Une chasse à l'ours
Le Journal ― 16 juillet 1906
Avenue des Gobelins, un ours échappé d'une ménagerie a
été tué à coups de revolver par des agents.
Une
chasse à l'ours dans Paris ! Voilà qui sort de la banalité. Ce fait, rare mais
authentique, s'est produit la nuit dernière, avenue des Gobelins.
Depuis quelques jours la fête de ce quartier bat son plein. Place d'Italie,
avenues d'Ivry et de Choisy et jusqu'aux abords de la manufacture de la
savonnerie, des forains ont installé leurs baraques. Les réjouissances organisées
à l'occasion du 14 Juillet sont venues ajouter un lustre nouveau à la fête populaire.
Or donc, hier matin, vers une heure, tandis qu'une foule nombreuse et enthousiaste
se pressait devant la mairie du treizième arrondissement, des cris de terreur
et d'effroi se tirent entendre. Des femmes, des enfants, des hommes même, fuyaient
dans tous les sens, comme pris de panique.
De courageux citoyens se précipitèrent vers rendrait d'où semblait provenir
le danger. Ils reculèrent. Un ours brun de forte taille, une bête superbe, tête
baissée, fonçait à grandes enjambées sur le public terrifié. Un malheureux
âne, attelé a une petite voiture de chiffonnier, fut la première victime du
fauve. D'un seul coup de ses crocs formidables, l'ours l'égorgea à demi, tandis
que ses griffes puissantes lacéraient le corps de la pauvre bête. Un cheval
qui se trouvait à proximité eut également à subir l'attaque de l'animal sauvage.
Il s'en débarrassa, non sans peiné, à force de ruades.
Ce fut ensuite le tour d'un employé de la ménagerie Darius, place d'Italie,
M. Georges Labbé, vingt-six ans. Ce dernier voulait s'emparer de l'ours, qui
s'était échappé de sa cage. Il ne réussit qu'à se faire mordre cruellement à
la jambe gauche. On dut le transporter à l'hôpital Cochin, où il a été
admis d'urgence.
Il fallait en finir. Le fauve, acculé, venait de s'accoter contre une
porte cochère, derrière une baraque, rue Philippe-de-Champaigne. L'air menaçant,
il s'apprêtait à opposer une résistance des plus énergiques à ceux qui le poursuivaient.
Il ne le put.
Des gardiens de la paix, accourus au pas de charge, l'abattirent à coups
de revolver.
Ainsi finit cette chasse, aux péripéties émouvantes ! Le corps du fauve a
été envoyé, par les soins de M. Yendt, commissaire de police à la fourrière
municipale.
A lire également
Le récit, beaucoup moins sensastionnaliste,
du Matin
