Il y a parmi les nombreux forains installés avenue des Gobelins, depuis la fête nationale,
une baraque en bois tenue par M. Lecot et dans laquelle on exhibe pour quelques centimes une
génisse à six pattes. Ce « phénomène vivant » possède en effet, à l’épaule gauche, un appendice
charnu terminé par deux pattes et long de quatre-vingts centimètres environ.
La Fête des Gobelins - Eugène Atget - juillet 1898
M. Lecot qui est un employé retraité de la Compagnie du chemin de fer de Lyon, tient beaucoup
à sa génisse, qui lui rapporte de jolis bénéfices.
Or, il y a deux jours, un nommé José Moldaen, sorte de bohémien sans profession bien définie,
qui habite une roulotte dans un terrain vague de l'avenue d’Ivry, vint proposer à M. Lecot de
lui vendre son phénomène, ce que le forain refusa catégoriquement.
Moldaen insista avec ténacité, puis finit par s'emporter et par injurier le propriétaire de
la génisse. Celui-ci, impatienté, mit le bohémien à la porte en lui disant :
— Vous êtes un insolent qui voudriez, j'en sais sûr, me tromper, car j'ai payé ma bête mille
francs, et je me demande où vous prendriez une pareille somme.
Moldaen se retira en proférant des menaces.
La nuit dernière, vers trois heures du matin, M. Lecot, qui couche dans un petit réduit
attenant à la baraque, fut réveillé en sursaut par les aboiements furieux de son chien, énorme
danois auquel est confiée la garde du phénomène. Le forain, s'armant d'un revolver et muni d'une
lanterne, pénétra dans la baraque.
Il aperçut Moldaen gisant sous le chien, qui le tenait à la gorge.
M. Lecot fit lâcher prise au molosse et remit le bohémien entre les mains des gardiens de la
paix, qui le conduisirent au poste où M. Perruche vint l'interroger.
Le malfaiteur avoua au magistrat que son intention était de couper l’appendice de la génisse
et de lui enlever de ce fait sa valeur.
Après avoir été sommairement pansé, il a été transporté à l'hôpital de la Pitié, où on l'a
consigné à la disposition de la Justice.
Vous ne connaissez pas le passage Moret, cela n'est pas surprenant, car, sauf ses malheureux habitants, leur conseiller municipal qui se débat comme un diable pour les secourir, chacun à l'envi les oublie. Chaque fois que les représentants de l'administration se souviennent de ce restant de l'Ile des Singes, c'est pour lui causer un dommage nouveau. (1925)
Les inspecteurs du quatrième district ont retrouvé les deux clients qui, consommant mardi soir au café des Trois Marches vertes, furent témoins de l'attentat.
Les pauvres et déplorables locataires de la ville de Paris, dans son domaine de l'Ile des Singes, partie dénommée sur la nomenclature le Passage Moret, vont apprendre avec joie que l'inondation de leurs taudis, par en haut, va cesser à bref délai. (1925)
Dans le populeux quartier des Gobelins, il est un groupe de gens à qui l'on a mis le bonheur — bonheur relatif, d'ailleurs — à portée de la main, et qui se disputent au lieu de le cueillir sagement. Ces gens demeurent sous le même toit, 9, passage Moret, voie vétuste qui semble être restée dans le même état qu'au temps des mousquetaires. (1926)
La Ville de Paris, qui loue pour rien les luxueux pavillons du Bois de Boulogne aux jouisseurs et aux parasites, veut expulser de malheureux travailleurs de logements peu confortables certes, mais pour lesquels ils paient un lourd loyer. (1927)
La laiterie Verny, située en plein cœur du populeux quartier de la Gare, 17, rue Bruant occupait, depuis quatre années, Henri Lecoin, âgé de vingt-huit ans, en qualité de caissier-comptable.
Les locataires n'étaient pas plutôt dans la rue que des démolisseurs se mettaient à l'ouvrage pour le compte d'un garage Renault qui fait procéder à des agrandissements. Ainsi les limousines des exploiteurs seront à l'abri et les locataires logeront où et comme ils pourront. (1927)
Les nombreux flâneurs qui vont chaque soir, au soleil couchant, respirer un peu d'air sur les glacis des fortifications, à la porte d'Italie, ont assisté hier à une véritable bataille.