Lettre des remparts
Le Rappel — 26 septembre 1870
Nous sommes postés au milieu de l'avenue d'Italie, en deuxième réserve. Sur le bord du trottoir, on forme les faisceaux ; puis on rompt, les rangs ; on s'attable on se groupe, on se promène. Je suis l'avenue jusqu'aux fortifications, et me voilà dans la campagne, devant Bicêtre.

Là, une panique, dans les femmes.
Elles viennent en foule, des sacs de pommes de terre sur le dos, le long de la grand'route. « Nous les avons vus. — Il y en avait dix. — J'en ai compté trente. — Ils devaient être deux cents. — ils étaient deux mille. » Tout cela fuit devant les uhlans. On les a aperçus à Villejuif. — Je rencontre deux gardes nationaux qui ont fait le coup de feu. — Tout compte fait, il y en avait bien huit.
Enfin, ils ont occupé la redoute de Villejuif sans qu'ou la défendît. Cela nous semble étrange ; nous comprendrons demain.
Nous rentrons : à la nuit tombante, commence le défilé des troupes.
L'artillerie d'abord, avec ses charriots sonores. Ses minces canons de cuivre s'allongent, effilés, sur les deux roues ; bientôt nous les entendrons parler. Puis, passe l'infanterie ; ou crie : « Vive la ligne ! » La troupe répond :
« Vive la garde nationale ! » Il y a eu, ces jours-ci, quelques fuyards. Ceux-là, cela se voit, ne lâcheront pas pied.
Avec eux, les francs-tireurs, les mobiles, soldats récents. Les premières escarmouches ont montré qu'on pouvait compter sur eux.
À demain l'affaire.