Littérature

 Les chiffonniers de Paris - 1861

Les chiffonniers de Paris

Turpin de Sansay — 1861

L'histoire se passe en 1827 (NdE)

[...]

Lodoïska ne répondit rien. Les yeux du banquier lançaient des éclairs de convoitise ; on eût dit qu'une passion subite venait d'étreindre son âme.

— Eh bien, mais, maintenant que ce malade est parti, vous allez reprendre votre état ? balbutia-t-il.

— Mon état ?... oh ! non, jamais !

— Pourquoi donc ?

— Parce que je le trouve trop avilissant... À dater de ce jour, je veux m'élever.

— Ah ! ah ! vous êtes ambitieuse !... Vous irez loin, mon enfant.

— Pourquoi pas, monsieur !... Je me suis aperçue qu'on méprisait les créatures qui ont pour métier de nettoyer le chemin des heureux du monde !... Je ne veux plus être méprisée, moi !

— Vous voulez qu'on vous aime, au contraire ?... Eh ! mais... vous avez raison... Lorsque vous serez bien vêtue, je crois que vous pourriez tenir votre place au rang des déesses du luxe et de l'amour !

— Oh ! si cela était ! exclama avec passion la balayeuse.

— Eh bien ? fit Marville en rapprochant un peu son siège.

— Rien, rien... répondit-elle vivement. —Oh ! si cela était ! ajouta-t-elle tout bas, il m'aimerait, lui !

Placés sur le terrain des passions, Marville et Lodoïska causèrent longtemps encore, chacun à leur point de vue...

En sortant de la mansarde de la balayeuse, le banquier s'approcha de Gaspard, resté, d'après son ordre, sur le palier.

— Regarde à travers le trou de cette serrure, lui dit-il à voix basse.

— C'est fait, répondit Gaspard.

— Qu'as-tu remarqué ?

— Une femme rêveuse... Oh ! qu'elle est belle !

— Grave bien ses traits dans ta mémoire.

— Je m'en souviendrai, monsieur.

— Demain elle viendra à mon hôtel, je l'ai autorisée à cette démarche, qui a pour but d'améliorer sa position.

— Fort bien, monsieur.

— Tu la recevras.

— Ensuite ?

Marville réfléchit un instant.

— C'est toi que je chargerai de lui trouver un appartement splendide.

—J'ai compris, monsieur.

— Sois adroit, et surtout discret.

—Comme d'habitude ; vous n'aurez pas à vous plaindre de mon zèle.

Le banquier et le valet de chambre s'éloignèrent.

Chapitre XV
La maison verte de la Barrière des Deux-Moulins

En suivant les rues Saint-Victor, du Marché-aux-Chevaux et de Campo-Formio, on arrivait à la barrière des Deux-Moulins, située de l'autre côté du boulevard extérieur.

Cette barrière traversée et en côtoyant son artère principale ; qui aboutissait aux champs d'Ivry, on remarquait un établissement bizarre qui portait pour enseigne, au-dessus d'une porte charretière : Au Grand-Napoléon.

Ce cabaret fameux, ne possédant qu'un rez-de-chaussée, peint en rouge et surmonté d'un toit en tuiles, était précédé d'un jardin entouré de barreaux verts.

Il était, le dimanche surtout, fréquenté par le peuple, qui venait y prendre ses repas à bon marché, pour ensuite terminer sa flânerie, le soir venu, au bal de la Belle Moissonneuse, établi presque en face.

C'est donc un dimanche que nous allons conduire nos lecteurs, et entrer avec eux au cabaret du Grand-Napoléon.

Il était cinq heures environ ; la foule abondait autour des tables de l'inférieur et du jardin.

À l'une de ces tables, accotée au coin de la maison, étaient assis deux hommes devant un pot de vin clairet.

Ces deux hommes étaient, l'un Meurt-de-soif, et l'attire, Fouilloux, le fabricant d'asticots.

