Notice administrative, historique et municipale sur le XIIIe Arrondissement
Par Philippe Doré
Propriétaire, Ex - Préparateur de chimie à l'École Polytechnique, Professeur des Cours publics et gratuits de Chimie et de Physique aux ouvriers du XIIIe arrondissement, Professeur à l'École préparatoire à la Marine, à l'Institution Pompée, etc. , etc.
Quartier de la Salpêtrière

Le quartier de la Salpêtrière est séparé du cinquième arrondissement par les boulevards de l'Hôpital et Saint Marcel jusqu'à la rue Mouffetard, cette dernière en forme la limite jusqu'à l'ancienne barrière de Fontainebleau, puis l'axe des anciens murs d'octroi constitue le troisième côté ; enfin, le quatrième côté est bordé par la Seine depuis le pont d'Austerlitz jusqu'au pont de la Gare (pont de la Râpée).
L'édifice le plus ancien de cette portion de Paris est l'HÔPITAL DE LA SALPÊTRIÈRE ou HÔPITAL-GÉNÉRAL ; il en occupe près de la moitié, environ 30 hectares.
Vers le milieu du dix-septième siècle, la bonne ville de Paris était tellement encombrée de mendiants invalides et valides qu'on dut penser à leur donner un asile ; pour cet objet Louis XIV ordonna l'appropriation de Bicêtre, de la Pitié et de la maison et hôpital de Scipion ; mais cela était insuffisant ! C'est alors qu'un célèbre magistrat, Pomponne de Bellièvre, premier président au Parlement de Paris, provoqua l'édification de l'Hôpital Général et y contribua pour une somme de 20,000 écus et une somme bien plus considérable par son testament. Mazarin donna 100,000 livres, et plus tard 60,000 livres. Le roi Louis XIV fournit les terrains et la maison dite : la Salpêtrière, de là cette dernière dénomination laissée à l'Hôpital-Général.
Les terrains et cette maison avaient été acquis par Louis XIII et étaient appelés le Petit-Arsenal. Suivant Piganiol de la Force : « Louis XIII, peu content de l'Arsenal, » avait voulu en fonder un nouveau, et le raffinage du salpêtre qui s'y exécuta fit donner au Petit Arsenal le nom de : Salpêtrière. La population de l'Hôpital-Général est d'environ 6,000 âmes.
Bien que depuis Louis XIV, des agrandissements, des constructions nouvelles eussent été successivement apportés à l'Hôpital-Général, le nombre des habitants est moindre que celui que nous trouvons en 1763, qui était de 7,800, ce qui le fit appeler avec quelque raison par Tenon (1) une ville d'hospices ; mais cela s'explique facilement. Avant la révolution française, les conditions d'hygiène et de salubrité étaient presque ignorées dans les hôpitaux ; au contraire, de nos jours, tout le monde sait combien est active et convenable la surveillance hygiénique des grands établissements. (2)
Devant l'entrée de ce vaste édifice se trouve la Place de l'Hôpital-Général, sablée et garnie de grands et beaux arbres, le tout étant d'un très-bel effet au débouché du boulevard de l'Hôpital.
Malheureusement, les autres limites de la Salpêtrière sont bien différentes, ce sont de grands murs qui présentent, même sur le boulevard de l'Hôpital, un obstacle à l'amélioration de cette grande voie sous le rapport de la population. Nous ne doutons pas que si l'administration des hospices voulait faire ce que nous proposons pour détruire l'action dépeuplante des grands murs de l'hôpital de Lourcine, c'est-à-dire si elle consentait à mettre en vente, sur une largeur de plusieurs mètres, le terrain qui borde le boulevard de l'Hôpital, elle en tirerait un très-beau produit (3), et le boulevard de l'Hôpital, bâti alors des deux côtés, deviendrait une très-belle voie, ce serait le cas de dire :
Quand on y trouve un très-grand bénéfice,
Ah ! qu'il est doux de faire des heureux !
