Dans la presse...

 Cabinet de lecture des chiffonniers - 1863

Madame Lecoeur
Cabinet de lecture des chiffonniers

Paris grotesque — les célébrités de la rue, Paris (1815 à 1863)
Charles Yriarte

Madame Lecoeur a eu des malheurs ; son extérieur est placide et distingué, elle a conservé les allures d'une dame de compagnie qui revient de l'émigration ; elle doit avoir au jourd'hui soixante-huit ans ; sa mise est décente, elle parle, dans l'enfer où elle habite, une langue exempte de fantaisie et ne comprend pas l'argot de ses habitués. Après avoir connu des jours meilleurs, elle tient, sur ses vieux jours, un cabinet de lecture dans la villa des Chiffonniers (la cité Doré). Je devrais ouvrir une parenthèse pour vous parler de cette cité ; mais il faut choisir, la villa ou l'hôtesse.

Un matin qu'il faisait beau, mon Paris inconnu à la main, mon carnet bourré de notes prises dans Privat d'Anglemont, j'ouvre la portière d'un coupé en jetant au cocher cette adresse : « Barrière des Deux- Moulins, villa des Chiffonniers ! » Le cocher ne bronche pas et m'arrête, après une heure d'un trot consciencieux, devant une espèce de poterne étroite servant d'entrée à une longue ruelle de chaque côté de laquelle s'élèvent des maisons basses, piteusement peintes d'un jaune pâle.

Les habitants de la cité mettent la tête à la fenêtre. Ce sont des visages hâves, des figures pâles et souffreteuses. Une dizaine d'enfants déguenillés entourent la voiture en ouvrant de grands yeux, peu habitués qu'ils sont à voir d'autres véhicules que ceux qui contiennent les chiffons et sont trainés à bras par leur père ou leur mère.

La cité n'a qu'une rue, et, après avoir visité trois ou quatre de ces pauvres ménages de chiffonniers et fait un croquis d'ensemble de la villa, je trouve que Privat d'Anglemont a un peu poétisé la cité Doré, quand j'aperçois à une fenêtre, dont les carreaux cassés sont remplacés par des images, un étalage de bouquiniste et des journaux tachés.

J'entre ... j'étais chez madame Lecoeur. La bonne dame quitte son vieux fauteuil, vénérable monument, épave du mobilier de quelque antique douairière. Trois chats, compagnons assidus de la veuve, viennent se frotter le long des mes jambes, et messieurs les lecteurs abandonnent pour moi , l'un un National qui date de quinze ans, l'autre une feuille jaune qui n'a plus de nom dans aucune langue ; un troisième, debout, était probablement en train de proposer une réforme qui devait contribuer à l'extinction du paupérisme.

Madame Lecoeur loue quelques vieux journaux à la séance, au prix modique de 1 centime les deux heures. Elle laisse aux ménages la faculté d'emporter les livres à domicile, et les ménages abusent de la faculté dans la plus large acception du mot. Elle m'a confié qu'un roman de Paul de Kock, auquel on avait arraché une trentaine de pages, continuait à circuler sans que personne songeât à se plaindre du peu de suite que M. de Kock a dans les idées.

La bibliothèque est légère, et les livres aussi : Dinocourt, Ducray-Duminil, Crébillon fils et les érotiques, Grécourt, Pigault-Lebrun sont les classiques de l'endroit. Les bonnes âmes y peuvent trouver aussi une pâture avec Valmont ou l'Enfant égaré, Coelina ou l'Enfant du mystère, la Chaumière indienne en trois exemplaires différents. J'ai trouvé là une édition princeps de la Nouvelle Héloïse ; mais ce J.-J. Rousseau n'a pas de succès à la villa, et madame Lecoeur dit que ses habitués trouvent Julie assommante.

L'empereur est là sous toutes les formes : son image est collée aux carreaux, son buste est dans un coin, et son histoire par M. de Norvins est l'un des livres les plus lus dans ce cabinet de lecture peu confortable. Je crois que c'est pour ce dernier ouvrage que madame Lecoeur a dû faire les frais de son affiche au moins naïve : « Les lecteurs sont priés de ne pas emporter les livres. » C'est exactement comme si on lisait chez un bijoutier : Les visiteurs sont priés de ne pas prendre les montres.