Afin de suivre la coutume populaire qui consistait à s'habiller le dimanche un peu mieux que dans la semaine, les deux chiffonniers s'étaient mis en frais de toilette, Meurt-de-soif avait endossé une blouse presque neuve, en conservant néanmoins sa hideuse casquette, posée sur le coin de l'oreille ; Fouilloux, affublé d'une veste sans pans et d'un chapeau à larges bords, ressemblait à un honnête Auvergnat de la rue de Lappe en congé de travail.

Penchés tous deux tête à tête, les coudes appuyés sur la table, ils causaient à mi-voix sans s'occuper de ce qui se passait dans le jardin ou dans l'établissement, dont une fenêtre entr'ouverte aboutissait à l'extrémité de leur table.

— Voyons, à ta santé, mon vieux, dit Meurt-de-soif en remplissant les verres, et causons...

— Par quoi faut-il commencer ? interrogea Fouilloux après avoir bu.

— Par le commencement, tête de linot effarouché.

— Ah ! c'est que, vois-tu, j'ai fait les choses en conscience... à preuve que j'ai presque négligé mes petites bêtes en m'absentant une partie de la semaine de ma manufacture...

— Dépêchons-nous, le jour baisse, y a pas de temps à perdre. Comment qu'est située la cassine du Verneuil ?

— Là-bas, en plein champ, sur le coteau, avant d'arriver à Ivry... elle a des persiennes vertes ; son jardinet, tout ratatiné, est entouré de murs à hauteur de gendarme.

— Combien sont-ils de larbins là dedans ?

— Un seul, birbe comme le singe (patron). Je l'ai fait jaspiner, pas plus tard que ce matin, et y m'a faufilé dans la cambuse...

— Je suis curieux de savoir de quelle façon que tu t'y es pris ?

— Voilà... après avoir pris des renseignements chez le mannesinque du boulevard d'Ivry, qu'est proche de la cahute en question, j'ai su que le Verneuil aimait la pêche et qu'y recherchait les asticots premier numéro... Vlan ! mon affaire était trouvée...

— J'y suis. T'as été trouver le larbin ?

— Oui, et je lui ai proposé ma marchandise...

— En lui assurant une prime sur la vente, ben entendu ?...

— Bravo ! tu devines carrément, vieux.

— En-jaspinant, t'as regardé la cahute ?

— J'aurais eu le temps de la défigurer cent fois... Le père Guillaume, — c'est le nom du vieux larbin, — a vidé avec moi une pinte de rhum...

— Fichtre ! il est soifmann, le subalterne... Tu l'as questionné sur son maître et les habitudes de la cambuse, pas vrai ?

— Oui, le Verneuil vit tout seul depuis dix ans. Paraît qu’il a eu des malheurs aussi, lui... Mais suffit sur la légende...

— Déroule le chapelet, petit ; les moindres détails engendrent les grandes révolutions, comme dit un ancien. Qu'est-ce que c'est que les malheurs qu'il a éprouvés ?

— Paraît qu'y s'est conjoint deux fois.

— La bête !... Après ça ?

— Du premier conjungo, il a eu un mioche !

— Conséquence du goût prononcé qu'on a pour le beau sesque. Ensuite est venu le second mariage, qui n'a produit que nisco...

— Résultat des ans et de l'abaissement des facultés humaines, conclut Meurt-de-soif en avalant un verre de clairet.

— Puis le mioche a été effarouché sans qu'on sache où qu'il était passé... Puis la seconde moitié du vieux, quoiqu'étant plus jeune que lui, a claqué aussi, et là-dessus...

— Et là-dessus, solitude, chagrin, monomanie... des bêtises, quoi !... Mais assez de philosophade. Passons au positif... Ousqu'est placée la cachette aux picaillons ?

— Ah! v'là ce que je n'ai pu tirer du larbin abruti, qu'était pourtant pas mal ébouriffé par le liquide !...

— Tant pis... mais t'as de l'œil et t'as remarqué ?...

— Minute ! j'ai supposé, v'là tout!... Il ne s'agit point de se compromettre par des affirmatives sans affirmation.

— Chut ! quelqu'un !

L'interruption de Meurt-de-soif était produite par l'apparition de Mercredi, qui venait soudain de se dresser derrière la fenêtre à laquelle aboutissait la table des buveurs.