Le mur de clôture de l'Hôpital-Général quitte le boulevard ; il est d'abord mitoyen à quelques particuliers, puis vient border la rue des Deux-Moulins (actuelle rue Jenner NdE) dans une grande partie de sa longueur, en sorte que cette rue est sans habitants depuis sa création et menace de rester en cet état pendant tout le temps qu'elle possèdera le grand mur ; là aussi nous croyons que l'administration pourrait vendre du terrain avec avantage. Ensuite, la clôture de l'Hospice de la Vieillesse change de direction et vient constituer l'un des côtés d'une rue ; c'est, en effet, la dénomination qui est donnée sur les plans de Paris à cette espèce de champ inculte qui pourrait disparaître sans qu'on s'en aperçût, tant les passants y sont rares. Les plans nous apprennent cependant que ce désert est la rue Bruant. Le croirait-on ? C'est là l'honneur que rend la ville de Paris à l'architecte distingué auquel on est redevable de l'Hôpital-Général et de l'Hôtel des Invalides ! En vérité, mieux vaudrait laisser le nom de Libéral Bruant dans l'oubli que de l'honorer ainsi ; ou, ce qui serait plus digne, ce serait d'ériger une statue au célèbre architecte, soit dans l'hôpital, soit, mieux encore, sur la place qui se trouve devant l'entrée.
Au reste, Libéral Bruant est en bonne compagnie ; une rue identique à la rue Bruant, sous tous les rapports, lui fait suite ; elle aussi porte un nom (sur les plans), c'est la rue de Bellièvre. Eh ! quoi ! ce grand magistrat, Pomponne de Bellièvre, qui a contribué si puissamment à la fondation de la Salpêtrière, est ainsi honoré ! C'est véritablement fait pour empêcher les belles actions. Qu'on oublie complètement le nom de Pomponne de Bellièvre, ou bien qu'on le substitue à celui que porte le boulevard sur lequel est situé l'Hôpital-Général, au moins le nom de l'illustre magistrat sera lu et honoré comme il doit l'être.
Comme nous le disions, ce qu'il y aurait de plus convenable pour l'avenir de ces deux rues, ce serait de les supprimer et d'en vendre le terrain.
Dans le reste de ses limites, l'Hôpital-Général devient mitoyen de quelques particuliers et du chemin de fer d'Orléans ; il cesse ainsi d'agir d'une façon fâcheuse sur les terrains voisins.
Entre la Salpêtrière et la Seine, nous voyons la grande administration du chemin de fer d'Orléans, qui, sur le boulevard de l'Hôpital, présente une façade agréable ; ce chemin, dont la concession fut votée à MM. Casimir Lecomte et compagnie, le 7 juillet 1838, fut en pleine activité le 3 mai 1843. L'établissement de cette tête de chemin de fer ne fit qu'un bien local dans le quartier du treizième arrondissement que nous examinons. En effet, si d'un côté il y a eu grande amélioration produite sur le boulevard en face de l'embarcadère et rue de la Gare jusqu'à la rue Jouffroy ; d'un autre côté, ce quartier a dû perdre par suite des difficultés de communication avec le quai d'Austerlitz, qui ne se trouve relié aux rues d'Austerlitz et de Campo-Formio, c'est à-dire à un centre de population, que par deux voies éloignées de près d'un kilomètre, le boulevard de l'Hôpital et la rampe assez élevée du chemin de fer formant l'ancien chemin de ronde de la Gare.
La rue de la Gare, bordée d'un côté par le mur de clôture du chemin de fer, et de l'autre par des chantiers, a peu d'avenir ; cependant nous ne doutons pas que sa libre jonction avec le boulevard de la Gare ne lui fasse quelque bien.
Nous devons mentionner, près du boulevard de l'Hôpital et dans la rue de la Gare, la prison d'arrêt de la garde nationale.
Quant au quai d'Austerlitz, il possède quelques jolies habitations appartenant à des négociants en bois ; c'est certainement un des points les plus aérés et des plus agréables de Paris, la Seine y étant large et sans parapets.
(1) Chirurgien, membre de l'Institut, né en 1724, mort en 1816.
(2) Pour donner une idée de l'agglomération qui existait en 1735, nous ne croyons pouvoir mieux faire qu'en citant la phrase suivante de l'Histoire de Paris (1735) : « On y reçoit aussi des petites filles, et il y a pour elles deux grandes salles, dans chacune desquelles on en met jusqu'à huit cents, qu'on occupe à divers ouvrages selon leurs forces et leurs capacités. »
(3) Sur le même boulevard, la ville de Paris a vendu des terrains, il y a quelques mois, et l'un d'eux a été adjugé à raison de 60 francs le mètre.
Notice administrative, historique et municipale sur le XIIIe Arrondissement (1860)
- État actuel de l'Arrondissement
- Quartier Croule-Barbe
- Quartier de la Salpêtrière : l'hôpital de la Salpêtrière, la gare du chemin de fer d'Orléans
- Quartier de la Salpêtrière : le marché aux chevaux, l'église Saint-Marcel, l'abattoir de Villejuif
- Quartier de la Salpêtrière : la cité Doré
- Quartier de la Gare
- Quartier Maison-Blanche
- La Bièvre