Le mystère du boulevard Masséna
Nouveaux détails
La Presse — 24 décembre 1894
Cette grave affaire à laquelle nos confrères attribuaient, il y a deux jours, un caractère fantaisiste, est entrée dans une phase nouvelle qui forcera, nous l'espérons, les plus incrédules à s'incliner et à avouer que le service des informations de la Presse justifie une fois de plus sa réputation d'être un des mieux et plus exactement renseignés.
A la suite de notre premier article paru dans notre numéro du 18 courant et le jour même où nous en confirmions la rigoureuse exactitude, M. Pérès, gendre de Mme X. était reçu par M. Puybaraud à la préfecture de police.
M. Pérès est employé dans la grande manufacture de chaussures qui est dirigée 30 et 32, rue de Chabrol, à Paris, par M. Fanien, député du Pas-de-Calais ; c'est un homme sérieux et fort intelligent, qui fit à M. Puybaraud le récit complet des faits que nos lecteurs connaissent et sur lesquels il est inutile de revenir.
Les explications données par M. Pérès à ce haut fonctionnaire ont immédiatement porté leurs fruits ; car, hier vendredi, M. Pérès était mandé au cabinet de M. Meyer, juge d'instruction, chargé de l'affaire par ordre du parquet.
Notre information était donc une réalité assez sérieuse non seulement pour que l'éclaircissement du mystère soit maintenant confié à un juge instructeur, mais encore pour que le magistrat désigné à cet effet soit précisément l'un des plus actifs et des plus habiles du tribunal de la Seine. Chacun se souvient, en effet, que ce fut M. Meyer qui fut commis dans les plus importantes affaires criminelles de ces temps derniers, notamment dans les procès des anarchistes.
Nous avions donc raison de maintenir nos précédentes affirmations envers et contre tous les démentis de nos confrères. Que reste-t-il, au contraire, des allégations des autres journaux, surtout de celles qui représentaient le mystère du boulevard Masséna comme classé, c'est-à-dire enterré, sous prétexte qu'il s'agissait d'un simple suicide et non d'un crime. Certains ajoutaient même que la preuve du suicide résultait de l'autopsie du cadavre de Mme X…, autopsie qui n'a jamais été faite.
Pour notre part, nous nous félicitons d'avoir donné à ce drame la publicité qu'il comportait et nous serons heureux si nous avons pu ainsi contribuer dans une certaine mesure à la découverte de la vérité que désire toute la famille de Mme X. et que l'opinion publique accueillera avec satisfaction.
G. M.
Par cet article, l'auteur répondait sûrement à celui, par exemple publié dans Le Matin daté du 19 décembre. En plein procès Dreyfus, l'affaire ne passionna pas les foules et parait ne pas avoir eu de suite.
L'histoire d'un crime.
Le Matin — 19 décembre 1894
Plusieurs de nos confrères du soir parlaient hier d'un crime mystérieux, dont la victime était une dame habitant le boulevard Masséna. Le récit des circonstances inexpliquées dans lesquelles cette dame avait, disait-on, trouvé la mort, faisait de cet événement un mélodrame dés plus corsés.
M. Cochefert, chef de la Sûreté, que nous avons vu hier soir nous a dit en substance « L'affaire dont vous nous parlez remonte à six semaines environ : l'enquête que nous avons faite à ce sujet a prouvé que la dame en question n'avait pas été victime d'un crime. Je n'en puis dire davantage parce qu'il y a des intérêts de famille en jeu. Mais, s'il a une suite aux articles que vous me signalez, je fournirai des renseignements plus précis qui rétabliront la vérité. Ce que je puis vous affirmer, c'est que cette affaire a été classée par le parquet. »
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