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 Splendeur et misère des Gobelins - 1894

Splendeur et misère des Gobelins

Le Petit-Journal — 8 janvier 1894

Quand on visite les Gobelins (où, naguère encore, une foule enthousiaste se pressait pour saluer l'amiral Avellan qui était venu admirer les superbes pièces de ce musée unique) on ne peut s'éviter de remarquer l'état singulièrement délabré du célèbre établissement.

C'est qu'en effet il saute aux yeux, et je ne sais pas de spectacle plus affligeant que l'apparente ruine de ce qui demeure, après plus de trois siècles, une des vraies gloires de la France.

Entrée de la manufacture des Gobelins par H. Godefroy (sans date)
CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet

Cela commence dès l'entrée dans l'ancienne cour d'honneur où, près du musée actuel, un carré d'herbes parasites et d'eau stagnante, presque un marécage, marque encore l'emplacement du musée d'avant 1871, consumé par les flammes avec son trésor de rares, d'irréparables tapisseries, évalué plus d'un million.

Et de suite au delà, les bâtiments irrégulièrement construits, au fur et à mesure des besoins de la manufacture, sous Henri IV, sous Louis XIV, sous Louis XV, se montrent, — à part certains réparés et reblanchis, — effrités lamentablement, humides, marbrés de taches grises et verdâtres, suant la négligence et la pénurie, avariés par le temps et surtout par l'abandon.

Ici, des toits privés de leurs tuiles laissent pénétrer les eaux pluviales ; là, des caniveaux engorgés refusent leur service hygiénique ; ailleurs, des carreaux manquent ou des vitres sont bardées de papier, ou des châssis non repeints depuis des années s'émiettent et croulent peu à peu. Il y a des salles fermées au travail pour leur insécurité dangereuse, les plafonds menaçant de s'effondrer, et des logements que des employés sont obligés de réparer à leurs frais pour les rendre habitables.

Il est évident que ces bâtiments exigent, pour fournir une nouvelle carrière, de pressantes consolidations, d'urgentes réparations. Murailles, ateliers, logements appellent avec instance les soins de l'outil du maçon et, par suite, l'indispensable sollicitude du budget.

Or, le budget alloue 6 ou 8,000 francs, je crois ; que faire avec si faible somme pour empêcher la pauvre manufacture de s'en aller de mal en pis ?

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Il fut plus d'une fois question de remédier de la plus radicale manière à cet état de choses ; à savoir, en démolissant la manufacture de fond en comble, pour la reconstruire ailleurs, voire en province, plus belle, plus vaste, mieux ordonnée.

L'un de ces projets, aux séduisants mais fallacieux devis, eut autrefois son jour de publicité et son heure de discussion. Je rappellerai qu'il s'efforçait principalement de démontrer qu'en décidant de transporter les Gobelins hors de Paris, l'État dépenserait peu pour une œuvre grande et nécessaire, puisque la seule vente des terrains où ils sont aujourd'hui, produirait environ 1 million 500,000 francs, soit la moitié au moins des frais de reconstruction évaluables à 3 millions, foi d'architecte et d'entrepreneur !

Un million et demi pour nous doter d'une manufacture toute neuve et de premier ordre, cela ne semblerait pas trop cher, si l'on pouvait oublier de combien d'erreurs, se chiffrant par centaines de mille francs, sont susceptibles les calculs approximatifs des faiseurs de plans si beaux sur le papier, si décevants dans la réalité !

Les Gobelins avant la construction de la Galerie Formiget le long de l'avenue

Mais que d'objections encore, outre celles-là, se lèveraient pour empêcher l'exil des illustres Gobelins !

On ferait notamment observer que les Gobelins, transportés hors de Paris, loin de leur petite rivière de Bièvre, aux eaux jadis réputées excellentes pour la teinture, ne seraient plus du tout les Gobelins, de même que la manufacture de porcelaine de Sèvres, rebâtie à Brive-la-Gaillarde, n'eût plus été la manufacture de Sèvres. Il est des établissements inséparables du milieu où ils furent créés, où ils ont grandi, parce que leur renom, leur valeur, leurs progrès en dépendent, et ceux-là sont du nombre dont la réputation est universelle. À cela, que répondre ?

