UNE ÉVOCATION DU 13e ARRONDISSEMENT DE 1860 AUX ANNÉES 30

Littérature

 Assassins!!! - 5

5

ASSASSINS !!!

par
Louis Dagé et Paul Vernier
(1881)


PREMIÈRE PARTIE


La Masure du Corbeau Rouge


II
La Masure du Corbeau Rouge
(suite)

— N’insistez pas ! Parole ! ça nous désoblige... là ! vrai !

C’était l’entêtement de la brute !

Aimée le comprit, et, se tordant les bras dans les spasmes du désespoir, elle adressait à Dieu cette invocation suprême :

— Mon Dieu ! mon Dieu ! Secourez-moi.

Sans-Malice haussa les épaules d’un air de commisération et dit à son compagnon.

— Me voilà repiqué (réchauffé) et tout à fait neuf (remis) ; vas dégoiser (dire) à Polydor que le poupard a pris le biberon (l’affaire a réussi). Toi, ouvre l’œil !

Là-dessus, il se leva et sortit, laissant la prisonnière sous la garde de Négriot.

Celui-ci continua à boire de l’eau-de-vie.

Livré à cette occupation, avec toutes les marques d’une avidité effrénée, le bandit n’entendit pas un autre gueux de son espèce, qui, ayant aperçu un filet de lumière à travers les interstices des planches, s’était approché à pas de loup, avait considéré un instant Aimée d’Évry et finalement était entré dans le taudis.

Cet homme répondait, dans la pègre, au sobriquet significatif de l’Assommeur.

C’était un solide gaillard, doué d’une force herculéenne, que sa vigueur et son audace avaient rendu redoutable à tous. Il était craint, et, en général, personne n’osait lui tenir tête.

Or, ce soir-là, l’Assommeur était ivre. Il s’était poivré en compagnie de Mimi-Faucheux qui, ensuite, l’avait abandonné sans plus de façon.

Il suit de là que le nouvel arrivant était, au milieu de son ébriété, dans une disposition d’esprit peu rassurante et qui pouvait s’analyser ainsi : d'une part, il n’eût pas été fâché de passer sa mauvaise humeur sur le dos d’un étranger ; d’autre part, il eût été ravi de rencontrer une beauté quelconque qui lui permît d’assouvir ses passions surexcitées précédemment parles œillades provocantes et les mots fringants de l’infidèle Mimi-Faucheux.

Cette double pensée de l'ivrogne trouva son objectif dans le réduit où gisait Aimée d’Évry éplorée et Négriot à moitié saoul.

Par un raisonnement assez lucide, l’Assommeur se dit qu’il lui serait aisé de trouver un exutoire à sa colère sur les épaules de son camarade et de satisfaire ses desseins lubriques avec cette femme qui ne pouvait être, en somme, une vertu bien farouche.

Et quand même il se tromperait sur ce point, qu’est-ce que ça pouvait lui faire ?

Ce fut dans cette double et louable intention que l'horrible gredin entra dans le taudis.

D'une voix avinée, éraillée, il dit à Négriot sur le ton du commandement :

— Toi, tu vas filer !

— Tiens, et pourquoi ça ? interrogea l’autre avec un hoquet.

— Parce que je le veux !

— Et si je ne veux pas, moi ?

— Alors je cogne.

Cette menace parut produire une certaine émotion sur l’esprit de l’ivrogne, qui eut un éclair de raison.

— Tu sais, dit-il vivement, si tu denazes (toucher) la môme, tu barbottes dans le reliquaire (tu fouilles dans les affaires) à M’sieu Polydor.

— Ah ! le gaillard ! Paraît qu’il lui faut du nanan ! des morceaux en sacre candi ! excusez !... au fait, tiens ! ça me botte ? je vas lui grimacer le singe (jouer un tour) à papa Polydor !

— Quoi donc ? interrogea, l’ivrogne avec inquiétude

— Ma foi, elle est gironde (belle) la gosse (l'enfant) ; je vas m'offrir une tranche de ses charmes.

— Tu ne feras pas ça !

— Non ! j’vais m’en priver ! Plus souvent que je m’en gênerai !

— Je m’y relinche, moi !

— Ah ! tu fais le malin, j’aime mieux ça ! attention à ta boule de loto ! je vais te la marquer ! — Sur ce, le colosse asséna un vigoureux coup de poing sur la tête de son antagoniste qui chancela, tournoya, grimaça avec un rictus sanglant, et finalement tomba comme une masse

— Là ! murmura le coquin victorieux ; maintenant tu ne me gêneras pas.

Et il s’approcha da Mlle d'Évry.

Assise sur la petit lit de fer, la figure cachée dans ses mains, pleurant et sanglotant tout à la fois, la pauvre enfant était restée parfaitement étrangère à la scène qui venait de se passer. Absorbée dans sa douleur, l’œil atone, elle ne voyait rien, n’entendait rien, absolument rien. Tout ce qui se passait la rendait folle.

Plein de luxure, la lèvre pendante, le misérable, qui tenait la jeune fille en son pouvoir, se rapprocha d’elle et, écartant ses deux mains du visage, la considéra durant quelques minutes, le regard étincelant de passion lubrique.

La victime frissonnait de peur instinctivement...

