Le meurtre de la rue Duméril
La Presse — 1er novembre 1895
Un nommé Émile Bitlebel, âgé de dix-neuf ans, demeurant rue du Château-des-Rentiers, avait séduit une jeune fille, Mlle Amélie R..., âgée de dix-huit ans, journalière, domiciliée rue de la Reine-Blanche.
Bitlebel avait prétendu qu'il était peintre-décorateur et qu'il gagnait beaucoup d'argent ; il avait ajouté qu'étant fils aîné de veuve, il serait exempt â la conscription et, par conséquent, à même de se marier. La journalière crut qu'il disait vrai.
Bientôt le soi-disant peintre, qui n'était autre qu'un rôdeur, mit bas le masque et tenta de vivre aux dépens de celle qui avait eu la faiblesse de l'écouter.
Mlle R..., indignée, rompit la liaison commencée et Bitlebel, furieux, jura de se venger.
Il y a quelques jours, il apprit que son ancienne maîtresse avait de fréquentes entrevues avec un maquignon, âgé de vingt-huit ans, demeurant boulevard de la Gare.
Hier soir, vers dix heures, comme il se trouvait dans un débit de boissons du boulevard de l'Hôpital, quelques drôles de son espèce vinrent lui dire que son ancienne maîtresse se trouvait à deux pas de là, rue Duméril, en compagnie du maquignon.
Il s'y rendit aussitôt, mais il ne rencontra au lieu indiqué que le frère cadet de celui qu'il cherchait, le nommé Alfred Millière, âgé de dix-huit ans. Il le somma de lui apprendre où étaient les deux amoureux.
Le frère du maquignon lui répondit que cela ne le regardait pas, qu'il n'en savait rien et que, d'ailleurs, s'il le savait il, ne le lui dirait pas.
A ces mots, Bitlebel s'écria :
— Tu ne veux pas parler, eh bien ! tu vas payer pour eux !
Et, tirant de sa poche un couteau, il en porta à son interlocuteur un coup au flanc droit.
La victime s'affaissa comme une masse en poussant un cri de douleur, tandis que le meurtrier prenait la fuite.
La blessure, qu'a reçue M. Millière a atteint le foie. Il a été transporté mourant à l'hôpital de la Pitié.
À deux-heures du matin, M. Perruche, commissaire de police du quartier de la Salpêtrière, faisait mettre Bitlebel en état d'arrestation.
Après, interrogatoire, il a été écroué au Dépôt.
Sur la rue Duméril
La rue Duméril est l'ancienne rue du Marché-aux-Chevaux qui était alors le seul axe reliant cette partie de Paris avec les barrières via les petites rues du village d'Austerlitz. Elle perdit son rôle avec le percement du boulevard Saint-Marcel dont le niveau inférieur la faisait désormais terminer par un escalier et a été remplacée par l'axe haussmannien de la rue Jeanne-d'Arc reliant le boulevard Saint-Marcel aux fortifications qui ne fut terminé en totalité qu'avec l'ouverture du tronçon boulevard de l'Hôpital / boulevard de la Gare en juin 1936.
Historique
En lien avec la rue Duméril
- Le percement du boulevard Saint-Marcel (1868)
- Interrogations sur le boulevard Saint-Marcel (1868)
- Le communiqué du Ministère de l'Intérieur en réponse à cet article
- La réponse de Ch. Louft à ce communiqué
Faits-divers
