Une bagarre Place Pinel
Le Petit-Parisien — 7 juillet 1899
Depuis quelque temps, une bande de redoutables gredins qui se dénommaient eux-mêmes les « Terreurs d’Italie » et dont le quartier général était situé boulevard de la Gare, étaient en fort en fort mauvaises relations avec une bande de leurs semblables désignés sous le nom pittoresque des « Casse-cœurs » et résidant le plus souvent boulevard de l'Hôpital.

La rivalité augmentant sans cesse, les mauvais garnements résolurent de s'en remettre au sort des armes. Un défi que les Terreurs d'Italie firent remettre aux Casse Cœurs, fut relevé par ceux-ci qui fixèrent la place Pinel comme lieu de combat.
L'endroit était fort bien choisi. Désert, planté d'arbres, entouré par les murs de la Salpêtrière, n'était un lieu de combat où l'on pouvait galamment se couper la gorge.
Donc, hier, vers une heure du matin, les Casse-Coeurs et leurs rivaux se trouvaient, au nombre d'une cinquantaine, au rendez-vous fixé. Toute arme était bonne, couteau, revolver, os de mouton, casse-tête, etc. Ce fut bientôt une furieuse bataille, où le sang coula. Les cinquante garnements se frappaient mutuellement avec une fureur sauvage, si bien qu’en quelques secondes cinq d’entre eux étaient étendus à demi-morts sur le sol atteints par des balles de révolver.
Vingt gardiens de la paix, sous la conduite de M. Maillot, officier de paix, arrivèrent à une heure sur le lieu du combat et se jetèrent au milieu de la mêlée. Durement houspillés par les adversaires, qui oublièrent un instant leur querelle pour leur faire face, les agents durent dégainer pour réussir à maintenir en état d’arrestation cinq des belligérants qu’ils conduisirent au poste central où ils furent interrogés à la première heure par M. Rocher, commissaire de police.
Tous ont obstinément refusé de décliner leurs noms et qualités et de dénoncer leurs complices. Ils ont été envoyés au Dépôt.
M. Rocher a ouvert une enquête et recherche activement les coupables.
Un ouvrier vidangeur, M. Léon Hantin, âgé de trente-trois ans, demeurant, 25, cité Jeanne-d’Arc qui passait place Pinel au moment du combat, a été grièvement blessé d'une balle de revolver à la cuisse gauche. Son état a nécessité son transfert à l'hôpital de la Pitié, où il a été admis d'urgence.
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Une version guère plus sérieuse des événements, celle du Matin :
On fera davantage confiance au récit paru dans La Justice, le journal de Georges Clémenceau :