Littérature

 Les mémoires de Rossignol - 1894

Les mémoires de Rossignol

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V
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Mais revenons à mes premiers travaux.

Ma « clientèle » de la rue Sainte-Marguerite disparaissait peu à peu. Elle s'était réfugiée cité Doré, qui donne rue Pinel et boulevard de la Gare, ou cité Jeanne-d'Arc, près de la rue Nationale, dans le treizième arrondissement.

Ces deux cités ont été plusieurs fois décrites par les écrivains curieux du Paris pittoresque. La première est habitée par les chiffonniers, qui y ont établi de bizarres petits logements ornés de vieux vases, de vieux cuivres, de vieux bibelots démolis et ramassés sur les tas d'ordures. La cité Jeanne-d'Arc se compose de quatre corps de bâtiments de cent mètres environ chacun, élevés de cinq ou six étages.

Le gardien de cette cité ne connaît certainement pas le nombre de logements qu'ils contiennent et qui sont loués de trente sous à trois francs par semaine. Vous pensez bien que, lors que le locataire ne paie point son terme, il serait oiseux au propriétaire d'aller chercher l'huissier et de faire des frais : on se contente de dévisser les portes et les fenêtres ! Exposé aux quatre vents, le malheureux habitant du logis ne tarde pas à déguerpir.

Les logements de la cité Jeanne-d'Arc sont souvent habités, par des escarpes. Ils le sont aussi par des ouvriers extrêmement pauvres ou par des individus exerçant des professions « libérales », tels que marchands de quatre-saisons, vendeurs de journaux, d'oiseaux, etc., etc. C'est là aussi que demeurent un grand nombre de mendiants parisiens, dont le métier est extrêmement lucratif. Je me souviens, à ce propos, d'un camarade de régiment, garçon de beaucoup de talent, second prix de hautbois du Conservatoire, sous-chef de musique... Je le rencontrai, un soir, faisant la quête dans les cafés, après avoir joué de son instrument. Je lui demandai pourquoi il se livrait à cette profession peu honorable, somme toute.

— Dame, me répondit-il, je suis chargé, de famille et je ne gagnerais pas, si je me plaçais, plus de cent cinquante ou deux cents francs par mois. En allant de café en café de dix heures à minuit, je gagne plus de vingt francs par jour...

J'ai dit précédemment que la brigade où j'étais alors employé était chargée de rechercher et d'arrêter les condamnés en rupture de ban. Cité Jeanne-d'Arc, je faisais souvent de bonnes prises.

Mais ces arrestations étaient souvent dangereuses. Un jour, un des indicateurs de la Sûreté, à qui je faisais donner cinq francs pour chaque dénonciation, me fit connaître qu'un nommé G..., soumis à la surveillance et en rupture de ban, logeait cité Jeanne-d'Arc. À six heures, le lendemain matin, j'étais à la porte de sa chambre.

Pour ces excursions matinales, je m'armais toujours d'une trique de bouvier, dans le haut de laquelle se trouve une lanière qui se roule au poignet. C'est l'arme la plus pratique que je connaisse. La canne à épée ne sert à rien. Je ne me souviens pas qu'une seule personne armée d'une canne à épée ait pu l'utiliser au bon moment, c'est-à-dire au moment où elle était attaquée, tandis que, tout récemment, un bon bourgeois fut tué à Charenton par des rôdeurs qui lui avaient retiré des mains sa canne à épée... De préférence, si vous voulez être armé, prenez un revolver. Si vous êtes attaqué, tirez deux coups de feu : le premier en pleine poitrine et le second en l'air. Les gardiens de la paix arriveront au bruit de la détonation. Si votre agresseur n'est pas tué, vous serez conduit au poste avec lui et il vous sera facile de vous expliquer. S'il est tué, je vous conseille de dire :

— J'ai tiré un premier coup en l'air, mon agresseur n'a pas tenu compte de mon avertissement : j'ai tiré sur lui.

Vous ne pourrez pas être inquiété du tout et votre mensonge n'indignera personne, car vous étiez, dès le premier moment, dans le cas de légitime défense. Vous serez seulement poursuivi pour port d'arme prohibée, si votre revolver ne mesure pas quatorze centimètres de la crosse à l'extrémité du canon. À partir de cette longueur, le revolver, en effet, est autorisé.

Si votre arme est plus petite, on vous la saisira et, quinze ou dix-huit mois plus tard, vous la retrouverez à l'étalage de quelque brocanteur qui l'aura achetée aux ventes organisées par les Domaines, rue des Écoles, 2.

