Un jour dans le 13e

 Les barrières de Paris

Les barrières de Paris

La Presse — 7 octobre 1870

Nous venons de parcourir plusieurs barrières de Paris, et nous sommes fondés à croire que si nous les avions toutes parcourues, nous aurions fait la même étude et nous aurions rapporté les mêmes observations.

La première, qui résulte pour nous de cette conversation générale maintenant engagée d'un bout de Paris à l'autre, c'est la résolution profondément arrêtée dans tous les cœurs de la résistance la plus opiniâtre à l'ennemi.

Que l'on suive la longue avenue d'Orléans, à partir du jardin du Luxembourg et du boulevard Saint-Michel, que l'on traverse le petit et le grand Montrouge, en dehors des fortifications, pour arriver sur la route de Bourg-la-Reine et de Sceaux (vieille route d'Orléans), partout le même esprit et l'on peut ajouter, la même parole.

Jamais peuple, surpris par une invasion, apportant tout à coup la dévastation et la ruine à la première, à la plus belle ville d’Europe, ne s’est mis plus vite, plus résolument sur une formidable défensive

Il faut entendre dans tous ces petits hôtels, dans ces petits cafés, le long de l'avenue d'Orléans, maintenant transformés en cantine cette mobile où l'on retrouve déjà les accents de presque toute la France ! On ne peut se tromper à l'expression de ces jeunes et mâles figures, à cette vive et énergique décision qui règne dans toutes ces conversations liées de table en table.

Sur la voie publique les caissons roulent, les estafettes passent ; plus on approche du qartier général établi près de la barrière, plus les files de mobiles s'allongent avec leurs armes en faisceau, plus tout prend l'aspect d'une place de guerre .

En somme, chacun de ces vastes quartiers qui conduisent aux barrières de Paris et aux fortifications et maintenant une place de guerre, et toutes ces places entourent la capitale de la France, qui elle-même offre le centre animé, armé de la défense nationale, avec ses mobiles et ses gardes nationaux partout s'exerçant et se préparant à la lutte.

Gravure parue dans Le Monde illustré

Une intéressante promenade à faire aujourd'hui et celle qui mène des Tuileries — un camp — à l'extrémité de l'avenue d'Italie à la barrière de Fontainebleau. Cette barrière avec ses quartiers populeux, à une énorme distance du Paris élégant et mondain, s'en trouve comme rapprochée par cette transformation des Tuileries.

La rue Mouffetard, longue, étroite, noire, pleine d'une énergique population, serpente à côté des nouvelles constructions de la place qui lui ouvrent sur l'avenue d'Italie un horizon longtemps fermé. Là aussi on voit circuler, les mobiles en masses ; là aussi un mouvement tout militaire est la vie d'un immense quartier.

Il en est de même à la gare d'Ivry, que nous avons parcourue tout entière.

Quant aux Prussiens, que dit-on d'eux aux barrières et surtout aux divers quartiers généraux, dont nous avons entretenu les officiers ? Qu'on les surveille avec la plus stricte vigilance. Là où l'on aurait pu croire, il y a deux jours, qu'ils étaient moins en nombre, comme du côté d'Ivry, par exemple, tout d'un coup on entend une fusillade ; ils sont sortis de quelque bouquet d'arbres ou de quelque pli de terrain. Mais, à cette tactique bien connue de l'ennemi, la défense de Paris, parfaitement organisée, répond par un déploiement de précautions et de forces, qui étreignent presque déjà les lignes prussiennes, jusqu'à ce que l'armée de la Loire et nos Bretons, levés en masse, que Paris attend, viennent les prendre en queue.



Saviez-vous que... ?

En 1920, on pouvait trouver un avertisseur public d''incendie à l'angle des rues Watt et du Chevaleret ainsi qu'au 31 quai de la Gare.

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En 1892, Mesdemoiselles Dufrène, disposant de hautes références, donnaient des leçons d'italien au 27 de l'avenue des Gobelins.

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La rue des Deux-Moulins prit le nom de rue Jenner en 1867 afin de rendre hommage à Edward Jenner (1749-1823) premier médecin à avoir introduit et étudié de façon scientifique le vaccin contre la variole, et qui est considéré comme le « père de l'immunologie ».

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En 1865, les frères Goncourt passaient une journée dans le 13e :
« Jeudi, 16 mars. — Nous avons passé la journée chez Burty, rue du Petit-Banquier, dans un quartier perdu et champêtre, qui sont le nourrisseur et le marché aux chevaux. Un intérieur d’art, une resserre de livres de lithographies, d’esquisses peintes, de dessins, de faïences ; un jardinet ; des femmes ; une petite fille ; un petit chien, et des heures où l’un feuillette des cartons effleurés par la robe d’une jeune, grasse et gaie chanteuse, au nom de Mlle Hermann. Une atmosphère de cordialité, de bonne enfance, de famille heureuse, qui reporte la pensée à ces ménages artistiques et bourgeois du dix-huitième siècle. C’est un peu une maison riante et lumineuse, telle qu’on s’imagine la maison d’un Fragonard. »

L'image du jour

Le boulevard de la Gare (Vincent-Auriol #Paris13) à la hauteur de la cité Doré

... et face à la Raffinerie Say, le tout avant la construction de la ligne 6 du métro.
Les rails que l'on devine au premier plan, en bas à droite, sont ceux du tramway venant de la rue Jeanne-d'Arc.