paris-treizieme.fr — Le père Hydrogène, chiffonnier - 1884
Bloc-Notes Parisien
Le père Hydrogène, chiffonnier
Le Gaulois ― 25 janvier 1884
Au temps où je pratiquais Bartholle et Cujas, les chiffonniers étaient une des curiosités crépusculaires
du quartier Latin. Nous habitions sur les hauteurs de Sainte-Geneviève, et ces hauteurs, entre chien
et loup, se mettaient soudain à fourmiller d'êtres sombres, sordides, poilus, chevelus, bossus,
sortis on ne sait d'où, allant on ne sait où et qui se répandaient dans les ténèbres. Le long des
rues noires, leurs lanternes couraient comme des bluettes de feu le long d'un papier brûlé.
Un de ces chiffonniers surtout était un type. On l'appelait le père Hydrogène, corruption de
Diogène. Il habitait à dix minutes du jardin des Plantes, à la barrière des Deux-Moulins, dans une
cité dénommée la «Villa des chiffonniers». Cette cité existe encore, sans doute. C'était un ramassis
de cabanes à lapins occupées par une populace en guenilles ― populace pauvre, honnête et vagabonde.
Cette bohème crottée dormait le jour et vaguait la nuit.
Elle grouillait, aux rayons du soleil, à l'heure du coucher elle foisonnait, au clair de la lune,
à l'heure du lever. De huit heures du soir jusqu'à minuit, cela travaillait à mort et, de minuit
à cinq heures du matin, buvait à mort aussi.
Le père Hydrogène logeait dans une de ces lapinières et, dans cette lapinière, au fond d'un tonneau
défoncé débordant de chiffons. Le tonneau du chiffonnier et sa gaie philosophie lui avaient valu
son surnom de Diogène - devenu Hydrogène. Le père Hydrogène se blottissait tout entier dans sa futaille,
car il était quoique bien moulé et bien musclé petit, petit, petit. Si petit qu'il n'avait pu, malgré
ses efforts, atteindre la taille réglementaire au conseil de révision. Un fameux chagrin pour lui
car, dans ce corps-là, la nature avait mis un patriotisme de grenadier et une humeur belliqueuse
de coq. Il avait traversé les victoires et conquêtes de l'Empire, sinon soldat de fait, du moins
soldat dans l'âme. Il ne parlait que de la France et de l'Empereur, et les arrosait fidèlement et
quotidiennement l'un et l'autre plus que de raison. Si le chauvinisme était sa vertu par excellence,
l'ivrognerie n'était pas son moindre défaut.
Chaque soir, la hotte au dos, la lanterne à la main et le crochet au poing, il s'en allait ―
brûle-gueule entre les dents et bondé de sacré-chien ― de ci, de là, titubant,
chassant sur ses semelles, ne s'en prenant à personne, mais apostrophant éloquemment les tas de
balayures. Tout à coup, certain soir, un paquet blanc assez volumineux l'attira. II abaissa sa lanterne
et reconnut un enfant nouveau-né. Est-il mort ou vivant ? Le chiffonnier allonge la main, le paquet
vagit. Le père Hydrogène se redresse, déplace sa casquette et se gratte l'oreille. Il reste un moment
perplexe et dégrisé. Mais une bonne idée lui est venue et il pousse un gros rire. Il relève le paquet,
entre au mastroquet, s'ingurgite un verre de fil-en-quatre et biberonne l'enfant, comme
il peut, d'une tasse de lait.
Le lendemain, le chiffonnier se présentait à la mairie avec l'enfant. Il conta son aventure.
C'était un garçon; il l'adoptait et priait de l'inscrire. « Sous quel prénom ? — Napoléon,
répondit-il pompeusement en levant sa casquette. Et sous quel nom? — Amblard, » dit Hydrogène. On
rit autour de lui. Et laissa rire et remporta le marmot.
