Ma « clientèle » de la rue Sainte-Marguerite disparaissait peu à peu.
Elle s'était réfugiée cité Doré, qui donne rue Pinel et boulevard de la
Gare, ou cité Jeanne-d'Arc, près de la rue Nationale, dans le treizième
arrondissement.
Ces deux cités ont été plusieurs fois décrites par les écrivains curieux
du Paris pittoresque. La première est habitée par les chiffonniers, qui y
ont établi de bizarres petits logements ornés de vieux vases, de vieux
cuivres, de vieux bibelots démolis et ramassés sur les tas d'ordures. La
cité Jeanne-d'Arc se compose de quatre corps de bâtiments de cent mètres
environ chacun, élevés de cinq ou six étages.
Le gardien de cette cité ne connaît certainement pas le nombre.de
logements qu'ils contiennent et qui sont loués de trente sous à trois francs
par semaine. Vous pensez bien que, lors que le locataire ne paie point son
terme, il serait oiseux au propriétaire d'aller chercher l'huissier et de
faire des frais : on se contente de dévisser les portes et les fenêtres !
Exposé aux quatre vents, le malheureux habitant du logis ne tarde pas à
déguerpir.
Les logements de la cité Jeanne-d'Arc sont souvent habités, par des
escarpes. Ils le sont aussi par des ouvriers extrêmement pauvres ou par des
individus exerçant des professions « libérales », tels que marchands de
quatre-saisons, vendeurs de journaux, d'oiseaux, etc., etc. C'est là aussi
que demeurent un grand nombre de mendiants parisiens, dont le métier est
extrêmement lucratif. Je me souviens, à ce propos, d'un camarade de
régiment, garçon de beaucoup de talent, second prix de hautbois du
Conservatoire, sous-chef de musique... Je le rencontrai, un soir, faisant la
quête dans les cafés, après avoir joué de son instrument. Je lui demandai
pourquoi il se livrait à cette profession peu honorable, somme toute.
— Dame, me répondit-il, je suis chargé, de famille et je ne gagnerais
pas, si je me plaçais, plus de cent cinquante ou deux cents francs par mois.
En allant de café en café de dix heures à minuit, je gagne plus de vingt
francs par jour...
J'ai dit précédemment que la brigade où j'étais alors employé était
chargée de rechercher et d'arrêter les condamnés en rupture de ban. Cité
Jeanne-d'Arc, je faisais souvent de bonnes prises.
Mais ces arrestations étaient souvent dangereuses. Un jour, un des
indicateurs de la Sûreté, à qui je faisais donner cinq francs pour chaque
dénonciation, me fit connaître qu'un nommé G..., soumis à la surveillance et
en rupture de ban, logeait cité Jeanne-d'Arc. À six heures, le lendemain
matin, j'étais à la porte de sa chambre.
Pour ces excursions matinales, je m'armais toujours d'une trique de
bouvier, dans le haut de laquelle se trouve une lanière qui se roule au
poignet. C'est l'arme la plus pratique que je connaisse. La canne à épée ne
sert à rien. Je ne me souviens pas qu'une seule personne armée d'une canne à
épée ait pu l'utiliser au bon moment, c'est-à-dire au moment où elle était
attaquée, tandis que, tout récemment, un bon bourgeois fut tué à Charenton
par des rôdeurs qui lui avaient retiré des mains sa canne à épée... De
préférence, si vous voulez être armé, prenez un revolver. Si vous êtes
attaqué, tirez deux coups de feu : le premier en pleine poitrine et le
second en l'air. Les gardiens de la paix arriveront au bruit de la
détonation. Si votre agresseur n'est pas tué, vous serez conduit au poste
avec lui et il vous sera facile de vous expliquer. S'il est tué, je vous
conseille de dire :
— J'ai tiré un premier coup en l'air, mon agresseur n'a pas tenu compte
de mon avertissement : j'ai tiré sur lui.
Vous ne pourrez pas être inquiété du tout et votre mensonge n'indignera
personne, car vous étiez, dès le premier moment, dans le cas de légitime
défense. Vous serez seulement poursuivi pour port d'arme prohibée, si votre
revolver ne mesure pas quatorze centimètres de la crosse à l'extrémité du
canon. À partir de cette longueur, le revolver, en effet, est autorisé.
Si votre arme est plus petite, on vous la saisira et, quinze ou dix-huit
mois plus tard, vous la retrouverez à l'étalage de quelque brocanteur qui
l'aura achetée aux ventes organisées par les Domaines, rue des Écoles, 2.
Cette digression passée, revenons à ma présence cité Jeanne-d'Arc. Je
frappai. Nous étions trois agents. Dans la pièce ils étaient neuf individus
à mine patibulaire, pour employer un cliché bien connu. Nous entrons. Je les
compte. « Sapristi : me dis-je, nous ne sommes pas en nombre. » Et, me
tournant vers mes collègues :
— Inutile de dire aux autres de monter. Nous sommes assez de trois.
Allons, vous autres, laissez-vous prendre.
Croyant qu'en bas une brigade de sergents de ville attendait, nos
bonshommes ne bougèrent pas, se laissèrent attacher deux à deux et, un agent
par devant et moi par derrière, nous les fîmes descendre. Dans la rue, l'un
d'eux, auquel j'avais donné à porter le paquet d'objets saisis, s'exclama :
— Ah ! bien, zut ! si nous avions su que vous ne soyez que trois, vous
ne nous auriez pas mis la poigne sur les endos. Faut-il que nous soyons
gourdes ! Quelles pochetées nous sommes ! (Faut-il que nous soyons bêtes !
Quels imbéciles nous sommes !)
