Le crime de la rue des Cordelières
Le Gaulois — 28 décembre 1879
La rue des Cordelières se trouve dans le treizième arrondissement, près du boulevard Arago, dans un quartier qui, la nuit, est peu éclairé, insuffisamment surveillé, et où les habitations sont assez clairsemées, entre de grands établissements de tannerie et de peausserie.
Hier, à une heure et demie du matin, plusieurs ouvriers arrosaient la paye du samedi dans la boutique du sieur Baton, marchand de vins, au numéro 30 de cette rue. Le patron, voyant l’heure réglementaire de la fermeture approcher, invita les buveurs à vouloir bien gagner la porte. Les clients, un peu émus, déférèrent cependant à cette invitation et s’en furent au grand air.
Mais dix minutes plus tard, l’un d’eux, un mégissier, nommé Affre, rentra chez le marchand de vins, et se répandit en un torrent d’injures contre Mme Baton ; malgré l’indignation légitime du mari, Affre n’entendait pas cesser ses invectives; il tira un couteau de sa poche et s’élança en fureur sur le sieur Baton, en lui portant un coup de couteau au cœur. Le malheureux patron tomba raide mort.
Affre, quittant aussitôt ses galoches, prit la fuite, poursuivi par M. Lemierre, fabricant de chaussures, rue de Rennes, que le hasard avait rendu témoin du meurtre. L’assassin se dirigeait au pas de course vers la Glacière, il fut perdu de vue au tournant de la rue Corvisart.
M. Moller, commissaire de police du quartier de la Maison-Blanche, fut prévenu immédiatement. Il se rendit tout de suite au domicile d’Affre, 111, avenue d’Italie, où il n’eût qu’à mettre la main sur le criminel, qui était tranquillement couché dans son lit.
Affre a été dans la soirée écroué à Mazas.