Et le voilà, dès lors, élevant Napoléon dans son taudis dans son tonneau. L'idée venue sur les
épluchures au vieux chiffonnier était tout simplement superbe « Je n'ai pas pu être militaire je
dois un tourlourou à la patrie. Vais-je être fier de voir ça en pantalon rouge et un pompon sur
le nez? En attendant, faut le pousser. Une bouche de plus ? Bast ! part à deux, et en
avant, marche ! »
Et, comme il avait résolu, il fit. Pour cela, il renonça à boire. L'argent des petits verres
servit à acheter du lait, puis du chocolat, puis de la viande; car il faisait ponctuellement avancer
le petit en grade d'un régime à l'autre. Le pauvre homme se mit à travailler comme un galérien et
à tremper l'eau un doigt de vin comme un religieux. Il exécuta des miracles de tendresse et des
prodiges d'économie. Il devint, au profit du petit Napoléon, tailleur, savetier, blanchisseur, que
sais-je? Tout. Son gamin grandissait, très intelligent et fort gentil. Il le conduisait à l'école
communale, où Napoléon remportait la croix. La croix ! Plus tard, il l'envoyait aux cours du soir.
Lui couchait toujours dans son fût, avec les chiffons mais le petit garçon dormait dans un lit de
noyer, avec des draps propres. Il mesurait continuellement l'enfant. «Pourvu qu'il ait la taille !
― Oui, il aura la taille ! » ― Et il l'eut en effet.
Quand, en 1855, Napoléon eut la taille et dix-sept ans, il s'engagea sans regimber. Il n'avait
jamais entendu causer que de bataille et exalter que l'Empereur.
Le petit soldat était rangé, discipliné, au régiment et affectueux pour son père adoptif. Napoléon
eut bientôt les galons de caporal. À cette nouvelle, le père Hydrogène se permit « une culotte »,
bien que depuis dix-huit ans il fût resté inébranlable. Aux sardines de sergent, le chiffonnier,
jubilant et rutilant, ne retrouvait ni son taudis ni son tonneau. Aux galons de fourrier, il crut
que Napoléon deviendrait général et plus, peut-être comme l'autre on ne savait pas. Avec les galons
de sergent-major, le chiffonnier, enthousiasmé, mijota quarante-huit heures dans le petit-bleu.
Son enthousiasme fut tellement complet qu'il en pensa mourir.
— Pas de ça, Hydrogène, ronchonna-t-il. Tu dois vivre si tu veux voir le petit avec des épaulettes.
La guerre anglo-française contre la Chine avait éclaté. Napoléon faisait partie du corps expéditionnaire.
« Le gamin a flanqué une raclée à l'armée chinoise à Pa-li-Kao, » racontait un jour le
chiffonnier. « Le gamin vient de prendre Pékin ! » chanta-t-il bientôt.
Mais, plus de lettres et grande inquiétude à la barrière des Deux Moulins. Un matin, comme la
foudre, y tomba un extrait mortuaire. Deux jours, le père Hydrogène resta dans son tonneau sans
boire ni manger. La faim l'en chassa, méconnaissable, hâve, morne, taciturne. Il reprit sa hotte
et recommença à vagabonder. Il n'avait plus les reins à la besogne, mais le cœur à l'ivrognerie.
A quoi bon maintenant ? Il but, et vieillit étonnamment. Ce n'était plus qu'un spectre d'insecte
nocturne ayant de l'osier pour carapace, un crochet pour bec et une lanterne pour œil.
C'est alors que je le rencontrais, battant les murs et rabâchant de Napoléon. Lequel ? On ne
savait s'il voulait parler du grand Empereur ou de son petit sergent-major. Le père Hydrogène doit
être mort. Brave et digne homme, allez ! J'y pense toujours avec émotion. J'ai enfin trouvé
l'occasion de conter son histoire, et je me sens le cœur plus léger.
L'antre de « la Baleine » donnait sur la rue Jonas, comme nous l'avons dit. Cette rue au nom biblique se trouvait dans un grouillement de petites voies étroites, courtes, basses, tortueuses, qui forment un coin à part dans ce quartier.
Ma « clientèle » de la rue Sainte-Marguerite disparaissait peu à peu. Elle s'était réfugiée cité Doré, qui donne rue Pinel et boulevard de la Gare, ou cité Jeanne-d'Arc, près de la rue Nationale, dans le treizième arrondissement.
Dans le quartier des Gobelins, un gymnase. Des athlètes donnent une représentation suivie par une foule fervente. Dans cette foule un couple a attiré l’attention du narrateur. Elle, Zizine, femme superbe ; lui, petit, contrefait, douloureux. Milarot, champion du monde, est dans la salle.
Le promeneur qui remonte le boulevard Auguste-Blanqui dans la direction de la place d'Italie, est frappé par l'aspect pittoresque d'une vieille maison enclose dans le triangle formé par ce boulevard, la rue Edmond-Gondinet et la rue Corvisart.
