Dans la presse...

 Les Chasseurs de Cabots - 1868

Les voleurs de Paris

Les Chasseurs de Cabots

Le Petit-Journal — 2 février 1868

En ma qualité de Chevalier du Guet je m'occupe tout spécialement de la recherche et de la découverte de certains mystères de la vie parisienne.

Un jour, j'entre au marché... aux chiens, situé sur le boulevard de l'Hôpital. Il y avait environ cent-cinquante ou deux cents de ces intéressants animaux les uns aboyaient, les autres jappaient, quelques-uns mêmes gémissaient.

Le marché aux chiens s'installait le dimanche dans l'enceinte du marché aux chevaux situé boulevard Saint-Marcel et boulevard de l'Hôpital

Il y avait, parallèlement à la ligne occupée par ces quadrupèdes, une galerie composée de bipèdes on ne saurait plus hétérogènes, depuis l'ouvrier à la blouse gauloise jusqu'à l'opulent bourgeois l'ample pardessus. Le tout entremêlé de jeunes gens aux courts vestons et aux pantalons collants. On voyait, de plus, bon nombre de ménagères coiffées du mouchoir jaune ou rouge, et, à l'écart ou ne s'avançant dans les groupes qu'avec précaution, on remarquait quelques dames jetant de vrais regards de connaisseurs sur une collection de chiens de luxe.

Un amateur avec lequel je liai conversation entra complaisamment dans certains détails sur les us et coutumes du lieu.

— Le propriétaire de chaque chien, me dit-il, paye ici un léger droit d'entrée pour le loyer de la muselière ; quant à l'animal, il est admis en franchise, avantage précieux pour certains industriels.

— Ah! et lesquels ?

— Les chasseurs de cabots, autrement dit les voleurs de chiens. — Comment, il y a des gens qui font métier de voler les chiens ?

— Mais c'est une industrie très productive, pour le nommé B… surtout.

— Qu'est-ce donc que ce B… ?

— C'est le plus habile de tous les chasseurs de cabots un vrai personnage légendaire. Il a son quartier général dans les environs du marché, mais il pratique sur tous les points des vingt arrondissements. Il est surtout connu personnellement de la Glacière à Ivry et de la place Maubert à Bicêtre on l'appelle le tueur de chiens, d'autres le nomment le chasseur de cabots, mais ces circonscriptions n'entrent dans son commerce que comme chasses ordinaires. Aux grands et nobles faubourgs sont réservées les chasses extraordinaires.

— Comment l'entendez-vous ?

— C'est facile à expliquer. B… vole ou assassine, du matin au soir, des chiens. Ceux des pauvres diables sont tués, mais ceux des grands seigneurs sont soigneusement gardés à vue pour être restitués… avec récompense honnête. B… vole ou assassine avec une aisance et une facilité vraiment surprenantes. C'est le prestidigitateur du genre. Et ainsi que le pauvre oiseau perché sur la branche va de lui-même, invisiblement, se jeter dans la gueule du hideux serpent qui le fixe; de même un chien, qu'il soit caniche ou mouton, et serait-il dogue, se sent fatalement attiré par le bissac du terrible homme.

— Comment cela ?

— B… porte un long bissac, qu'il laisse, en marchant, presque traîner à terre. Or, ce bissac renferme une composition alimentaire dont le chasseur de cahots a le secret, et dont l'odeur attire infailliblement l'animal qui s'acharne à suivre B... Celui-ci le conduit dans une allée obscure, l'étrangle si c'est une bête ordinaire, le fourre dans son bissac vivant si c'est un chien de prix.

Quoi qu'il en soit, les chasses de B… ont des débouchés productifs.

D'abord la fabrique X... à la Glacière, où tout chien mort lui est payé convenablement car de la graisse de ces chiens on compose un très beau noir animal. De leurs os, chose étrange à Paris, où l'on tire parti de tout, on ne peut rien faire, pas même des boutons de guêtres, aussi les os de chiens ne sont-ils point cotés sur la place.

