La traite des blanches
Le
Petit Parisien — 23 septembre 1923
La 11e chambre a jugé hier une victime de la traite des blanches devenue
traitante à son tour, bien que n'ayant encore que dix-huit ans. Mais les
voyages ont si bien réussi à Thérèse Champré qu'elle a pu déjà s'établir.
C'est dans l'Alaska qu'après avoir successivement visité le Brésil et le
Transvaal, Thérèse Champré a fixé ses pénates, à l'abri d'un débit de whisky
d'autant plus toléré que Thérèse Champré a pour associé le chef même de la
police de l'endroit.
Devenue patronne, Thérèse Champré s'avisa d'une
remplaçante et s'en vint récemment à Paris, où, d'ailleurs, par la même
occasion, elle se faisait une joie d'embrasser sa vieille mère. Elle n'eut
pas longtemps à chercher.
Une raffineuse de l'usine Say, rencontrée par
elle, avenue des Gobelins, l'avait accueillie comme une providence, en avant
assez, déclara-t-elle, de travailler pour trente sous par jour. D'autant que
Thérèse Champré avait aussitôt acheté à la jeune fille six chemises de nuit,
six de jour, douze paires de bas et douze mouchoirs, cinq jupons de soie,
trois camisoles, dix cache-corsets, deux jupons blancs, et pas moins de cinq
paires de chaussures, dont deux de satin blanc.
Mais la sœur de la jeune ouvrière prévint la police, qui arrêta Thérèse
Champré au moment où elle allait monter en wagon pour le Havre, accompagnée
de sa recrue.
Thérèse Champré a été condamnée à six mois de prison, malgré
les déclarations de la jeune raffineuse, assurant qu'elle n'eût pas mieux
demandé que de faire le voyage.