C’est un quartier peu connu des Parisiens que celui qui se trouve entre la Maison-Blanche et la Glacière ; on sait vaguement qu’il y a quelque part par là une petite vallée, mais comme la rivière qui l’arrose est la Bièvre, on dit et l’on croit que cette vallée est un des endroits les plus sales et les plus tristes de la banlieue de Paris. Il n’en est rien cependant, et l’endroit vaut mieux que sa réputation.
Il habitait tout là-bas, aux Gobelins, dans un pâté de bicoques en carton que bousculent des rues à noms magnifiques rue des Cinq-Diamants, rue de l'Espérance, rue de la Butte-aux-Cailles…
L'antre de « la Baleine » donnait sur la rue Jonas, comme nous l'avons dit. Cette rue au nom biblique se trouvait dans un grouillement de petites voies étroites, courtes, basses, tortueuses, qui forment un coin à part dans ce quartier.
Ma « clientèle » de la rue Sainte-Marguerite disparaissait peu à peu. Elle s'était réfugiée cité Doré, qui donne rue Pinel et boulevard de la Gare, ou cité Jeanne-d'Arc, près de la rue Nationale, dans le treizième arrondissement.
Dans le quartier des Gobelins, un gymnase. Des athlètes donnent une représentation suivie par une foule fervente. Dans cette foule un couple a attiré l’attention du narrateur. Elle, Zizine, femme superbe ; lui, petit, contrefait, douloureux. Milarot, champion du monde, est dans la salle.
Le promeneur qui remonte le boulevard Auguste-Blanqui dans la direction de la place d'Italie, est frappé par l'aspect pittoresque d'une vieille maison enclose dans le triangle formé par ce boulevard, la rue Edmond-Gondinet et la rue Corvisart.
Quelle rue étrange que cette rue du Pot-au-Lait ! déserte, étranglée, descendant par une pente rapide dans une grande voie inhabitée, aux pavés enchâssés dans la boue...
Depuis toujours on habitait, mon père et moi, sur la Butte-aux-Cailles ; encore aujourd'hui, ce quartier-là n'est guère pareil à tous les autres. Mais si vous l'aviez vu du temps que je vous parle ! Des cahutes s'accrochaient à la butte comme des boutons au nez d'un galeux ; ça grouillait de gosses et de chiens, de poux et de puces...
Ce jour-là, 3 octobre 1886, le train express de Bordeaux — deuxièmes et troisièmes classes — avait eu plus d'une heure de retard et le service de l'arrivée s'en ressentait...
La Ville de Paris, qui loue pour rien les luxueux pavillons du Bois de Boulogne aux jouisseurs et aux parasites, veut expulser de malheureux travailleurs de logements peu confortables certes, mais pour lesquels ils paient un lourd loyer. (1927)
La laiterie Verny, située en plein cœur du populeux quartier de la Gare, 17, rue Bruant occupait, depuis quatre années, Henri Lecoin, âgé de vingt-huit ans, en qualité de caissier-comptable.
Les locataires n'étaient pas plutôt dans la rue que des démolisseurs se mettaient à l'ouvrage pour le compte d'un garage Renault qui fait procéder à des agrandissements. Ainsi les limousines des exploiteurs seront à l'abri et les locataires logeront où et comme ils pourront. (1927)
Les nombreux flâneurs qui vont chaque soir, au soleil couchant, respirer un peu d'air sur les glacis des fortifications, à la porte d'Italie, ont assisté hier à une véritable bataille.
Que l'on démolisse les taudis, nids à tuberculose qui pullulent dans la « Ville-Lumière », nous n'y trouverons rien redire, au contraire ! Mais que sous prétexte d'assainissement, comme cela s'est produit passage Moret, on expulse, en 21 jours, au profit d'un garage, des malheureux que l’on a finalement « logés » dans des taudis sans nom, c'est un véritable scandale ! (1927)
Un nommé Jean Siégen, dit « Jean-Jean » âgé de vingt-six ans, demeurant rue de la Pointe-d'Ivry, a tiré cinq coups de revolver, la nuit dernière, passé la porte d'Ivry, sur Mlle Marie Berthot, âgée de vingt et un ans, ouvrière lingère, rue de la Butte-aux-Cailles.
Tout un coin de Paris est en train de se modifier singulièrement. Huysmans ne reconnaîtrait plus sa Bièvre. Non seulement le ruisseau nauséabond est maintenant couvert depuis bien des années, mais le sinistre passage Moret a presque complètement disparu de la topographie parisienne et, au milieu de cette année, les fameux jardins dont la jouissance était réservée aux tisseurs et dessinateurs de la Manufacture des Gobelins, vergers en friche qui, quelquefois, servaient de dépôt d'ordures aux gens du quartier, auront perdu leur aspect de Paradou abandonné. (1937)
Hier soir, à dix heures quarante-cinq, un incendie s'est déclaré dans le grenier à fourrages de M. Brancourt, grainetier, boulevard de la Gare, 187. La cause de ce sinistre n'est pas encore connue.
Paris aura la semaine prochaine un nouveau jardin public, un très beau jardin. Il n’en possédera jamais trop ! Le fait est d’autant plus intéressant que ce nouveau jardin se trouve dans un arrondissement, au reste fort peuplé, le 13e, qui, il y a encore un an, ne possédait pas le moindre square. (1938)
Les habitants de la rue du Dessous-des-Berges, dans le quartier de la Gare, ont été fortement impressionnés hier soir par un drame présentant un côté mystérieux, qui s'est déroulé dans l'immeuble situé au numéro 78. Une mère, Marie Pouquet, âgée de trente-deux ans, est venue s'abattre vers minuit sur le pavé de la cour, elle portait, attaché autour du corps, son enfant âgé de vingt mois.