Grave affaire de fraude
Le Journal ― 2 octobre 1904
Dans le quartier Croulebarbe. — Le trafic des sels dénaturés. — Une perquisition.
Depuis quelque temps déjà, M. Yendt, commissaire de police du quartier Croulebarbe, recevait de nombreuses plaintes au sujet d'une affaire de fraude vraiment singulière.
Les tanneurs, nombreux aux alentours de l'avenue des Gobelins, recevaient des individus qui leur achetaient à vil prix des sels dénaturés provenant de la fabrication des cuirs et peaux, et en faisaient un commerce clandestin.
Ces sels, en effet, sont frappés d'un droit, et les marchands les revendaient, sans solder l'impôt, à des prix dérisoires, et les produits servaient par la suite pour la confection des glaces, sorbets et gaufrettes.
L'administration s'émut de ces faits, et une enquête fit découvrir, le trafic. Cependant, malgré les recherches entreprises, il fut impossible de trouver l'endroit où les sacs de sels ainsi détournés étaient amenés en attendant d'étre envoyés au loin.
Les choses menaçaient de s'éterniser, quand, à la suite d'une filature, le receleur fut découvert. C'était un nommé C... restaurateur, avenue des Gobelins. Les comparses apportaient petit à petit des ballots de marchandises, qui étaient ensuite remisés dans une arrière-boutique remplissant l'office de magasin.
Dès qu'il eut connaissance de ces faits, M. Yendt, accompagna des agents des contributions indirectes, se rendit chez M. C… et une perquisition fut opérée. Elle aboutit à la saisie de cent sacs de sels dénaturés, sur le point d'être expédiés.
M. C... protesta de sa bonne foi affirmant qu'il ignorait totalement la destination de ces ballots. Il n'en a pas moins été prié de se tenir à la disposition de la justice.
Une enquête est ouverte qui, sans doute, amènera l'arrestation des nombreux individus qui se livraient à ce trafic.