Un jour dans le 13e

 paris-treizieme.fr — Journée du 5 avril 1871

Journée du 5 avril

NOS RENSEIGNEMENTS

Le Bien public — 6 avril 1871

Tout était tranquille, hier après-midi, dans le 13e arrondissement, à ceci près qu’on y entendait de temps à autre, et notamment vers deux heures, battre le rappel. Toutefois une assez grande agglomération de gardes nationaux stationnait, faisceaux formés, sur et aux abords de la place d'Italie.

Devant la mairie des Gobelins et le bâtiment qui servait à l’octroi de la barrière Fontainebleau, il y avait une douzaine de canons et un caisson. Sur un terrain, futur boulevard encaissé dans des talus, situé de l’autre côté de la place, sont neuf canons de vieux modèle et quelques caissons vides.

Vers deux heures, un canon était emmené par des artilleurs dans la direction du fort de Bicêtre. Une heure plus tard, on attelait une des pièces de 7 placées près de la mairie pour la conduire du même côté.

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À la porte d’Italie, liberté entière de circulation était laissée. Qu’on fût à pied ou en voiture, sortait et entrait qui voulait sur le seul des deux ponts-levis qu’on eut laissé.

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Au Petit-Ivry et à Gentilly, régnait le calme qu’interrompaient seulement par intervalles quelques appels de clairon ou un rappel qu’on entendait retentir au lointain.

Les habitants se félicitaient d’autant plus de cette tranquillité que la veille ils avaient été tenus sur le qui-vive par le bruit du combat livré vers Châtillon. Et le souvenir des journées de Villejuif et des environs, durant le siège, est encore assez récenut pour leur en faire redouter un renouvellement plus terrible encore.

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À Bicêtre, on était plus inquiet. De l'hospice et du fort, bien que le vent fût contraire, on percevait distinctement vers trois heures le bruit des décharges d'artillerie venant de Meudon ou de ce côté. Chaque fois que quelques rayons de soleil, perçant les nuages, venaient à dissiper la brume, on apercevait de« hauteurs s’élever dans l’air la fumée blanche de la poudre.

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Les gardes nationaux de Gentilly se plaignaient tout haut de ne recevoir, en fait de vivres, que du biscuit, et toujours du biscuit.

— C’est bon un peu, exclamait l’un d’eux, mais on ne peut pas se nourrir tout le temps de biscuit !

— C’est vrai, ça, reprit un autre. Ma foi, je vais aller m’acheter un peu de... pain.

— Veinard ! grommela le premier en regardant son camarade s’éloigner.

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Il parait que les gardes nationaux intramuros sont beaucoup mieux traités. On nous dit que, dans le 13e arrondissement, ils ont de tout avec une telle profusion qu’ils laissent du pain, du lard et... du biscuit chaque matin dans les boutiques vides où ils ont passé la nuit.

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Vers quatre heures, on chargeait de fusils une charrette arrêtée devant la manufacture des Gobelins. C’est dans le poste que les gardes nationaux allaient chercher les armes.

Avant-hier, dans le 5e arrondissement (Panthéon), un bataillon de la garde nationale a été prévenu que s’il n’adhérait pas à la Commune, on procéderait sans retard à son désarmement.

Il n’est peut-être pas hors de propos de constater que l’exemple du désarmement d’une fraction quelconque de la garde nationale vient du gouvernement actuel de Paris.

Ce "reportage" dans le 13e intervient au lendemain de la fin  l'offensive de la Commune sur Versailles lancée le 2 avril, qui s'est soldée par une déroute.
Nombre des bataillons menant l'offensive par Vanves et Chatillon étaient partis du 13e sous la conduite de Duval qui fut fait prisonnier le 3 ou le 4 avril et fusillié peu après.
A cette déroute, la Commission exécutive de la Commune répondit, le 4 avril, par la proclamation suivante :

COMMUNE DE PARIS.
PROCLAMATION AU PEUPLE DE PARIS.

Citoyens,

Les monarchistes qui siègent à Versailles ne vous font pas une guerre d’hommes civilisés ; ils vous font une guerre de sauvages.

Les Vendéens de Charette, les agents de Piétri fusillent les prisonniers, égorgent les blessés, tirent sur les ambulances !

Vingt fois les misérables qui déshonorent l’uniforme de la ligne ont levé la crosse en l’air, puis, traîtreusement, ont fait feu sur nos braves et confiants concitoyens.

Ces trahisons et ces atrocités ne donneront pas la victoire aux éternels ennemis de nos droits.

Nous en avons pour garants l’énergie, le courage et le dévouement à la république de la garde nationale.

Son héroïsme et sa constance sont admirables.

Ses artilleurs ont pointé leurs pièces avec une justesse et une précision merveilleuses.

Leur tir a plusieurs fois éteint le feu de l’ennemi, qui a dû laisser une mitrailleuse entre nos mains.

Citoyens, La Commune de Paris ne doute pas de la victoire.

Des résolutions énergiques sont prises. Les services, momentanément désorganisés par la défection et la trahison, sont, dès maintenant, réorganisés.

Les heures sont utilement employées pour votre triomphe prochain.

La Commune compte sur vous, comme vous pouvez compter sur elle.

Bientôt il ne restera plus aux royalistes de Versailles que la honte de leurs crimes.

À vous, citoyens, il restera toujours l’éternel honneur d’avoir sauvé la France et la république.

Gardes nationaux, La Commune de Paris vous félicite et déclare que vous avez bien mérité de la république.

Paris, 4 avril 1871.
La commission exécutive,
BERGERET, DELESCLUZE, DUVAL,
EUDES, FÉLIX PYAT, G. TRIDON, E. VAILLANT.

A lire également

Le décret de la Commune du 5 avril 1871 relatif aux otages pris par le peuple de Paris.



Le 13e avant et durant la Commune
(18 mars - 28 mai 1871)

Saviez-vous que... ?

C'est en 1888 que le conseil municipal de Paris décida que la rue ouverte entre la rue de Tolbiac et la rue Baudricourt, prendra le nom de rue Larret-Lamalignie.
Larret-Lamalignie, capitaine de frégate, se fit sauter la cervelle plutôt que de rendre en 1871, le fort de Montrouge qu’il commandait.

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C'est la création de la rivière et des lacs du bois de Boulogne qui fit perdre aux prairies de la Glacière son caractère de lieu de rendez-vous pour les amateurs de patinage.

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Selon un article du Figaro du 29 août 1905, le 13e arrondissement comptait alors 938 jardins privés.

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Dans son numéro du 19 mars 1872, le Petit Journal signalait à ses lecteurs la vaillante conduite d'une jeune fille-de douze ans, l'aînée de six enfants, dont la mère, demeurant rue Buot, 17, quartier de la Butte aux Cailles (13° arrondissement) était malade à ce moment.
Levée à trois heures du matin, elle allait travailler dehors et gagnait 1 fr. 50 c., pour nourrir toute la famille ; en rentrant de son ouvrage, elle soignait ses frères et sœurs comme l’aurait fait la meilleure des mères.

L'image du jour

La Bièvre au pied de la Butte-aux-Cailles.(Henri Godefroy, photographe)

Photographie originale sans date mais vraisemblablement autour de 1890 (CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet)
Colorisation paris-treizieme.fr