Le drame de la rue de Tolbiac
Un commis boucher blesse grièvement sa femme puis se suicide
Il était neurasthénique
Le Petit-Parisien — 1er juin 1936
Il semble que seule la neurasthénie ait poussé Paul Seguin, quarante-neuf ans, commis boucher, à vouloir tuer sa femme pour se loger ensuite une balle dans la tête.
Le drame s'est passé vers 10 heures, hier, au 5e étage du 63 de la rue de Tolbiac, domicile des époux Seguin. Uni depuis une quinzaine d'années, le ménage n'allait pas plus mal que tant d'autres et l'on peut même dire que les scènes étaient rares. Lui, originaire de Barbonne (Marne), veuf d'une première femme dont il avait eu un enfant, semblait avoir trouvé la consolation de son malheur avec Eugénie Guy-Montheil, née à la Croix (Aveyron), d'un an plus âgée. Mais il pouvait en être autrement en réalité et le regret d'avoir perdu sa première femme peut être à l'origine d'une neurasthénie qui n'a fait que s'accroître avec l'âge. En outre, Paul Seguin, déjà peu comblé par la nature, car il était de petite taille et contrefait, venait, paraît-il, de perdre son emploi de commis aux établissements Foucault au Kremlin-Bicêtre.
Les circonstances du drame
Quelles que soient les raisons, voici les faits.
M. Amédée Bussy, soixante ans, concierge de l'immeuble, était occupé hier à faire l'escalier, lorsqu'il entendit soudain Mme Seguin lui crier d'une voix angoissée du palier du cinquième :
— Venez vite, il m'a tiré dessus.
Le concierge se précipita. Il arriva à temps pour recevoir dans ses bras le locataire qui, le visage en sang et à bout de force s’effondrait. Police-Secours arriva bientôt. La blessée, atteinte la tempe, fut transportée â la Pitié, où devait bientôt la rejoindre son mari. Celui-ci fut, en effet, découvert dans une des deux pièces du logement, étendu inanimé et baignant dans son sang. Il portait une affreuse blessure à la tempe et devait, d’ailleurs, succomber quelques heures plus tard à la Pitié sans avoir repris connaissance. Sa femme, par contre, qu’on ne désespère pas de sauver, a pu être interrogée, hier après-midi, par M. Gaubac, commissaire du quartier de Maison-Blanche. Elle a expliqué que son mari était hanté depuis un certain temps par l'idée fixe qu'il souffrait d’une maladie incurable.
— J'avais tellement peur d'un malheur, ajouta-t-elle, que souvent je fouillais les poches de ses vêtements dans le cas où il s’y serait trouvé un revolver. Vers 10 heures, Paul m'a dit, alors que j'étais occupée au ménage : « Dépêche-toi, voyons, vas donc faire d’abord le lit. »
C'est à ce moment qu'il s’est approché de moi et qu'il m'a tiré, presque à bout portant, une balle dans la joue. J'ai entendu, presque aussitôt après une seconde détonation : je le vis tournoyer avant de tomber. Affolée et perdant beaucoup de sang, j'eus cependant la force de me traîner jusque la porte d'entrée que j’ouvris et de là, sur le palier.
Le fait que personne n'a entendu les détonations s'explique par le bruit que faisait l'appareil de T. S. F. des voisins au moment où se déroula le drame.
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