-vous le savoir ?
— Miette a été enlevée dans la rue et ceux qui l'ont enlevée, car ils étaient deux, un homme
et une femme, ont stationné là longtemps et ils y sont venus plusieurs fois.
— Un homme et une femme ? M. Valdonnier et Sarah.
— Non, ce ne sont pas eux. Mais laissez-moi vous conter ce que j'ai vu, et vous comprendrez.
Au coin de la rue des Reculettes et de la rue de Gentilly, tout près du mur, il y a un endroit
battu, où certainement on a monté la garde longtemps. Et c'est une femme, qui guettait. Cette femme,
de temps en temps, probablement quand il venait quelqu'un, passait derrière le mur, dans le terrain
vague qui est avant d'arriver au bout de la rue. Il y avait un homme, là, un homme qui fumait la
cigarette, car il y en a des douzaines de bouts par terre. Et des cigarettes drôlement faites encore.
Preuve qu'on a guetté longtemps. Et il y en a qui ont été mouillée par la pluie. Preuve qu'on guettait
depuis au moins avant-hier, puisque c'est hier dans la nuit qu'il a plu.
L'homme est resté longtemps assis sur une grosse pierre et il s'ennuyait ferme. Il a creusé la
terre avec son talon, à petits coups. Ça veut dire qu'on trouve le temps long à ce travail-là. D'ailleurs,
il y a de la cendre de tabac, des allumettes et des bouts de cigarettes tout plein autour de ce
caillou. L'homme est chaussé de souliers à clous et il a des guêtres. À chaque coup de talon, ses
guêtres se marquaient dans la terre qui se soulevait et se tassait derrière son pied.
Il était là avant que Miette passât dans la rue. On voit ses pas qui viennent du côté de la rue
Croulebarbe et, près du mur, Miette qui courait, a marché dessus. Elle courait puisque son talon
est à peine marqué, et elle appuyait sur les pointes. Après que Miette a été passée, l'homme est
parti, marchant très vite. La femme a dû suivre Miette. Elle est allée jusqu'au bout de la rue.
L'homme est allé chercher une voiture — le fiacre 2135 — et il l'a conduite au second tournant
de la rue des Reculettes.
— Comment! vous savez le numéro du fiacre! Alors nous allons savoir où elle est ! s'écria Marie.
— Non, madame, non. L'homme a pris le fiacre, mais il n'a pas pris le cocher. Il a simplement
emprunté la voiture pendant que le cocher déjeunait. J'ai su ça par le marchand de vin de la rue
Croulebarbe. La voiture est restée là un bon moment. Le cheval a piétiné et l'homme a fait deux
cigarettes. La femme montait la garde au coin de la rue Croulebarbe. Quand Miette est passée, en
revenant, on a dû la prendre par surprise, parce qu'elle a traversé la rue pour aller jusqu'à côté
de la voiture. Ses pas sont marqués dans la boue, au milieu de la rue. Et quand on l'a attrapée,
elle a dû se débattre, car voilà le paquet du pharmacien qui a été jeté à quelques pas derrière
la voiture.
— Elle a pu le jeter de dedans la voiture, voiture, qu'elle marchait.
— Non. La voiture est partie du côté de la rue Croulebarbe et le paquet se trouvait du côté de
la rue de Gentilly. Et la voiture s'en est allée grand train. Elle a tourné dans la rue Croulebarbe
et gagné le boulevard. Et là on ne voit plus rien.
— Mais comment êtes-vous sûr que ce n'est pas M. Valdonnier et Sarah ?
— M. Valdonnier fume le cigare ou la pipe et la Sarah n'a pas des pieds comme ceux de la
femme, des pieds tout petits, chaussés d'escarpins sans talons. Et la femme est plus petite que
Sarah.
— Ah! par exemple ! fit la Fricotte. Alors, on l'a vue !
— Non, personne n'a vu ni l'homme ni la femme.
— Alors comment pouvez-vous dire si elle est petite ou grande ?
— Pendant que la femme guettait au coin de la rue de Gentilly — et elle a dû y guetter
longtemps, pendant plusieurs jours elle s'appuyait contre le mur. Il y a de la mousse et de petites
plantes, plein la muraille. Elle les a froissées, et elle a arraché la mousse avec ses doigts à
l'endroit où elle a appuyé la main. L'endroit où son épaule a froissé les plantes est de quatre
doigts plus bas que l'endroit où vient la mienne, même en me courbant, comme on fait quand on guette.
