Quadruple empoisonnement
Journal des débats politiques et littéraires — 19 août 1893
Une dame Choquenot, demeurant avec son mari, ouvrier cordonnier, et ses quatre enfants, rue
du Moulin-des-Prés, envoyait hier matin un de ses petits garçons au marché des Gobelins pour
acheter des arlequins, pour le repas.
On sait qu'on appelle des arlequins les restes des grands restaurants, lycées, etc., vendus à certains commerçants qui les accommodent et les revendent pour quelques sous aux ouvriers besogneux.
L'enfant revint bientôt avec un plat de haricots que les parents et ses sœurs Julie et Léontine mangèrent avec grand appétit.
Vers cinq heures, tous quatre furent pris tout à coup de vomissements et bientôt se roulèrent à terre dans des douleurs intolérables.
M. Siadoux, commissaire de police du quartier de la Maison-Blanche, immédiatement informé, fit transporter ces malheureux à l'hôpital Cochin, où ils ont été admis d'urgence. La petite Julie, âgée de sept ans, a succombé hier après-midi à une heure.
Les parents et la petite Léontine sont considérés comme sauvés.
De l'enquête à laquelle s'est livré M. Siadoux, il résulte que ce quadruple empoisonnement est dû à l'absorption des arlequins achetés le matin, car les deux enfants aînés des époux Choquenot, qui n'ont pas pris de ces aliments, n'ont éprouvé aucun malaise.

De plus, les ustensiles de cuisine, servant au débitant d'arlequins, M. Goubeille, ayant été vérifiés, on a reconnu qu'ils ne pouvaient en aucune façon nuire à la santé des consommateurs.
Il restait donc à savoir d'où provenaient les aliments qui avaient servi au repas des époux Choquenot.
C'est ce que le débitant et le commissaire de police s'attachèrent à découvrir. Enfin, ce matin, M. Siadoux a informé le procureur de la République que les haricots vendus par M. Goubeille provenaient du déjeuner du lycée Louis-le-Grand qui avait déjà provoqué des symptômes d'empoisonnement dans cet établissement et dont nous parlions dans notre édition rose d'hier.
A lire également