Madame Lecoeur n'a pas bien compris ce que je venais faire chez elle ; et comme je copiais ardemment les titres de ses livres et compulsais tous les volumes, elle m'a dit que j'allais salir mes belles mains qui étaient si propres. (On n'est pas plus naïve.)

Madame Lecoeur a cent francs de loyer. Je ne veux faire de peine à personne, mais la philanthropie est parfois un manteau qui couvre de bien vilaines choses, et ce manteau n'est pas toujours bleu.

Le jour où j'ai rendu visite à la bonne femme, elle avait trouvé à manger, mais n'avait pas prisé depuis trois jours. Je ne suis pas philanthrope, mais je vous assure que mes cigares m'auraient semblé mauvais pendant quinze jours si j'avais laissé sa tabatière vide.

Gravure parue dans Le Monde illustré en 1862 avec la première version de ce texte.
 

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Le Puits artésien de la Butte-aux Cailles

L'achèvement prochain des travaux du puits artésien de la place Hébert est venu nous rappeler un autre puits du même genr dont le forage fut commencé presque à la même époque que celui du puits des hauteurs des Belleville, mais tombé complètement dans l'oubli depuis une vingtaine d'années : nous voulons parler du puits artésien de la Butte-aux-Cailles. (1889)

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Le foyer d’infection de l’avenue de Choisy

Signalons, en plein Paris, un foyer d'infection « qui défie toute concurrence : 15, avenue de Choisy, entre le boulevard Masséna et la rue Gandon, existe un dépôt d'ordures ménagères. Les chats et les chiens crevés y achèvent paisiblement leur transformation dernière sous les chauds rayons du soleil de juillet. (1906)

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L’accident de la place Pinel

Hier matin, vers dix heures, la concierge de la maison du n° 3 de la place Pinel descendait à la cave, une bougie à la main. Arrivée à la dernière marche de l'escalier, le sol céda sous ses pieds, et elle disparut tout à coup dans une profonde excavation. (1883)

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Un nouveau pont

Un nouveau pont vient d'être construit sur la route militaire qui entoure Paris, entre la porte de la Gare et celle de Vitry. Il est parallèle au boulevard Masséna, et franchit la ligne du chemin de fer d'Orléans. De cette façon, on peut parcourir la ligne stratégique sans rencontrer d'obstacles. (1877)

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Pour les Petits Ménages, Maisons et jardins

C'est aujourd'hui qu'on inaugure la « fondation Singer-Polignac » devant un nombreux et élégant public d'invités.
À vrai dire, ce n'est pas « tout près d'ici ». C'est à l'autre bout de Paris, à la Glacière, tout près des « fortifs » dans un quartier essentiellement populaire, où l'on vient d'achever une nouvelle église, une nouvelle paroisse, Sainte-Anne, qui succède à la chapelle Bréa. Rue de la Colonie, entre les baraques en planches d'une population inconnue et une usine ; on y arrive par la place d'Italie et la rue Bobillot. (1911)

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Saviez-vous que... ?

En 1897, il y avait un magasin de porcelaine au 196 de l'avenue de Choisy dans laquelle le cheval du fiacre n°7119 entra le 26 mars…

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Pendant la Commune, la Place d'Italie fut brièvement dénommé Place Duval par les insurgés qui voulurent honorer la mémoire d'un de leurs chefs militaires.

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Le 1er mars 1932, l'usine de chaussures (qui répandait aux alentours de manière permanente une odeur de vernis) installée boulevard Kellermann (au 10) était ravagée par un incendie.

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Contrairement à la légende habituellement véhiculée par le parti communiste français, René Le Gall n'est absolument pour rien dans la création du jardin ouvert en 1938 et qui porte son nom depuis 1944.
Le jardin des Gobelins est une résultante de la convention conclue en 1934 entre l'État et la ville de Paris, en vue de la réimplantation du mobilier National dans le 13e arrondissement dont les terrains d'assise, situés en bordure de l'avenue Rapp, devaient être libérés en vue de l'exposition internationale de 1937.
Pour ce faire, l’État cédait à la ville le jardin historique des ouvriers de la manufacture des Gobelins à charge pour elle d’y réaliser une promenade publique sur le surplus du terrain où le nouveau mobilier national trouverait désormais sa place.

L'image du jour

Rue de la Fontaine-à-Mulard