La femme est donc plus petite que moi et comme Sarah est plus grande, ce n'est pas elle. D'ailleurs
Sarah n'a pas ce pied là.
— Mais qui cela peut-il être. Qui donc a intérêt à enlever ma fille, si ce n'est M. Valdonnier.
— Ça, c'est autre chose. Que ce soit cette canaille qui ait fait faire le coup, c'est possible,
c'est même probable quoique… peut-être… Mais ça c'est une chose que nous saurons quand nous voudrons.
Il n'y a qu'à aller trouver M. Valdonnier.
— J'y allais, dit Marie.
— Ah! voilà… faut réfléchir un brin. Vous comprenez bien que s'il n'est pas venu la réclamer
ouvertement, carrément, c'est qu'il se doute bien que vous avez fait ce qu'il faut pour ne pas la
lui donner. S'il nous l'a fait voler, c'est qu'il savait bien que vous pouviez la lui refuser. Alors,
naturellement, il a fait le coup en cachette. Il vous dira qu'il n'en sait rien. Il est capable
de vous reprocher de l'avoir laissé enlever. Que sait-on ce dont ce gredin-là est capable. Et, sans
vous faire tort, madame, vous n'êtes pas de force avec un filou comme celui-là. Il vous roulerait
que vous n'y verriez rien... Et pourtant. il faut y aller, car il est bien clair qu'il ne viendra
pas vous trouver. Ce serait vendre la mèche. Vous comprenez. Oui… il faut y aller. Mais. si vous
voulez, madame, j'irai avec vous.
— Volontiers, j'allais vous le demander. Allons vite.
Dans le quartier des Gobelins, un gymnase. Des athlètes donnent une représentation suivie par une foule fervente. Dans cette foule un couple a attiré l’attention du narrateur. Elle, Zizine, femme superbe ; lui, petit, contrefait, douloureux. Milarot, champion du monde, est dans la salle.
Le promeneur qui remonte le boulevard Auguste-Blanqui dans la direction de la place d'Italie, est frappé par l'aspect pittoresque d'une vieille maison enclose dans le triangle formé par ce boulevard, la rue Edmond-Gondinet et la rue Corvisart.
Quelle rue étrange que cette rue du Pot-au-Lait ! déserte, étranglée, descendant par une pente rapide dans une grande voie inhabitée, aux pavés enchâssés dans la boue...
Depuis toujours on habitait, mon père et moi, sur la Butte-aux-Cailles ; encore aujourd'hui, ce quartier-là n'est guère pareil à tous les autres. Mais si vous l'aviez vu du temps que je vous parle ! Des cahutes s'accrochaient à la butte comme des boutons au nez d'un galeux ; ça grouillait de gosses et de chiens, de poux et de puces...
À l'horizon, passé la plaine de la Glacière, vers la poterne des Peupliers, les « fortifs » verdoyaient comme une chaîne de collines.
(1909)
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Saviez-vous que... ?
Le 19 juillet 1927, le nom de rue de Gentilly fut donné à la rue du Gaz. Le nom de rue de Gentilly avait été, jusqu'en 1899, celui de la rue Abel-Hovelacque d'aujourd'hui. Cette nouvelle rue de Gentilly perdit ensuite son nom au profit de Charles Moureu et d'Albert Bayet.
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La rue Gustave Geffroy, avant de recevoir le nom de administrateur de la manufacture nationale des Gobelins, s'appela rue Léon Durand jusqu'en 1937. Cette rue fut créée en 1906.
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Selon un article du Figaro du 29 août 1905, le 13e arrondissement comptait alors 938 jardins privés.
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En 1849, face à la barrière des Deux-Moulins, sur le territoire de la Commune d’Ivry, dans la rue principale qui allait devenir la rue Nationale, deux bals se faisaient concurrence : La Belle Moissonneuse au 31 (ancienne numérotation), propriété de M. Latruffe et La Belle-Jardinière exploité par M. Cudat qui fut remplacé par Le Grand Vainqueur. Le bal de la Belle-Moissonneuse accueillit de nombreuses réunions politiques de 1848 jusqu’en 1876 et ferma ses portes peu après.
L'image du jour
rue Nationale - Quartier de la Gare (image colorisée)
La rue Nationale était l'axe majeur du quartier de la Gare. La rue Jeanne d'Arc n'était pas encore transversante et était dédiée à l'industrie. La rue Nationale rassemblait commerces et services. Elle était le centre de l'animation d'une vraie vie de quartier populaire qui fut voué à la destruction par son classement en « ilôt insalubre ». ♦