UNE ÉVOCATION DU 13e ARRONDISSEMENT DE 1860 AUX ANNÉES 30

Littérature

 Assassins!!! - 4

4

ASSASSINS !!!

par
Louis Dagé et Paul Vernier
(1881)


PREMIÈRE PARTIE


La Masure du Corbeau Rouge


II
La Masure du Corbeau-Rouge

Au fond de l’avenue de Choisy, près des fortifications, dans un terrain vague, entouré de palissades à moitié démolies, s’élevait une maison délabrée, tombant en ruines.

Les murs, profondément lézardés, ne se soutenaient que par un miracle d'équilibre. Çà et là, des poutres les étayaient tant bien que mal, les empêchant de s’effondrer complètement.

Cet immeuble avait été bombardé pendant le siège et son propriétaire n’avait pas jugé convenable de le réparer.

C’était la masure du Corbeau-Rouge.

D’où lui venait son nom ? Tout le monde l’ignorait ; les plus forts étymologistes y auraient perdu leur science, sans nul doute ; nous n’essaierons pas d’être plus savants que ces messieurs.

La masure du Corbeau-Rouge servait de retraite aux filous en délicatesse avec la police et à quelques chiffonniers ayant eu des difficultés avec leurs propriétaires.

Tout ce monde vivait en bon accord, non dans l’étroite enceinte de l’immeuble, mais dans les nombreuses excavations qui rampaient sous le sol et mettaient la maison en communication avec les carrières de pierre exploitées dans la plaine au delà des fortifications.

Il existait, en effet, sons terre, plusieurs galeries auxquelles la bicoque donnait accès, et qui, toutes, aboutissaient à l’unique pièce du rez-de-chaussée.

Il y avait eu, jadis, sans doute, dans ce terrain une carrière aujourd’hui épuisée.

C’est dans cet affreux repaire que Sans-Malice, Négriot et François le Carrossier conduisaient Mlle Aimée d’Évry.

Pourquoi cet enlèvement ?

Nous le saurons peut-être ; assistons à l'arrivée de ces intéressants gredins et prêtons l’oreille à la conversation qui s'engagea inévitablement entre la jeune fille et ses ravisseurs.

Bien avant d'atteindre la masure, le Carrossier, par précaution, avait éteint les lanternes de la voiture. Quoique l’obscurité fût assez intense, le cocher faisait manœuvrer sa bête au milieu des tas de glace amoncelée et des cloaques de neige avec une adresse qui prouvait sa parfaite connaissance des lieux.

Le véhicule aborda enfin la palissade extérieure de l’immeuble et s’arrêta.

Négriot ouvrit la portière et sauta à terre le premier.

— Amène-moi la jeunesse, dit-il.

Sans-Malice passa à son compagnon Mlle d’Évry plus morte que vive, incapable de se défendre, et descendit à son tour.

Cependant, lorsque les deux associés voulurent l’entraîner dans la maison, Aimée essaya de se débattre. Résistance vaine ! Force lui fut de suivre ses ravisseurs dans les couloirs obscurs et immondes de la masure.

Les bandits portant la jeune fille marchèrent quelque temps à travers le labyrinthe des excavations souterraines et parvinrent enfin à une sorte de rond-point assez spacieux où quelques planches jointes, posées en travers de la galerie, avaient la prétention de former deux chambres séparées.

Il y avait, en effet, dans cet antre, des réduits distincts, des espèces de cabinets particuliers que les Alphonses de la barrière d'Italie s’étaient ménagés pour y conduire parfois leurs aimées.

Quelques-unes de ces cabines étaient meublées d’un lit volé un peu partout par bribes et morceaux.

On voit que ces messieurs y avaient mis de la coquetterie.

Sans-Malice poussa une planche qui tourna sur une charnière, livrant ainsi passage aux nouveaux venus.

Le bandit introduisit Mlle d’Évry dans l’un de ces taudis dont nous venons de parler.

