L'image du jour

Le passage Ricaud est immédiatement sous la droite après le marchand de vins.
UNE ÉVOCATION DU
13E ARRONDISSEMENT DE 1860 AUX ANNÉES 30
Jeudi 23 mars 2023
Le 13e dans la littérature
Littérature
La vague rouge
(Roman de mœurs révolutionnaires)
J. H. Rosny Ainé
[...]
Salut !
Il passa lentement à travers les rangs des consommateurs, et disparut au fond de la rue obscure. Il laissait une trace dans les cerveaux, une image singulière, approfondie par les circonstances, par la disposition des esprits, par une apparition brusque, nette et opportune :
— Qui que c'est ? demanda Pouraille.
— Ça doit être un type de la Confédération générale du travail, répondit un typographe.
L'homme suivit d'abord la rue de Tolbiac, puis s'engagea par ces voies ténébreuses, bordées de planches, de lattes et de pieux, qui montent vers la Butte-aux-Cailles. Les oiseaux des réverbères dansaient dans leurs cages de verre. On apercevait des terrains fauves, des chaînes de bosselures, des rampes de lueurs, des phares dans un trou du ciel, et, du côté de la Butte, un nuage de feu pâle évaporé sur Paris. Des lumières, encore mystérieuses, justifiaient tous les rêves des contes, tous les frissons d'une immense et terrible réalité :
— La terre des esclaves ! grommela l'homme.
Sa voix était calme, une joie lente enflait sa poitrine. Il aimait la vie. Même lorsqu'il criait des paroles amères ou que la révolte animait son geste, il était dans un beau roman, inépuisable et frais. Comme les vrais optimistes, il songeait à peine au passé, effleurait le présent et s'élançait dans le futur. Il n'apercevait pas la mort ; il ne voyait pas même la vieillesse. Il n'en croyait que son jarret inlassable, le feu rapide de sa pensée, les battements d'un cœur flexible et fort. La souffrance passait sur lui en pluie féconde ; sa colère était un bienfaisant orage.
Puis, il avait cette forte illusion de marcher contre les grands évènements qui circonscrivent la menue circonstance humaine : il ne sentait jamais qu'il était la ride d'un flot, il se croyait le flot même.
Ses convictions, fixées en lui comme des écrous, l'accompagnaient dans la joie comme dans la tristesse, devant une rue comme devant un fleuve. Et il était si sûr que les peuples se délivreraient un jour !
Le vent soufflait, insinuant et velouté ; une haleine d'herbes alternait avec les senteurs de crottin, d'asphalte suri, de chair humaine. L'homme grimpa la Butte, et, par la rue des Cinq-Diamants, atteignit l'avenue d'Italie. Une crapule terne pullulait dans les assommoirs. Un concert fulgurait de globes violets et lilas. Et l'on apercevait les pâles poissons tapis dans les encoignures, tandis que des marmites aux cheveux provocants tanguaient sous les réverbères. L'homme jugea ce spectacle effroyable, mais il le considéra avec plaisir. Ensuite, rétrogradant, il pénétra dans la rue Bobillot.
Au sixième d'une maison de coin, il trouva une vieille femme, un homme de trente-deux à trente-cinq ans et un petit garçon qui l'attendaient. C'était une chambre peinte, à la base, du chocolat rougeâtre qui plaît aux marchands de vin. Plus haut, s'étalait un papier crème et carotte ; des oiseaux croupissaient parmi des feuillages, des épines et des tournesols. Le plafond comportait deux fausses poutres. Une table longue, fortement campée, était couverte de laine sinople ; sous la lueur éparse d'une lampe à colonne, on apercevait des livres ouverts pour la veillée : les Animaux excentriques, le Procès de la Brinvilliers, les Aventures de Friquet dans la Sierra.
La vieille femme, l'homme et l'enfant se pressaient devant le survenant, avec des visages hilares.
À cause de la dissimilitude des sexes et des âges, leur ressemblance avait quelque chose d’effrayant et de baroque. C'étaient les mêmes visages à pans — trois pans pour les fronts, quatre pour les mâchoires et les joues. Une peau saumonée s'accrochait autour des nez en poivrière. Ils ouvraient des yeux concaves, et comme tapissés de suie, des lèvres grenues, couleur de foie chez la vieille femme, fraise des bois chez l'homme et merise chez l'enfant.
Une moustache poussiéreuse, pareille à un rouleau de fils de la Vierge, chenillait sur la lèvre de l'homme ; la femme, à la même place, montrait une mousse falote. Tous trois avaient du poil de brebis sur la tête, vieil argent chez l'une, tabac turc chez l'autre, et presque citron chez le troisième. Leurs mains, d'une structure fine et d'une mobilité expressive, allongeaient des doigts rouges ; ils avaient les épaules en pente de toit, les muscles maigres et rapides.