Et que répondre aussi à qui prouverait, de par une connaissance approfondie des faits, que déplacer les Gobelins serait les désorganiser ? La noble industrie d'art et de luxe cultivée aux Gobelins, pour stimuler le goût des industries similaires et leur servir de modèle, de tangible idéal, ne peut en effet se maintenir à ce rang élevé qu'à la condition de conserver un personnel d'artistes, d'apprentis et d'employés spéciaux, au courant de ses traditions et fiers de lui appartenir.

Assurément ce personnel ne quitterait pas volontiers le faubourg de Paris où il se recrute, où il a ses relations de famille et ses habitudes, où il rencontre assez souvent d'heureuses compensations à la modicité de ses traitements, réglés non selon son mérite, mais d'après l'usage. Il disparaîtrait ou tout au moins il s'éparpillerait, s'égrènerait, et soyez persuadés qu'on ne le remplacerait pas facilement.

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Ces objections sont des plus sérieuses, mais s’il en est une qui les rend superflues, parce qu'elle est capitale ; c'est, tout simplement, qu'on n'a pas à songer à démolir, pour les rebâtir autre part, des bâtiments qui tiendront, debout longtemps encore, si l'on veut bien, s'occuper de les réparer. Oui, la manufacture nationale, fondée en 1667, n'est pas au terme de sa brillante existence, loin de là. Pour qu'elle contracte avec le temps et la gloire un nouveau bail, il suffit de panser ses plaies et d'équilibrer sa vieillesse.

Que l'on cimente ses pierres, prêtes à se desceller, que l'on bouche ses trous, recrépisse ses murs, recouvre ses toits, restaure ses plafonds et ses fenêtres, que l'on éclaircisse ses ateliers, que l'on assure ses fondations et, moyennant quelques sacrifices, légers en comparaison d'une réédification périlleuse, elle pourra, pendant peut-être un autre siècle, bien servir encore l'art et l'industrie.

Ces sacrifices indispensables, l'administrateur actuel estime qu'ils doivent s'élever, pour être vraiment fructueux, à 50,000 francs par an pendant dix années.

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On devra se hâter d'agir, afin d'aider aux progrès artistiques et pratiques de la Manufacture, qui cherche à son tour à se transformer, à se moderniser.

D'une part, obligée trop longtemps à ne produire, que de serviles imitations de la peinture, jolies au premier coup d'œil, mais vite fanées, et de plus excluant toute fantaisie décorative, voici qu'elle vise à devenir originale. Elle veut et commande des modèles exprès pour ses tentures de haute lice, en rapport avec leurs moyens d'exécution simplifiés de plus en plus.

Entre les 14,400 tons sortis des 12 gammes de couleurs franches séparées les unes des autres par cinq gammes équidistantes composées chacune de 12 tons créées par l'infatigable génie de Chevreul pour lui former une palette sans pareille, elle entend choisir et employer ceux qui, réfractaires à l'action de la lumière promptement destructive des nuances trop fines, nous ont donné, d'après les cartons des maîtres, Le Brun, Mignard, Ch. Coypel, Audran, Oudry, Boucher, des tapisseries toujours pleines de fraîcheur et d'éclat, et dont les sujets, d'une vie intense, s'encadrent en des bordures d'une imagination merveilleuse.

Peut-être ira-t-elle plus loin encore : les étonnantes pièces du quinzième et du seizième siècle ne sont pas inimitables, notez-le, et si de très riches particuliers lui en exprimaient le désir, elle pourrait aisément renouveler les chefs-d'œuvre du genre. Ce serait tout profit pour elle, tout bénéfice pour l'État.

D'autre part, qui s'opposerait, si l'on parait à l'exiguïté des locaux, à l'installation auprès des laboratoires et des ateliers de teinture de l'école pratique de teinturerie, si vivement désirée par l'industrie ?