Il ôta le bâillon qui comprimait les lèvres de la jeune fille et la jeta brusquement sur un lit en fer placé dans un recoin.

Pendant ce temps, Négriot allumait une bougie, tirait de la poche de son paletot une bouteille d’eau de vie et s’installait à terre, les jambes croisées, à la façon des tailleurs assis sur les établis.

Sans-Malice l’imita.

Aimée regardait les deux coquins d’un œil hébété : elle n’avait pas l’air de comprendre.

Mais tout à coup le sentiment lui revint, sans doute, avec l’usage de ses facultés, car elle s’écria :

— Misérables, que voulez-vous de moi ?

— Nous ? Rien personnellement, répondit avec flegme Négriot.

— Et mon père, mon pauvre père, qu’en avez-vous fait ? fit-elle en sanglotant.

— Soyez sans inquiétude, ricana à son tour Sans-Malice, Monsieur votre papa est très bien où il est.

— Mais je veux sortir, moi ! Je veux aller le rejoindre.

— Ça, c’est impossible ! D’ailleurs, il n’y a pas de presse !

— Au secours ! au secours !

— Inutile d’appeler, ma biche ! personne ne viendra. Vous vous égosillez pour rien !

— Oh ! malheureuse que je suis !

L’enfant fondit en larmes.

Ce premier accès de la douleur passé, elle releva la tête, et, suppliante, des sanglots dans la voix, elle dit à ces deux brutes qui la regardaient sans émotion :

— Par pitié ! Laissez-moi m’en aller, je vous en conjure, soyez bons !

— Merci ! ça ne m’a Jamais réussi, la bonté ! observa Sans-Malice.

— Tenez, je suis riche ! je vous paierai largement !

— Ah ! ceci mériterait considération ; seulement, une fois libre, vous mangeriez le morceau !

Elle écoutait haletante, hébétée, ne comprenant rien à cet idiome si nouveau pour elle.

— Oui, vous n’auriez rien de plus chaud que d’aller nous dénoncer.

— Non, je vous le jure.

— Ta, ta, ta ! Connus, les serments.

— D'ailleurs, ajouta Négriot, nous sommes liés… nous avons promis...

— Quoi ? mais quoi donc ?

— De vous remettre saine et sauve entre les mains d’une personne qui s'intéresse à vous, faut croire !

— Oh ! mais c’est horrible !

— Bah ! on s’y fait... Ça dépend des goûts.

— Et vous ne craignez pas, malheureux, pour une action aussi infâme, que Dieu vous punisse ?

— Non ! elle est verte, celle-là ? Écoute-la ! mais écoute-la donc ! On payerait sa place !

— Ah ! si vous croyez que le meg des megs a le temps de s’occuper de nous ! Ous' qu’est ma Sophie ?

— D’ailleurs, observa philosophiquement Sans-Malice, n’étant que des instruments, nous ne sommes pas les vrais coupables. C’est-y-tapé, dis ? J’y rive son clou, à l’ingénue !

— Mais que faut-il que je vous dise, mon Dieu ! pour vous attendrir ? s'écria l'infortunée, le visage ruisselant de larmes.

— Rien !... N’essayez même pas... M. Polydor a ordonné. Pour lors, c’est comme si vous jouiez du tambour de basque…

— Quel est ce M. Polydor ?

— C’est le bourgeois... celui qui casque et ne rate pas les feignants ; notre maître à tous, autrement dit… Ah ! s’il n’était pas dans l’affaire, lui, on aurait pu s’arranger.

— Tout ce que vous voudrez, je vous l’accorde !

Le 13e en littérature

La ruelle des Reculettes

Les Monstres de Paris

par
Paul Mahalin

Le noctambule par goût ou par nécessité — comme Paris en a tant compté depuis Gérard de Nerval jusqu'à Privat d'Anglemont — qui se serait aventuré, par une nuit boréale de novembre dernier, à l'une des embouchures du passage des Reculettes, y aurait éprouvé l'impression d'un rêve persistant à travers la veille, et s'y serait cru transporté dans ce monde de la chimère et du fantôme...