Cette digression passée, revenons à ma présence cité Jeanne-d'Arc. Je frappai. Nous étions trois agents. Dans la pièce ils étaient neuf individus à mine patibulaire, pour employer un cliché bien connu. Nous entrons. Je les compte. « Sapristi : me dis-je, nous ne sommes pas en nombre. » Et, me tournant vers mes collègues :

— Inutile de dire aux autres de monter. Nous sommes assez de trois. Allons, vous autres, laissez-vous prendre.

Croyant qu'en bas une brigade de sergents de ville attendait, nos bonshommes ne bougèrent pas, se laissèrent attacher deux à deux et, un agent par devant et moi par derrière, nous les fîmes descendre. Dans la rue, l'un d'eux, auquel j'avais donné à porter le paquet d'objets saisis, s'exclama :

 — Ah ! bien, zut ! si nous avions su que vous ne soyez que trois, vous ne nous auriez pas mis la poigne sur les endos. Faut-il que nous soyons gourdes ! Quelles pochetées nous sommes ! (Faut-il que nous soyons bêtes ! Quels imbéciles nous sommes !)

Et il déposa par terre son paquet en disant :

— Porte-le toi-même !

C'est ce que je fis.

Fin provisoire des extraits

Le 13e en littérature

Butte-aux-Cailles

Madame Sept-Quatre

par
William Cobb
(Jules Lermina)

En tournant le dos à la Seine, à la hauteur du pont des Arts, et en s'engageant en ligne droite sur la rive gauche, on laisse à droite le cimetière Montparnasse et on parvient aux anciens boulevards extérieurs. Là se trouve le boulevard d’Italie et l’ex barrière du même nom.
À deux pas, un peu sur la droite, s’étend l’un des quartiers les plus curieux et les moins connus de Paris.
C’est la butte aux Cailles.

(1873)

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De la place d'Italie à la Bièvre via l'avenue de la soeur Rosalie et la ruelle des Reculettes

Le faiseur de momies

par
Georges Spitzmuller et Armand Le Gay

Dans ce roman paru en feuilleton dans Le Matin, Georges Spitzmuller et Armand Le Gay emmènent leur lecteur sur la piste de M. Ducroc, chef de la sûreté, pour qui le XIIIe arrondissement n'avait pas de secret.

(1912)

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Rue du Dessous-des-Berges

La dame de pique

par
Jules de Gastyne

Il existe à Paris, dans les quartiers perdus, des rues mornes et désertes qu'on traverse avec un sentiment de stupeur.

(1906)

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A travers la Maison-Blanche

Les apaches de la Butte-aux-Cailles

par
Lucien Victor-Meunier

Un instant plus tard, elle était dehors dans le terrain vague qui descendait en pente rapide vers la vallée de la Bièvre...

(1907)

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La poterne des Peupliers

La vague rouge

par
J. H. Rosny Ainé

Un homme s'arrêta sur la route, près de Gentilly. Il considéra le paysage misérable et puissant, les fumées vénéneuses, l'occident frais et jeune comme aux temps de la Gaule celtique.
Si l'auteur nomme une poterne des Tilleuils, c'est bien de la poterne des Peupliers dont s'agit.

(1910)

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Rue des Peupliers

Perdues dans Paris

par
Jules Mary

Un des coins de Paris, misérable et sinistre. La longée des fortifications plantées d'arbres en double ou triple rangée, le côtoie pourtant de verdures plaisantes durant la belle saison, mais, en réalité, sépare pour ainsi dire cette région parisienne du reste du monde. Du haut de la rue des Peupliers...

(1908)

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Quartier Croulebarbe

Les esclaves de Paris

par
Émile Gaboriau

C'est là un quartier étrange, inconnu, à peine soupçonné de la part des Parisiens...
Où Emile Gaboriau fait découvrir le quartier Croulebarbe à ses lecteurs.

(1868)

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Saviez-vous que... ?

La rue du Tibre, dans le quartier Maison-Blanche, a été ouverte sur l'emplacement d'une voirie d'équarrissage, elle a porté le nom de rue de la Fosse-aux-Chevaux, puis du Tibre, à cause de la Bièvre autour de laquelle ont été groupés des noms de fleuves.

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Bobillot, héros du Tonkin, était prénommé Jules. La rue portant son nom est longue de 1.100 mètres.

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La rue du Petit Banquier que Balzac et Victor Hugo rendirent célèbre, l'un dans le colonel Chabert, l'autre dans les Misérables, perdit son nom au profit du peintre Watteau par décret impérial du 27 février 1867.

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Ce n'est qu'en 1867, que la route de Fontainebleau devint officiellement l'avenue d'Italie.

L'image du jour

Place Pinel