Depuis sa maladie, Mercredi était tellement changé, que le chef des Quarante-Cinq ne le reconnut pas, quoique la circonstance dans laquelle il l'avait rencontré au Grand-Vainqueur fût assez grave pour qu'elle frappât son esprit.

Le jeune musicien avait entendu toute la conversation des assassins.

On s'étonnera sans doute de sa présence au cabaret du Grand Napoléon ; rien n'est plus simple cependant.

Mercredi avait repris, son métier de musicien ambulant, et était venu ce dimanche-là jouer du violon à la barrière des Deux-Moulins. S'étant aperçu que l'aubaine avait été bonne et voulant rester la soirée à la barrière pour continuer sa recette, il était entré dîner au cabaret dont nous venons de parler.

[...]

Le 13e en littérature

Rue des Cinq-diamants

La criminelle

par
Jules Lermina

Un plus érudit découvrira l'origine de ce nom singulier, la rue des Cinq-Diamants.
L'étude consciencieuse qui a été faite pour le vieux Paris tentera quelque explorateur des anciennes banlieues annexées : et quel champ plus vaste sera offert à sa curiosité que l'étrange et hideux quartier de la Butte-aux-Cailles ?

(1881)

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Butte-aux-Cailles

Les apaches de la Butte-aux-Cailles

par
Lucien Victor-Meunier

Très peu de Parisiens, assurément, connaissent la « Butte-aux-Cailles ». C'est très loin, très loin, passé la place d'Italie, au diable dans ces régions où l'on ne va pas...

(1907)

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Butte-aux-Cailles

Madame Sept-Quatre

par
William Cobb
(Jules Lermina)

En tournant le dos à la Seine, à la hauteur du pont des Arts, et en s'engageant en ligne droite sur la rive gauche, on laisse à droite le cimetière Montparnasse et on parvient aux anciens boulevards extérieurs. Là se trouve le boulevard d’Italie et l’ex barrière du même nom.
À deux pas, un peu sur la droite, s’étend l’un des quartiers les plus curieux et les moins connus de Paris.
C’est la butte aux Cailles.

(1873)

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De la place d'Italie à la Bièvre via l'avenue de la soeur Rosalie et la ruelle des Reculettes

Le faiseur de momies

par
Georges Spitzmuller et Armand Le Gay

Dans ce roman paru en feuilleton dans Le Matin, Georges Spitzmuller et Armand Le Gay emmènent leur lecteur sur la piste de M. Ducroc, chef de la sûreté, pour qui le XIIIe arrondissement n'avait pas de secret.

(1912)

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Rue du Dessous-des-Berges

La dame de pique

par
Jules de Gastyne

Il existe à Paris, dans les quartiers perdus, des rues mornes et désertes qu'on traverse avec un sentiment de stupeur.

(1906)

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A travers la Maison-Blanche

Les apaches de la Butte-aux-Cailles

par
Lucien Victor-Meunier

Un instant plus tard, elle était dehors dans le terrain vague qui descendait en pente rapide vers la vallée de la Bièvre...

(1907)

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La poterne des Peupliers

La vague rouge

par
J. H. Rosny Ainé

Un homme s'arrêta sur la route, près de Gentilly. Il considéra le paysage misérable et puissant, les fumées vénéneuses, l'occident frais et jeune comme aux temps de la Gaule celtique.
Si l'auteur nomme une poterne des Tilleuils, c'est bien de la poterne des Peupliers dont s'agit.

(1910)

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Saviez-vous que... ?

En 1897, il y avait un magasin de porcelaine au 196 de l'avenue de Choisy dans laquelle le cheval du fiacre n°7119 entra le 26 mars…

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La maison qui, en 1900, était située au 68 du boulevard d'Italie, servait de dépôt au sculpteur Rodin.

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Ernest Rousselle (1836-1896) -C'est lui ! - et son fils Henri (1866-1925) étaient négociants en vins.

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C'est par un, vote intervenu le 19 octobre 1894 que le conseil municipal de Paris décida que la rue Saint-François de Sales perdrait son nom pour prendre celui de Daviel.

L'image du jour

Rue de la Fontaine-à-Mulard