Un des plus importants débouchés du chasseur de cabots est celui que lui offrent certains marchands de chiens chez lesquels il conduit en tapinois quelque svelte lévrier ou quelque robuste chien de montagne découvert, soit sous la porte cochère d'un hôtel, soit aux environs d'une somptueuse habitation. Que voulez-vous ? les chiens s'attachent à lui, il faut bien s'en débarrasser, à moins cependant que sur les murs de Paris, on ne lise ces mots, les seuls que B. sache bien lire

CHIEN PERDU
Deux cents francs de récompense, etc.

Dans ce cas, le chasseur de cabots a toujours sous la main un ami qui a indubitablement trouvé le chien.

Plus de dix fois, pour des vols de ce genre B... a été condamné à la prison par la police correctionnelle. Dès qu'il est libre, il recommence.

— Que voulez-vous, dit-il, c'est mon métier je n'en ai pas d'autre, et d'ailleurs il me plaît. Tout le monde a ses désagréments dans la vie.

Le Chevalier du Guet.

Le marché aux chevaux

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Le marché aux chevaux (1890)



Dans la presse...


L’état de santé de Blanqui

À l'issue de la réunion, le brusque passage d'un milieu chauffé dans l’atmosphère humide de la rue lui causa un frisson : Blanqui eut une défaillance dont il se releva aussitôt. Il voulait marcher, mais les personnes qui l'accompagnaient l'obligèrent à monter dans un fiacre où, malgré sa résistance, on le recouvrit d'un gros pardessus.
On le conduisit chez un de ses amis, 25, boulevard d'Italie. (1880)

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Les habitants du passage Moret vont être « clos et couverts »

Les pauvres et déplorables locataires de la ville de Paris, dans son domaine de l'Ile des Singes, partie dénommée sur la nomenclature le Passage Moret, vont apprendre avec joie que l'inondation de leurs taudis, par en haut, va cesser à bref délai. (1925)

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Un propriétaire avait vendu 100 francs son immeuble à ses locataires

Dans le populeux quartier des Gobelins, il est un groupe de gens à qui l'on a mis le bonheur — bonheur relatif, d'ailleurs — à portée de la main, et qui se disputent au lieu de le cueillir sagement. Ces gens demeurent sous le même toit, 9, passage Moret, voie vétuste qui semble être restée dans le même état qu'au temps des mousquetaires. (1926)

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La Ville de Paris osera-t-elle jeter à la rue les locataires du passage Moret ?

La Ville de Paris, qui loue pour rien les luxueux pavillons du Bois de Boulogne aux jouisseurs et aux parasites, veut expulser de malheureux travailleurs de logements peu confortables certes, mais pour lesquels ils paient un lourd loyer. (1927)

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La Ville de Paris est parvenue à faire expulser les locataires

Les locataires n'étaient pas plutôt dans la rue que des démolisseurs se mettaient à l'ouvrage pour le compte d'un garage Renault qui fait procéder à des agrandissements.
Ainsi les limousines des exploiteurs seront à l'abri et les locataires logeront où et comme ils pourront. (1927)

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Saviez-vous que... ?

En 1887, Camille Claudel vivait dans un atelier loué pour elle par Auguste Rodin, la Folie Neubourg ou Clos Payen, 68 boulevard d’Italie, actuel boulebard Blanqui

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La rue Gustave Geffroy, avant de recevoir le nom de administrateur de la manufacture nationale des Gobelins, s'appela rue Léon Durand jusqu'en 1937. Cette rue fut créée en 1906.

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Le boulevard Arago, le boulevard de Port-Royal et le boulevard Saint-Marcel furent inaugurés le 15 aout 1868. Il en fut de même du boulevard Mouffetard qui n'avait pas encore pris le nom d'avenue des Gobelins.

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Les agents arrêtaient, le 11 septembre 1915, rue Bourgon, Georges M…, 17 ans, connu sous le surnom de « Costaud de la Butte-aux-Cailles », comme celui-ci vantait les qualités d'un formidable couteau à sept crans-d'arrêt qu'il montrait.

L'image du jour

La folie Neubourg sur le boulevard Auguste Blanqui, déjà en partie démolie.