— On ne t'attendait plus, mon François, dit la vieille en se jetant à son cou.
[...]
Derrière
le nom de J.-H. Rosny se cachaient les frères Joseph Henri Honoré Boex (1856 - 1940) et Séraphin Justin François Boex
(1859 - 1948), tous deux nés à Bruxelles. Après leur séparation en 1908 — l’année de la présente nouvelle — ils poursuivirent
des carrières l’un sous le nom de J.-H. Rosny aîné, l’autre sous celui de J.-H. Rosny jeune. J.-H. Rosny aîné est aujourd’hui
considéré comme l’un des précurseurs de la science-fiction.
Le 13e en littérature
L'octroi de la porte d'Italie
par
Eveling Rambaud et E. Piron
Grâce à l'or du faux baron de Roncières, Paul apporta l'abondance dans la maison de la rue du Moulinet.
On y fit une noce qui dura huit jours.
Perrine avait déserté son atelier de blanchisseuse. Elle tenait tête aux deux hommes, le verre en main.
(1894)
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De la ruelle des Reculettes au passage Moret via la ruelle des Gobelins
par
Georges Spitzmuller et Armand Le Gay
Il était arrivé à l'angle pointu formé par la manufacture des Gobelins où la voie bifurquait ; à droite la rue Croulebarbe continuait, à gauche c'était la ruelle des Gobelins.
(1912)
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La Butte-aux-Cailles
par
Charles de Vitis
— Voyons d’abord du côté de la Butte-aux-Cailles, pour tâcher de trouver un logement.
Jacques connaissait l’endroit pour y être venu avec Fifine, une fois ou deux, du temps qu’il vivait chez ses parents.
C’était un quartier misérable situé à proximité de la place et du boulevard d’Italie ; on y arrivait par la rue du Moulin-des-Prés.
(1899)
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La cité Doré
par
Charles de Vitis
À la hauteur de la place Pinel et de l’abattoir, entre le boulevard de la Gare et le boulevard de l’Hôpital, s'étend un vaste terrain qui est loué par bail à divers locataires. Le type même de la saleté et de la misère imprévoyante se trouve dans le rassemblement de masures, coupé de ruelles en zigzag et qu’un hasard ironique fait appeler cité Doré. Les cours des miracles devaient être ainsi.
(1899)
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Rue du Banquier
par
Paul Féval
Le fiacre tournait court l'angle de la rue du Banquier.
Cela s'appelle une rue, mais c'est en réalité une manière de chemin pratiqué entre des murs de jardins. Il n'y a pas une âme en plein jour.
(1856)
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Barrière des Deux-Moulins
par
Turpin de Sansay
En suivant les rues Saint-Victor, du Marché-aux-Chevaux et de Campo-Formio, on arrivait à la barrière des Deux-Moulins, située de l'autre côté du boulevard extérieur.
(1861)
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Barrière des Deux-Moulins
par
Jean Loyseau
Allez un dimanche, ou , même , un lundi soir , du côté de l'ancienne barrière des Deux-Moulins : regardez, respirez et écoutez, si vous en êtes capables , tout ce qui frappe à la porte de vos cinq sens : votre odorat percevra je ne sais quelle odeur nauséabonde et méphitique, dans laquelle se mêlent indistinctement la fumée de tabac ; les exhalaisons du cabaret, qui forment , à elles seules, tout un arsenal d'infection...
(1862)
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Saviez-vous que... ?
L'Hôpital de la Vieillesse pour femmes, autrement dit la Salpétrière, comptait, en 1860, 4422 lits dont 1341 pour les aliénées. En moyenne, par an, dans les années 1850-60 , 2100 aliénées y faisaient leur entrée et 800 y mourraient.
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En 1890, le quartier Croulebarbe comptait deux maisons de tolérance, celle de Mme Rouau au 9 boulevard d'Italie et celle de Mme Turquetil au 11 du même boulevard. Le quartier Maison-Blanche n'en comptait aucune.
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La rue du Tibre, dans le quartier Maison-Blanche, a été ouverte sur l'emplacement d'une voirie d'équarrissage, elle a porté le nom de rue de la Fosse-aux-Chevaux, puis du Tibre, à cause de la Bièvre autour de laquelle ont été groupés des noms de fleuves.
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Dans son numéro du 19 mars 1872, le Petit Journal signalait à ses lecteurs la vaillante conduite d'une jeune fille-de douze ans, l'aînée de six enfants, dont la mère, demeurant rue Buot, 17, quartier de la Butte aux Cailles (13° arrondissement) était malade à ce moment.
Levée à trois heures du matin, elle allait travailler dehors et gagnait 1 fr. 50 c., pour nourrir toute la famille ; en rentrant de son ouvrage, elle soignait ses frères et sœurs comme l’aurait fait la meilleure des mères.
Le passage Ricaud est immédiatement sous la droite après le marchand de vins.