Donc, attention ! voilà de bonnes, de très bonnes idées !

Il y a quelque temps, les directeurs des grandes manufactures d'Aubusson, interrogés sur l'expansion de leur industrie en Europe, déclaraient :

« Grâce aux sujets, aux caprices décoratifs dont nous ornons nos produits, et que nous empruntons d'ordinaire aux Gobelins, en prenant soin d'en avouer l'origine, nous l'emportons de haut sur nos concurrents étrangers. Le prestige des Gobelins rejaillit sur nous ; nous leur devons un type d'élégance, de noblesse et de perfection sans rival au monde. Gardons-les à tout prix, ils sont l'honneur de l'industrie française ! »

À bons entendeurs, salut !

Thomas Grimm.


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Le Puits artésien de la Butte-aux Cailles

L'achèvement prochain des travaux du puits artésien de la place Hébert est venu nous rappeler un autre puits du même genr dont le forage fut commencé presque à la même époque que celui du puits des hauteurs des Belleville, mais tombé complètement dans l'oubli depuis une vingtaine d'années : nous voulons parler du puits artésien de la Butte-aux-Cailles. (1889)

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Trop de clairons dans le quartier de la Maison-Blanche

Tandis que les chauffeurs ne pourront claironner ou trompeter par les rues de Paris, des escouades de bruiteurs autorisés continueront, embouchure aux lèvres, leur pas accéléré quotidien dans les rues du quartier de la Maison-Blanche en général, boulevard Kellermann en particulier. (1929)

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La Butte aux Cailles se modernise

Dans une semaine ou deux, on inaugurera la grande piscine de la Butte aux Cailles. C'est un établissement vraiment remarquable, de briques et de mortier, aux revêtements vernissés blancs, dominé d'une immense cheminée en ciment armé, de grande allure avec sa quadrature de colonne droite évidée aux angles, lesquels sont ainsi arrondis. (1924)

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Rue Charles-Bertheau plusieurs immeubles menacent maintenant de s'effondrer

Dimanche, dans la nuit, un craquement sinistre a éveillé les locataires d'un des vieux immeubles de cette rue. une maison d'un étage, portant le numéro 10. D'un coup la maison s'était lézardée du haut en bas. menaçant de s'effondrer. (1929)

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54 habitants de la rue Charles Bertheau sont sans logis

Le quartier de la Gare est en émoi. A la suite de perturbation du sol, peut-être aussi de fissures de conduites d'eau et d'infiltrations, la plupart des immeubles de la rue Charles-Bertheau, dont certains sont neufs, menacent ruine (1937)

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Saviez-vous que... ?

Le 19 juillet 1927, le nom de rue de Gentilly fut donné à la rue du Gaz. Le nom de rue de Gentilly avait été, jusqu'en 1899, celui de la rue Abel-Hovelacque d'aujourd'hui. Cette nouvelle rue de Gentilly perdit ensuite son nom au profit de Charles Moureu et d'Albert Bayet.

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La maison qui, en 1900, était située au 68 du boulevard d'Italie, servait de dépôt au sculpteur Rodin.

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L'église Sainte-Anne de la Maison-Blanche a été une première fois consacrée le 25 avril 1896. Les travaux commencés en 1894 ne furent véritablement terminés qu'en 1912 et une nouvelle consécration eut lieu le 24 octobre 1912.

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La place d'Italie a été dénommée par arrêté du 30 décembre 1864 et la route de Fontainebleau ou route d'Italie est devenue avenue d'Italie par ce même arrêté.

L'image du jour

rue Nationale - Quartier de la Gare (image colorisée)

La rue Nationale était l'axe majeur du quartier de la Gare. La rue Jeanne d'Arc n'était pas encore transversante et était dédiée à l'industrie. La rue Nationale rassemblait commerces et services. Elle était le centre de l'animation d'une vraie vie de quartier populaire qui fut voué à la destruction par son classement en « ilôt insalubre ».  ♦