Le danger de la Bièvre
Suppression ou canalisation
Le Petit-Journal — 13 avril 1908
La Bièvre, cette minuscule rivière qui prend sa source en Seine-et-Oise, et qui, après avoir traversé les communes de Fresnes, de l'Hay, d'Arcueil-Cachan et de Gentilly, vient déverser au quai d'Austerlitz, à Paris, des résidus de toutes sortes, fait encore parler d'elle.
On a livré bataille dernièrement, à Paris, autour de cette pauvre Bièvre, trop bonne fille, trop accueillante et de la complaisance de qui on abusait. Déjà, une grande partie de ce cours d'eau a été transformée en égout souterrain, mais sur les sept-kilomètres que comportaient autrefois ses deux bras dans la traversée de Paris, il reste encore treize à quatorze cents mètres à découvert. C'est trop, beaucoup trop, et le conseil municipal a décidé qu'on ne verrait plus, rue Corvisart, rue Croulebarbe, rue des Marmousets, rue de la Clef et rue Monge, couler la Bièvre avec ses eaux sales, d'off se dégageaient, sous le soleil d'été, de désagréables odeurs.
La Bièvre a donc vécu à Paris comme elle a vécu à Arcueil-Cachan. Elle continuera de couler, mais obscurément, pour le grand bien des riverains.
Mais on ne peut agir de même sur tout le parcours de cette rivière. À Gentilly notamment, elle est la fortune du pays, elle alimente quantité d'industries ; nombreux sont les mégissiers, corroyeurs, tanneurs et blanchisseurs installés sur les bords de la Bièvre. Aussi, le conseil municipal et les habitants de cette commune ont-ils repoussé le principe de la « couverture » du cours d'eau pour en demander la canalisation.
Cette canalisation, qui sera déjà une grande amélioration au point de vue de l'hygiène publique, a été acceptée par l'administration préfectorale. Les travaux sont évalués à la somme de 150,000 francs et, conformément à l'usage, on réclame à la commune sa participation, soit 30,000 fr., qui représentent le cinquième de la dépense.

CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet
Or, la commune de Gentilly n'est pas riche ; ses ressources sont restreintes et il lui est impossible de verser la somme réclamée.
Le maire, M. Calmus, a trouvé le moyen de sortir de cet embarras. Les riverains, qui paient annuellement une somme de 1,500 francs pour le curage, n'auraient qu'à consentir un léger sacrifice, c'est-à-dire verser pendant dix ans la moitié en plus de ce qu'ils donnent individuellement. On arriverait ainsi à recueillir une somme de 22,000 francs, et le conseil municipal voterait les 8,000 francs nécessaires pour parfaire la part contributive de la commune.
Les propriétaires riverains viennent d'être consultés sur ce projet par voie de référendum. Leurs réponses devront être déposées à la mairie de Gentilly avant le 20 de ce mois.