Quelle rue étrange que cette rue du Pot-au-Lait ! déserte, étranglée, descendant par une pente rapide dans une grande voie inhabitée, aux pavés enchâssés dans la boue...
Depuis toujours on habitait, mon père et moi, sur la Butte-aux-Cailles ; encore aujourd'hui, ce quartier-là n'est guère pareil à tous les autres. Mais si vous l'aviez vu du temps que je vous parle ! Des cahutes s'accrochaient à la butte comme des boutons au nez d'un galeux ; ça grouillait de gosses et de chiens, de poux et de puces...
Ce jour-là, 3 octobre 1886, le train express de Bordeaux — deuxièmes et troisièmes classes — avait eu plus d'une heure de retard et le service de l'arrivée s'en ressentait...
Un plus érudit découvrira l'origine de ce nom singulier, la rue des Cinq-Diamants. L'étude consciencieuse qui a été faite pour le vieux Paris tentera quelque explorateur des anciennes banlieues annexées : et quel champ plus vaste sera offert à sa curiosité que l'étrange et hideux quartier de la Butte-aux-Cailles ?
Très peu de Parisiens, assurément, connaissent la « Butte-aux-Cailles ». C'est très loin, très loin, passé la place d'Italie, au diable dans ces régions où l'on ne va pas...
Le treizième a toujours été la cité des pauvres. Il sue encore la misère avec ses îlots de maisons délabrées… avec la rue du Château-des-Rentiers, ô ironie, avec la Butte-aux-Cailles chère à Louis-Philippe. Et comme la misère va de pair avec la douleur, beaucoup d'hôpitaux, la Salpêtrière, la Pitié, Broca, Péan, des asiles, des refuges. Sur 33.500 électeurs, 28.000 paient de 500 à 1.200 francs de loyer par an. Au prix actuel du gîte, ces chiffres ont une triste éloquence ! On ne s'étonnera pas si le treizième est politiquement très à gauche… et même à l'extrême gauche. (1927)
Il est de notoriété publique que la cavalerie a de tout temps semé le trouble dans le cœur des femmes. Et l'effet ne manqua pas de se produire dans celui trop sensible de Mme Émilie Raysin, jeune femme de 28 ans, demeurant avenue de Choisy, lorsqu'elle vit, caracolant à ses côtés, ce gars à belle prestance.
Tandis que les chauffeurs ne pourront claironner ou trompeter par les rues de Paris, des escouades de bruiteurs autorisés continueront, embouchure aux lèvres, leur pas accéléré quotidien dans les rues du quartier de la Maison-Blanche en général, boulevard Kellermann en particulier. (1929)
M. Perruche, commissaire de police des quartiers de la Salpêtrière et de Croulebarbe, avait reçu, depuis une semaine, un certain nombre de plaintes émanant de personnes dont les poches avaient été indiscrètement explorées par des pickpockets à la fête foraine de la place d'Italie.
Dans une semaine ou deux, on inaugurera la grande piscine de la Butte aux Cailles. C'est un établissement vraiment remarquable, de briques et de mortier, aux revêtements vernissés blancs, dominé d'une immense cheminée en ciment armé, de grande allure avec sa quadrature de colonne droite évidée aux angles, lesquels sont ainsi arrondis. (1924)
Nous n'avons point à faire ici la description de la cité Jeanne-d'Arc. On a dépeint à plusieurs reprises, dans ce journal, cette cour des Miracles moderne, avec ses masures sordides ses cloaques infects et sa population de miséreux, de toute sorte.
Dimanche, dans la nuit, un craquement sinistre a éveillé les locataires d'un des vieux immeubles de cette rue. une maison d'un étage, portant le numéro 10. D'un coup la maison s'était lézardée du haut en bas. menaçant de s'effondrer. (1929)
Les locataires et le concierge d'une maison située, 12, rue Buot (treizième arrondissement) étaient réveillés, l'avant-dernière nuit, par le bruit d'une querelle violente qui s'était élevée entre deux locataires
Le quartier de la Gare est en émoi. A la suite de perturbation du sol, peut-être aussi de fissures de conduites d'eau et d'infiltrations, la plupart des immeubles de la rue Charles-Bertheau, dont certains sont neufs, menacent ruine (1937)