Le lendemain du procès
Le Constitutionnel — 30 juillet 1827
Avant-hier soir, immédiatement sa condamnation, Ulbach a été, selon l'usage, mis au cachot et revêtu de la camisole des condamnés. Pendant cette opération, qui produit ordinairement une impression profonde sur ces malheureux, il ricanait et affectait la plus froide indifférence. Sur sa demande, on lui a servi quelques aliments, qu'il a mangés avec avidité, puis il s'est jeté sur son lit et s'est endormi.
Hier matin, plusieurs personnes se sont-rendues successivement auprès de lui, et l’ont vivement engagé à se pourvoir en cassation. M. Bernadotte, neveu du roi de Suède, qui, lieutenant au 14e léger, commandait le poste de service à la Conciergerie, a visité le prisonnier, .et adressé, avec toute la franchise d'un brave militaire, les avis et les consolations que l'humanité peut suggérer. Bientôt après, le greffier et le directeur de la prison l'ont aussi exhorté à former son pourvoi ; mais toutes ces instances ont, été inutiles ; Ulbach les accueillait avec une froide insensibilité ; il ne répondait que par des divagations, et ne cessait de dire : « Je veux mourir tout de suite... Me pourvoir serait une lâcheté... J'ai du courage, et je le prouverai. »
Vers onze heures, son défenseur est arrivé. Il s'est fait introduire auprès du condamné, qui a témoigné beaucoup de satisfaction en le voyant et s'est empressé de lui demander les journaux pour y lire les débats de son affaire. Mais quand il a été question du pourvoi, Ulbach a de nouveau refusé, et du ton le plus tranchant.
Cependant, durant le cours de l'entretien, l'avocat a cru observer que cette résistance provenait surtout d'un sentiment de fanfaronnade qui se conçoit fort bien dans un jeune homme de vingt ans. Ulbach est pénétré de l’idée qu'il est dans ce moment en spectacle à toute la France ; il se pique de bravoure, et il est convaincu qu'il passerait pour un lâche s'il cherchait à reculer l'instant de son supplice. D'ailleurs, il a publiquement déclaré qu'il ne se pourvoirait pas ; ce serait manquer à sa parole, ce serait déjà faiblir aux yeux du public. « Allez, ne craignez rien, disait-il à son défenseur, je ne faiblirai pas un seul instant. Vous le voyez, je suis toujours le même. » C'est un enfant qui veut paraître un homme à la multitude.
Dès lors, le jeune avocat pour parvenir plus sûrement à son but, donna une autre direction à ses conseils, et prit Ulbach par sa propre faiblesse. Il s’efforça de le persuader qu’il montrerait beaucoup plus de courage et de force d’âme, en attendant l’instant fatal pendant trente ou quarante jours, sans se démentir, qu’en ayant l’air de se laisser aller à un premier mouvement de désespoir, et de vouloir courir à la mort comme pour n’avoir pas le temps d’y réfléchir.
Après un entretien de cinq quarts d'heure Ulbach, cédant enfin à ces considérations, a consenti à se pourvoir.
Un dernier trait a prouvé que l'avocat avait, bien lu dans le cœur de son client. « Mais surtout, a dit Ulbach à son défenseur, au moment où celui-ci se retirait, dites bien à tout le monde et faites publier dans les journaux que si je me suis pourvu ce n'est pas par crainte de la mort ! »
(Gazette des Tribunaux.)
Rejet du pourvoi en cassation d'Honoré Ulbach
Gazette-de-France — 25-aout-1827
Le pourvoi d’Ulbach, condamné à la peine capitale pour assassinat de la fille Aimé Millot, a été plaidé aujourd’hui à la Cour de cassation par Me Martin, récemment nommé en remplacement de Me Dumesnil de Merville. Deux moyens présentés par l’avocat, l’un relatif à la formation de la liste du jury, l’autre sur la réponse des jurés, qu’il a soutenue insuffisante pour l’application de la peine capitale. M. l’avocat-général Fréteau a combattu ces deux moyens, et la cour a rejeté le pourvoi.
La Bergère d'Ivry
Les faits rapportés par la presse
Le procès d'Honoré Ulbach - 27 juillet 1827
- Accusation d'assassinat contre le sieur Ulbach. - Le Constitutionnel du 11 juillet 1827 reproduisant la Gazette des Tribunaux
- L'acte d'accusation- Journal des débats politiques et littéraires - 27 juillet 1827
- Le procès d'Honoré Ulbach - Journal des débats politiques et littéraires - 28 juillet 1827
- Le procès d'Honoré Ulbach - Le Constitutionnel - 28 juillet 1827
- Ulbach se pourvoit finalement en cassation - Le Constitutionnel - 30 juillet 1827
L'exécution d'Honoré Ulbach
- Exécution d'Ulbach - Journal des débats politiques et littéraires - 11 septembre 1827
- Les derniers moments d’Ulbach - La Quotidienne du 12 septembre 1827 reproduisant La Gazette des Tribunaux
Récits d'historiens et autres auteurs
- Alfred Delvau : Barrière Croulebarbe (1865)
- Revue des Théâtres : "La Bergère d'Ivry" - Le Siècle du 9 juillet 1866
- Les exécutions en place de Grève : Ulbach (La Lanterne - 1890)
- Le Rappel : La bergère d'Ivry (A propos de la cavalcade du Petit-Ivry - 1891)
- Georges Cain : Le long de la Bièvre (1905)
- Martial de Pradel de Lamase : Un rendez-vous de chasse du Vieux Paris (1906)
- Martial de Pradel de Lamase : Le champ de l'Alouette (1933)