(1879)

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Le quartier Croulebarbe

Robespierre

par
Henri-Jacques Proumen

Il pouvait avoir cinq ans, ce petit Riquet de la rue Croulebarbe. On lui en eût donné quatre tout au plus, tant il était fluet Son pauvre petit corps se dandinait sur deux longues pattes de faucheux qui prenaient assise dans deux godasses démesurées...

(1932)

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L'octroi de la porte d'Italie

Le drame de Bicêtre

par
Eveling Rambaud et E. Piron

Grâce à l'or du faux baron de Roncières, Paul apporta l'abondance dans la maison de la rue du Moulinet.
On y fit une noce qui dura huit jours.
Perrine avait déserté son atelier de blanchisseuse. Elle tenait tête aux deux hommes, le verre en main.

(1894)

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De la ruelle des Reculettes au passage Moret via la ruelle des Gobelins

Le faiseur de momies

par
Georges Spitzmuller et Armand Le Gay

Il était arrivé à l'angle pointu formé par la manufacture des Gobelins où la voie bifurquait ; à droite la rue Croulebarbe continuait, à gauche c'était la ruelle des Gobelins.

(1912)

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La Butte-aux-Cailles

Coeur d'enfant

par
Charles de Vitis

— Voyons d’abord du côté de la Butte-aux-Cailles, pour tâcher de trouver un logement.
Jacques connaissait l’endroit pour y être venu avec Fifine, une fois ou deux, du temps qu’il vivait chez ses parents.
C’était un quartier misérable situé à proximité de la place et du boulevard d’Italie ; on y arrivait par la rue du Moulin-des-Prés.

(1899)

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L'entrée de la Bièvre dans Paris en 1859

L'oeuvre du démon

par
Adolphe Favre

Effectivement, le lendemain de la mort du marguiller, la police retirait un cadavre de la Bièvre, au point où elle entre à Paris ; ce cadavre, c’était celui d’Armand Lambert...

(1859)

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La rue du Banquier

Madame Gil-Blas

par
Paul Féval

Le fiacre tournait court l'angle de la rue du Banquier.
Cela s'appelle une rue, mais c'est en réalité une manière de chemin pratiqué entre des murs de jardins. Il n'y a pas une âme en plein jour.

(1856)

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Un Treizième à découvrir dans...

Saviez-vous que... ?

La rue du Banquier, ancienne rue, doit son nom au banquier Patouillet qui avait déjà donné son nom au territoire compris entre la rive droite de la Bièvre et les terres de St-Marcel sur le chemin d'Ivry. (Clos Patouillet.)

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Le 7 décembre 1930, un beau dimanche, à l'angle de l'avenue des Gobelins et de la rue Philippe- de-Champaigne, le manœuvre géorgien Parmény Tchanoukvadzé, trente-six ans, abattait à coups de pistolet automatique M. Noé Ramichvili, quarante-neuf ans, ancien ministre de l'Intérieur du gouvernement menchevik de Géorgie, président à Paris du parti Tebanoukvadze social démocrate géorgien, blessant M. Menagarichvili, secrétaire du précédent, qui se portait au secours de son chef.

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C'est le 10 juillet 1899 que le Conseil municipal de Paris décida de donner le nom d'Abel Hovelacque à la rue de Gentilly.

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La place d'Italie a été dénommée par arrêté du 30 décembre 1864 et la route de Fontainebleau ou route d'Italie est devenue avenue d'Italie par ce même arrêté.

L'image du jour

Panorama vers l'ouest sur la rue de Tolbiac

La vue est prise depuis un des clochers de l'église Saint-Anne. La première rue à droite est la rue Martin-Bernard.