Le monstre lui adressa enfin la parole :

— Faut pas te désoler, ma chatte ! c’est sans doute ce pante de Négriot qui t’embêtait. Mais tu as troqué d’amoureux, maintenant, et je me vantarde d’être plus chic que l'autre.

Tu gagneras au change et t’auras de l’agrément, va ma bichette !... Allons, aboule ! Ne me fait pas poser : ça ne mord pas avec bibi.

L’infortunée regardait cette brute et l’écoutait parler sans comprendre. Mais un geste vint bientôt lui faire sentir toute l’horreur de la situation.

Elle se leva comme poussée par un ressort et s’élança vers la cloison en planches en criant :

— Au secours ! au secours !

— Des manières ? fit l’homme en esquissant un sourire idiot ; je vas t’en flanquer, moi, des manières !

Il se leva, prit la jeune fille entre ses bras nerveux et la déposa de force sur la couchette :

—Ne bougeons plus ! accentua-t-il en accompagnant ces mots d’un geste menaçant.

Puis, avec un ricanement de satyre, il ajouta :

— Tu vaux mieux que Mimi-Faucheux ; j’ai pas perdu au change, toi non plus.

La malheureuse victime de cet odieux guet-apens pleurait dans des spasme nerveux ; c’étaient des larmes bien inutiles !

Décidément la fille du marquis Gaëtan d'Évry était perdue, bien perdue.

Son bourreau s’approcha d’elle !... Mais à ce moment la cloison vola en éclats et deux hommes bondirent dans le taudis.

Était-ce le salut ?

Le 13e en littérature

En remontant le boulevard de l'Hôpital

La petite Miette

par
Eugène Bonhoure

Ce jour-là, 3 octobre 1886, le train express de Bordeaux — deuxièmes et troisièmes classes — avait eu plus d'une heure de retard et le service de l'arrivée s'en ressentait...

(1889)

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La rue des Cinq-diamants

La criminelle

par
Jules Lermina

Un plus érudit découvrira l'origine de ce nom singulier, la rue des Cinq-Diamants.
L'étude consciencieuse qui a été faite pour le vieux Paris tentera quelque explorateur des anciennes banlieues annexées : et quel champ plus vaste sera offert à sa curiosité que l'étrange et hideux quartier de la Butte-aux-Cailles ?

(1881)

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La Butte-aux-Cailles

Les apaches de la Butte-aux-Cailles

par
Lucien Victor-Meunier

Très peu de Parisiens, assurément, connaissent la « Butte-aux-Cailles ». C'est très loin, très loin, passé la place d'Italie, au diable dans ces régions où l'on ne va pas...

(1907)

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La Butte-aux-Cailles

Madame Sept-Quatre

par
William Cobb
(Jules Lermina)

En tournant le dos à la Seine, à la hauteur du pont des Arts, et en s'engageant en ligne droite sur la rive gauche, on laisse à droite le cimetière Montparnasse et on parvient aux anciens boulevards extérieurs. Là se trouve le boulevard d’Italie et l’ex barrière du même nom.
À deux pas, un peu sur la droite, s’étend l’un des quartiers les plus curieux et les moins connus de Paris.
C’est la butte aux Cailles.

(1873)

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De la place d'Italie à la Bièvre via l'avenue de la soeur Rosalie et la ruelle des Reculettes

Le faiseur de momies

par
Georges Spitzmuller et Armand Le Gay

Dans ce roman paru en feuilleton dans Le Matin, Georges Spitzmuller et Armand Le Gay emmènent leur lecteur sur la piste de M. Ducroc, chef de la sûreté, pour qui le XIIIe arrondissement n'avait pas de secret.

(1912)

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La rue du Dessous-des-Berges

La dame de pique

par
Jules de Gastyne

Il existe à Paris, dans les quartiers perdus, des rues mornes et désertes qu'on traverse avec un sentiment de stupeur.

(1906)

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A travers la Maison-Blanche

Les apaches de la Butte-aux-Cailles

par
Lucien Victor-Meunier

Un instant plus tard, elle était dehors dans le terrain vague qui descendait en pente rapide vers la vallée de la Bièvre...

(1907)

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Un Treizième à découvrir dans...

Saviez-vous que... ?

Depuis le lundi 26 août 1935, et dans un premier temps à titre d'essai, la circulation des véhicules s'effectue à sens unique, d'est en ouest, sur chacune des rampes de la voûte dite « Poterne des Peupliers ».

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En 1882, l'ouverture de la rue de Tolbiac entre le carrefour des avenues de Choisy et d'Ivry et le carrefour de la rue Domrémy était achevée.

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Le nom d'Émile Deslandres fut donné en juillet 1936 à un tronçon de l'ancien passage Moret pour que cette rue honore l'ancien conseiller municipal, élu pour la première fois en 1905, qui représenta le quartier Croulebarbe à l'Hôtel de Ville pendant près de 30 ans.

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Une des victimes de Landru, Mme Laborde-Line, habitait 95 rue de Patay.

L'image du jour

La rue de la Butte-aux-Cailles vue vers la rue Bobillot

On remarquera le poste de police sur la gauche. Quelques temps plus tard, le commissariat de la Maison-Blanche sera installé 38 rue Bobillot et on le verra dans Dernier domicile connu avec Lino Ventura, le film se passant essentiellement dans le 13e