[…]
Un fiacre la conduisit rue Ribéra et elle se coucha aussitôt pour mieux réfléchir
au parti qu’elle tirerait de son voyage au Vésinet.
VI
Il existe à Paris, dans les quartiers perdus, des rues mornes et désertes
qu'on traverse avec un sentiment de stupeur.
On se demande si l’on n'est pas dans le fin fond de la province.
Des maisons blanches à volets verts, des jardinets, des vergers, des chiens
étendus sur le pas des portes, parfois une silhouette pâlotte de petite vieille
allant potiner chez les voisins.
Aucun bruit, pas même le roulement du tramway. On n'y voit ni un boucher,
ni un boulanger, ni même un marchand de journaux. On se croirait à deux cents
lieues de Paris.
On trouve de ces rues du côté de Bagnolet, sur les coteaux, ou encore vers
Picpus.
Il en existe bien davantage au treizième arrondissement, le plus énorme des
quartiers de Paris.
Il y a là des artères de deux cents numéros, se déroulant durant trois kilomètres
et dont un boulevardier de soixante ans n'a jamais connu le nom, la rue Château-des-Rentiers,
par exemple.
À moins d'avoir l’âme d'un poète ou de préparer une exploitation, on ne va
jamais dans l'immense quadrilatère formé par les fortifs, la rue de Tolbiac
et aboutissant au Parc de Montsouris.
À peine si l'on connaît la place Jeanne-d'Arc ou la cité Dorée, célèbre par
les mauvaises conditions de l'existence de ses habitants, tous chiffonniers,
ou encore la gare de ceinture longeant le boulevard Masséna.
Ce fut vers ce quartier, dont elle pensait ne jamais apercevoir un pavé,
qu'Ursule Roquesne se rendit le lendemain de son voyage au Vésinet.
Elle avait pris une adresse sur un petit carnet et consulté longuement un
plan de la capitale.
De sorte qu'elle put donner des ordres au cocher de la voiture, descendre
assez loin du but de son excursion pour ne pas éveiller de soupçons et ne pas
risquer de se perdre.
À dix heures du matin, elle frappa à la porte d'un petit jardinet qui entourait
une petite maison de la rue du Dessous-des-Berges, ruelle assez proprette de
la partie du treizième, qui touche aux fortifications.
La maison où s'adressait la jolie femme était enfoncée dans un talus et en
retrait de la rue, formée elle-même de recoins, d'anciennes fermes ignorant
l'art de l'alignement.
Assez gentille, la maisonnette, avec son petit perron blanc, ses corbeilles
de fleurs, ses volets gris perle ouverts au grand soleil, montrant des rideaux
de guipure d’une allure bourgeoise assez rare dans le quartier.
Une femme vint ouvrir, regarda un moment, avec méfiance, sous son lorgnon
d'or, puis, reconnaissant sa visiteuse, eut un geste de bon accueil.
— Vous! madame, quel honneur ! Soyez la bienvenue ! Vous êtes
trop aimable de songer à moi ! Donnez-vous la peine d'entrer !
Il ouvrit la porte et Ursule entra pour lui serrer gentiment la main.
— Il n'arrive rien de mal à Hector ?
— Si ! Prison ! Arrêtez… Entrons chez vous !
L'intérieur de la villa était de beaucoup plus soigné que le dehors. Évidemment
les propriétaires du logis cachaient dans ce recoin enfoui sous les murailles
de sable, des secrets ou des soucis.
Car ils appartenaient à un monde riche, à un milieu aristocratique. Cela
se lisait sur les traits délicats et fins du jeune homme, dans son accueil de
grand seigneur ; cela se voyait surtout chez la jeune femme blonde et délicate
qui se présenta pour saluer sa visiteuse.
C'était la femme du maître de la maison elle portait une robe grise à ceinture
blanche, sur un jupon de soie mauve. Les cheveux se déroulaient en torsades
superbes sur des épaules un peu maigres de jeune femme maladive, étouffée par
la tristesse de ce coin perdu, écrasée par une existence anormale, en dehors
des conditions ordinaires.
Ce jeune homme était, en effet, très riche, très intelligent, très bon. Et
pourtant, il connaissait beaucoup Hector Desgraves, il avait fréquenté, avec
lui, le milieu anarchiste.
C'était un anarchiste.
Il existe des jeunes gens instruits et fortunés qui vouent leur existence
à l'application d'une utopie extravagante.
Une visite dans les hôpitaux suffirait à leur montrer ce qu'est cette race
humaine quils veulent faire triomphante par l'égalité ; la seule inspection
des passants d'une rue fréquentée leur prouverait la différence inouïe existant
entre les hommes dont ils rêvent de niveler la tête et qui sont tous dissemblables,
séparés par des mondes.
Ce jeune homme était un apologiste de la propagande par le fait.
Persuadé qu'il fallait tout détruire pour mieux bâtir, que l'organisation
actuelle de la société ne permettait pas l'espoir de l'égalité et qu'effrayer
le bourgeois était la seule façon de les intéresser au progrès, réel, il s'était
trouvé aux crimes les plus extravagants, toujours prêt à terroriser le pays,
semant la haine comme le paysan le blé, à pleines mains, enragé à la lutte,
effrayant, terrifiant.
D'aspect doux et poli, et simple, et charriant, serviable et bon avec les
humbles, se refusant les joies qu'eût autorisées sa belle fortune, il travaillait
là, en compagnie de sa femme, hypnotisée par lui, à des brochures anarchistes,
correspondant des groupes allemand et italien, enfoncé jusqu'aux genoux, dans
ce sang d'où germerait, pensait-il, un avenir radieux.
