Le mystère de l'avenue d'Italie
L’assassinat d'une jeune fille
Le Gaulois — 18 mars 1899
Un crime dont les mobiles restent encore mystérieux a été commis hier soir, à six heures et demie, au numéro 23 de l'avenue d'Italie, dans une petite boutique habitée par un brocanteur, âgé de soixante-trois ans, nommé Estault.
La victime est une nommée Lucie Coronail, âgée de vingt-six ans, originaire de la Somme. Il y a cinq ans, Estault la faisait venir de son pays pour l'aider à réparer les bicyclettes qu'il vendait d'occasion et, dans le quartier, il la faisait passer pour sa fille. Elle jouissait d'ailleurs de l'estime générale et sa conduite était des plus régulières.

Hier soir, à la chute du jour, Estault, quittant son magasin pour allumer une lampe, passa dans l'arrière-boutique, une petite pièce qui sert de salle à manger le jour et de chambre à coucher la nuit. Il avait laissé seule la jeune fille dans la boutique, quand tout à coup, il entendit un bruit violent et les cris « Au secours ! À l'assassin ! »
Un individu, en effet, entrant dans la boutique, avait demandé à Lucie à acheter un objet qui se trouvait dans une vitrine; puis, comme la jeune fille se levait de la chaise où elle était assise, il s'était élancé sur elle et lui avait porté successivement plusieurs coups de couteau.
L'assassin, en entendant Estault accourir aux cris désespérés poussés par Lucie, avait abandonné sa victime et pris la fuite.
Le brocanteur s'élança à la poursuite de l'assassin en criant « Arrêtez-le ! » L'individu fuyait à toutes jambes dans la direction de la place d'Italie. Plusieurs personnes le poursuivirent sans le perdre de vue, organisant ainsi une véritable chasse à l’homme.
Arrestation de l'assassin
Au moment où le meurtrier atteignait le passage Saint-Hippolyte, il se trouva en présence d'une femme, Mme Guillaud, qu'il renversa. Puis il reprit sa course, toujours poursuivi par la foule.
À l'angle de l'avenue de Choisy et de l'avenue de Tolbiac, un gamin âgé de huit ans s'accrocha aux vêtements du fuyard en criant « C'est l'assassin ». Épuisé, l'assassin n'eut ni le temps ni la force de se dégager. Il était cerné. On se jeta sur lui et on le conduisit au poste de police voisin avenue d'Italie. Le commissaire de police du quartier, M. Rocher, procéda immédiatement à son interrogatoire. L'assassin déclara se nommer Charles-Louis Leroy, être âgé de dix-sept ans, et demeurer dans la maison voisine de celle où le crime avait été commis. Leroy est un ouvrier électricien. Il habite avec sa mère, une laveuse. Son père est mort il y a quelques années. Le misérable a formellement nié être l'auteur du crime malgré toutes les preuves accumulées «entre lui.
Leroy s'était introduit dans la boutique d'Estault, après s'être muni d'une fausse barbe qu'il a perdue dans sa fuite. Le crime était donc prémédité. Les mobiles de l'assassinat sont inconnus. Lucie Coronail n'avait pas d'argent et il ne se trouvait dans la boutique d'Estault rien qui pût attirer la cupidité de Leroy.
Nous avons dit plus haut que Lucie Coronail était estimée de tous, et que sa conduite était très régulière. Leroy ne la connaissait pas, ne lui avait jamais parlé. Ce n'est donc pas un amoureux évincé ni un amoureux jaloux.
La mère de Leroy affirme d'autre part que son fils ne jouit pas de la plénitude de ses facilités mentales.
La victime
Lucie Coronail était tombée sans connaissance dans une mare de sang.
Un médecin fut appelé en toute hâte, tandis que la foule poursuivait l'assassin mais tous les soins étaient superflus. La malheureuse avait cessé de vivre.
Elle avait été frappée, en effet, de cinq coups de couteau avec une véritable furie. Un doigt de la main gauche était détaché, une blessure profonde existait à la tête. Celle qui avait déterminé la mort se trouvait en pleine poitrine dans la région du cœur. L'arme dont s'était servi Leroy a été ramassée avenue d'Italie. L'assassin l'avait jetée en fuyant. C'est un couteau de boucher à manche blanc d'une longueur de trente centimètres.
Le corps de la victime a été transporté dans la soirée à la Morgue aux fins d'autopsie.
Communiqués
Pelty, 22, Chaussée-d'Antin, a créé de ravissants modèles de Corbeilles pour les théâtres. Aussi tous les auteurs soucieux d'avoir de jolis présents richement enrubannés s'adresseront-ils à cette excellente maison.
Éclat éblouissant des yeux par la Sève sourcilière qui brunit, épaissit cils et sourcils. Parfumerie Ninon, 31, rue du 4-Septembre.
L'ÉVÉNEMENT DU JOUR
Aujourd'hui et jours suivants, aux grands magasins « A Saint-Joseph », rue Montmartre ; « A la Grande Fabrique », rue Turbigo ; « A la Tour-Saint-Jacques », rue de Rivoli, exposition et mise en vente de toutes les nouveautés de la saison d'été. Nos lecteurs trouveront dans ces trois maisons des assortiments considérables de vêtements pour hommes, jeunes gens et enfants à des prix exceptionnels de bon marché.