Littérature



Cœur d’enfant

par Charles de Vitis (1899)

Première partie
Le secret de Jacques

[...]

On frappa à la porte. C’était Mme Truffeau.

— Jacques, tu oublies, dit-elle, que c’est le terme, cette semaine. Je montais de ce côté et j’en ai profité pour venir le toucher.

— Je n’ai pas d’argent, Mme Truffeau ; je ne peux le payer et j’en ai bien du chagrin.

—- Ah ! c’est ainsi ! Ah ! monsieur ne paye pas son loyer ! Tu en as assez de travailler, hein ! petit morveux ? Le travail ce n’est pas agréable du tout ; oh ! non, la paresse te convient mieux... On mendie et on envoie les autres mendier... et avec cet argent volé aux imbéciles on ne paye même pas ses dettes ! Si ce soir tu ne m’as pas payé, tu peux faire ton paquet et déguerpir, mon garçon ; tu le diras aussi à ton vieux soûlaud de père. C’est donc entendu. Vous déguerpirez, et vite !

— Pitié, madame, murmura l’enfant les yeux pleins de larmes, nous sommes si pauvres ! nous n’avons pas de meubles... rien que nos lits... Que deviendrons-nous si vous nous jetez à la porte ? Oh ! non ! non !

Mme Truffeau ne l’écoutait pas. Elle était décidément très furieuse contre Jacques et rien ne pouvait l’adoucir. Elle partit en criant :

— Va à la Butte-aux-Cailles. C’est la cité des mendiants ; c’est bon pour toi et tes semblables !

Encore la mendicité ! On la lui jetait ainsi au nez !

Eh bien ! oui, il serait mendiant puis qu’il le fallait, puisque c’était le seul moyen de vivre !

Le soir... — ah ! quel triste soir ! — les deux enfants se couchèrent de bonne heure, sans souper.

Le lendemain, quand Jacques se réveilla, il avait grand’faim, ses oreilles bourdonnaient.

— J’ai faim ! fut le premier mot de Nette.

Cette parole déchira le cœur de Jacques.

Son parti était pris maintenant. Il tendrait la main. Il voulut sortir seul, tout d’abord.

Il s’avançait dans l’avenue des Gobelins, regardant tout autour de lui. S’il voyait un beau monsieur ou une riche dame, il demanderait...

Deux ou trois fois, il leva la main, retrouvant le geste d’autrefois.

Mais il ne pouvait pas. Une invincible fierté le retenait au dernier moment.

— Allons ! ce sera pour tout à l'heure, se dit-il. Voyons d’abord du côté de la Butte-aux-Cailles, pour tâcher de trouver un logement.

Jacques connaissait l’endroit pour y être venu avec Fifine, une fois ou deux, du temps qu’il vivait chez ses parents.

C’était un quartier misérable situé à proximité de la place et du boulevard d’Italie ; on y arrivait par la rue du Moulin-des-Prés.

rue du Moulin-des-Prés

Autrefois il y avait là un terrain vague ou l’on jetait des tas d’ordures et de détritus. Puis, peu à peu, des familles de chiffonniers et de mendiants y avaient élu domicile. Mais quel domicile !

Des propriétaires — il en est de toutes catégories — avaient construit eux-mêmes des cahutes, moitié en planches, moitié en plâtras, que les locataires louaient à raison de quatre francs par mois.

L’intérieur de ces maisonnettes est infect. Quelquefois elles possèdent un premier étage ; alors le rez-de-chaussée est réservé aux tas de chiffons et de vieux os exhalant une odeur fade et repoussante.

La saleté, la puanteur, la dégradation au milieu desquelles vivent les habitants de ces tristes lieux défie toute description.

Une masse de gens sans profession grouille-là, un repaire d'hommes et de femmes aux allures louches, qui, à la tombée de la nuit, y trônent en souverain.

Et avec eux, l'immoralité et l’insouciance du mal règnent en maître.

O misère ! misère !

Jacques s’aventura donc de ce côté essayant d’avancer dans la boue gluante qui formait le sol. Il ne vit personne tout d’abord.

À sa droite, il aperçut une porte entre bâillée qu’il poussa.

Il se trouva dans une cour encombrée de tas d’ordures.

Trois masures, dans le fond, y rappelaient ce qu’un appelle des toits à porcs. Sur le seuil de l’une d’elles, une femme était assise. Elle grattait soigneusement avec un couteau un os qu’elle avait extrait d’un tas voisin, et elle étendait les raclures sur un crouton de pain.

