Les Emmurés de la rue Auguste-Lançon
Le Petit-Parisien — 12 novembre 1899
Le bruit se répandait hier, dans le quartier de la Maison-Blanche, que vingt-huit malheureux locataires avaient été emmurés dans leurs logements, 12, rue Auguste-Lançon, sur l'ordre d’un propriétaire aussi impitoyable qu'avare.
L’émotion fut grande, les pauvres gens, disait-on, manquaient d'eau et de pain ; il leur fallait sortir de chez eux par des échelles ils avaient cloué des drapeaux cravatés de deuil à leurs fenêtres, etc., etc.
Fort heureusement tout cela était exagéré.
S'il est exact que les locataires en question doivent sortir de chez eux au moyen d'échelles et qu'ils ont cloué des pancartes et des drapeaux à leurs fenêtres, il est par contre absolument faux qu'ils soient emmurés ; voici la chose : le 1n°2 de la rue Auguste-Lançon n'est pas un immeuble, mais bien un terrain vague sur lequel des chiffonniers ont élevé de petites baraques, en toile et en planches.
Las de voir ces gens s'installer sur son terrain sans même lui en demander la permission, le propriétaire les fit expulser un beau matin ; quelques-uns pourtant refusèrent de s'en aller. On les laissa par pitié pendant quelques jours, mais, hier, le propriétaire fit palissader le terrain, si bien que lorsque ses locataires entêtés revinrent, ils trouvèrent… visage de bois, c'est le cas de le dire. La chose en est là : les chiffonniers escaladent la palissade pour rentrer chez eux, mais non sans protester contre ce qu'ils appellent une barbarie.
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