L’affaire de la rue Robine
Entre femmes
Le Matin — 1er août 1893
La rue Robine a été, hier soir, le théâtre d’une bagarre sanglante qui a en pour mobile la jalousie.
La femme Lhortie, âgée de trente-deux ans, mère de quatre enfants et dont le mari exerce la profession de maître maçon, se rendait chez son marchand de lait, un litre en verre à la main, quand le hasard la mit tout â coup en présence de la veuve Girard, âgée de vingt-huit ans, cartonnière, demeurant rue du Pot-au-Lait, qui entretient depuis longtemps des relations avec le maître maçon
La femme Lhortie invectiva la veuve Girard et lui reprocha de recevoir son mari. Cette dernière, à court d’arguments, s’écria :
— Parfaitement qu’il vient chez moi, et ce n’est pas toi qui l’empêcheras.
À ces mots la femme Lhortie se précipitait sur sa rivale et lui assénait sur la tête au coup de la bouteille qu’elle tenait et qui se brisa.
La veuve Gérard, à moitié étourdie et aveuglée par le sang, essaya de s’enfuir ; mais avant que les témoins de cette scène aient eu le temps d’intervenir, la femme Lhortie la saisissait par les cheveux, la renversait sur le sol et lui labourait le visage avec le goulot qui lui était resté dans la main.
On sépara les combattantes et l’on transporta dans une pharmacie la femme Gérard, qui, après avoir reçu des soins, a été conduite à l'hôpital Cochin.
Pendant ce temps, des gardiens de la paix conduisaient la femme Lhortie au commissariat de M. Perruche, qui, après interrogatoire, l’a laissée en liberté provisoire en raison de ses charges de famille.