À cette vue, Jacques sentit son cœur se soulevait.

Il avait bien faim, pourtant ! Oh ! oui, bien faim !

La femme la regarda d’un regard hébété de femme ivre. Il s’enfuit. Maintenant il avait changé d’idée, complètement. Il n’exposerait pas Nette à cette misère et à cette dégradation. Non ! Il savait ce qui lui restait à faire.

Le 13e en littérature

Rue des Cinq-diamants

La criminelle

par
Jules Lermina

Un plus érudit découvrira l'origine de ce nom singulier, la rue des Cinq-Diamants.
L'étude consciencieuse qui a été faite pour le vieux Paris tentera quelque explorateur des anciennes banlieues annexées : et quel champ plus vaste sera offert à sa curiosité que l'étrange et hideux quartier de la Butte-aux-Cailles ?

(1881)

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Butte-aux-Cailles

Les apaches de la Butte-aux-Cailles

par
Lucien Victor-Meunier

Très peu de Parisiens, assurément, connaissent la « Butte-aux-Cailles ». C'est très loin, très loin, passé la place d'Italie, au diable dans ces régions où l'on ne va pas...

(1907)

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Butte-aux-Cailles

Madame Sept-Quatre

par
William Cobb
(Jules Lermina)

En tournant le dos à la Seine, à la hauteur du pont des Arts, et en s'engageant en ligne droite sur la rive gauche, on laisse à droite le cimetière Montparnasse et on parvient aux anciens boulevards extérieurs. Là se trouve le boulevard d’Italie et l’ex barrière du même nom.
À deux pas, un peu sur la droite, s’étend l’un des quartiers les plus curieux et les moins connus de Paris.
C’est la butte aux Cailles.

(1873)

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De la place d'Italie à la Bièvre via l'avenue de la soeur Rosalie et la ruelle des Reculettes

Le faiseur de momies

par
Georges Spitzmuller et Armand Le Gay

Dans ce roman paru en feuilleton dans Le Matin, Georges Spitzmuller et Armand Le Gay emmènent leur lecteur sur la piste de M. Ducroc, chef de la sûreté, pour qui le XIIIe arrondissement n'avait pas de secret.

(1912)

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Rue du Dessous-des-Berges

La dame de pique

par
Jules de Gastyne

Il existe à Paris, dans les quartiers perdus, des rues mornes et désertes qu'on traverse avec un sentiment de stupeur.

(1906)

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A travers la Maison-Blanche

Les apaches de la Butte-aux-Cailles

par
Lucien Victor-Meunier

Un instant plus tard, elle était dehors dans le terrain vague qui descendait en pente rapide vers la vallée de la Bièvre...

(1907)

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La poterne des Peupliers

La vague rouge

par
J. H. Rosny Ainé

Un homme s'arrêta sur la route, près de Gentilly. Il considéra le paysage misérable et puissant, les fumées vénéneuses, l'occident frais et jeune comme aux temps de la Gaule celtique.
Si l'auteur nomme une poterne des Tilleuils, c'est bien de la poterne des Peupliers dont s'agit.

(1910)

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Saviez-vous que... ?

Le 19 juillet 1927, le nom de rue de Gentilly fut donné à la rue du Gaz. Le nom de rue de Gentilly avait été, jusqu'en 1899, celui de la rue Abel-Hovelacque d'aujourd'hui. Cette nouvelle rue de Gentilly perdit ensuite son nom au profit de Charles Moureu et d'Albert Bayet.

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Par son vote du 26 mai 1859, la Chambre des députés décidait de porter, à compter du 1er janvier 1860, les limites de Paris jusqu'au pied du glacis de l'enceinte fortifiée. Cette loi désignait le 13ème arrondissement sous le nom d'arrondissement des Gobelins.

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C'est en juillet 1905 que le nom de Paul Verlaine (1844-1896) fut donné à la place du puits artsésien dans le 13e arrondissement.

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Le 14 juillet 1906, on pouvait aller en métro de la place d'Italie à la gare de Lyon sans changement.
A cette date, la ligne 5 se raccordait à la ligne Porte Maillot- Vincennes.

L'image du jour

rue Nationale - Quartier de la Gare (image colorisée)

La rue Nationale était l'axe majeur du quartier de la Gare. La rue Jeanne d'Arc n'était pas encore transversante et était dédiée à l'industrie. La rue Nationale rassemblait commerces et services. Elle était le centre de l'animation d'une vraie vie de quartier populaire qui fut voué à la destruction par son classement en « ilôt insalubre ».  ♦