— Donnez-vous la peine de vous asseoir ! madame. Comment ! Hector
est pris !
Ce jour-là, 3 octobre 1886, le train express de Bordeaux — deuxièmes et troisièmes classes — avait eu plus d'une heure de retard et le service de l'arrivée s'en ressentait...
Un plus érudit découvrira l'origine de ce nom singulier, la rue des Cinq-Diamants. L'étude consciencieuse qui a été faite pour le vieux Paris tentera quelque explorateur des anciennes banlieues annexées : et quel champ plus vaste sera offert à sa curiosité que l'étrange et hideux quartier de la Butte-aux-Cailles ?
Très peu de Parisiens, assurément, connaissent la « Butte-aux-Cailles ». C'est très loin, très loin, passé la place d'Italie, au diable dans ces régions où l'on ne va pas...
De la place d'Italie à la Bièvre via l'avenue de la soeur Rosalie et la ruelle des Reculettes
Dans ce roman paru en feuilleton dans Le Matin, Georges Spitzmuller et Armand Le Gay emmènent leur lecteur sur la piste de M. Ducroc, chef de la sûreté, pour qui le XIIIe arrondissement n'avait pas de secret.
Un homme s'arrêta sur la route, près de Gentilly. Il considéra le paysage misérable et puissant, les fumées vénéneuses, l'occident frais et jeune comme aux temps de la Gaule celtique. Si l'auteur nomme une poterne des Tilleuils, c'est bien de la poterne des Peupliers dont s'agit.
Un des coins de Paris, misérable et sinistre. La longée des fortifications plantées d'arbres en double ou triple rangée, le côtoie pourtant de verdures plaisantes durant la belle saison, mais, en réalité, sépare pour ainsi dire cette région parisienne du reste du monde. Du haut de la rue des Peupliers...
C'est là un quartier étrange, inconnu, à peine soupçonné de la part des Parisiens... Où Emile Gaboriau fait découvrir le quartier Croulebarbe à ses lecteurs.
La cité Jeanne-d'Arc est ce vaste ensemble de bâtiments noirs, sordides et lugubres percés comme une caserne de mille fenêtres et dont les hautes façades s’allongent rue Jeanne-d'Arc, devant la raffinerie Say.
L'homme suivit d'abord la rue de Tolbiac, puis s'engagea par ces voies ténébreuses, bordées de planches, de lattes et de pieux, qui montent vers la Butte-aux-Cailles. Les oiseaux des réverbères dansaient dans leurs cages de verre. On apercevait des terrains fauves, des chaînes de bosselures, des rampes de lueurs, des phares dans un trou du ciel, et, du côté de la Butte, un nuage de feu pâle évaporé sur Paris...
L'administration vient de faire déposer à la mairie 13e arrondissement le plan parcellaire des propriétés dont la cession est nécessaire en tout ou en partie pour exécuter : 1° L'élargissement à 40 mètres de la rue Mouffetard, entre le boulevard Saint-Marcel et les boulevards d'Italie et de l'Hôpital ; 2° La transformation de la place d'Italie, entre la rue Mouffetard et les boulevards de la Gare et d'Italie ; 3° L'ouverture, entre cette place et la Gentilly, d'un boulevard de 34 mètres de largeur, donnant à l'ouest le pendant du boulevard de l'Hôpital.
(1867)
Mardi, vers trois heures du soir, au coin de la rue Damesme et de la rue Bourgon, le terrassier Fleurât qui, avec ses camarades, creusait la terre, pour l'aménagement d'un fournil, découvrait à moins d'un mètre du sol et quinze métrés environ de la rue, une caisse en bois tout à fait vermoulu, de 1 mètre 50 de large et 2 mètres de long.
Paris nous réserve toutes les surprises, et ses historiens, malgré leurs patientes recherches, n'arrivent que difficilement à nous signaler les faits bizarres, les trouvailles imprévues que les faits-divers nous révèlent chaque jour et par hasard. On vient de découvrir qu'en plein cœur de la capitale il existe une maison habitée par une cinquantaine de locataires depuis plus de vingt ans et que cet immeuble n'a ni propriétaire ni concierge.
(1896)
Au numéro 23 de l'avenue d'Italie, dans une petite boutique, un vieillard de soixante-trois ans avait installé, il y a quelque temps, un atelier de réparations de bicyclettes. Une jeune fille de vingt-six ans, nommée Lucie Carronneille, qu'il faisait passer pour sa fille, demeurait avec lui.
Tout au bout de l'avenue d'Ivry, près des fortifications, se trouve une impasse dont l'accès est si étroit, qu'aucun véhicule n'y peut pénétrer sans raser et détériorer les murailles des maisons qui la bordent ; c'est le passage d'Ivry. Tout au fond de ce passage se dresse une maison branlante, dont l'histoire est bien extraordinaire. (1904)
Un drame sanglant s'est déroulé hier, vers cinq heures, au numéro 13, de la rue Coypel. A cette adresse habite un ex-brigadier de gardiens de la paix , âgé de soixante-quatre ans, qui maria sa fille, il y a quelques années, à un marchand ambulant..
Par quoi le fait de n'avoir ni propriétaire, ni concierge, ni loyer à payer ne constitue pourtant pas le bonheur. M. Navarre a entretenu hier le conseil municipal d'une maison de son quartier qui n'a ni propriétaire, ni concierge, mais qui n'est pas sans locataires, ou plutôt sans habitants. (1907)
Elle pourrait bien être en passe de gagner le titre de nouvelle Butte sacrée, cette Butte-aux-Cailles, au nom plein de charme évocateur, qu'on songe à la splendeur cynégétique ou à la petite amie souriante, chantante et potelée. (1927)
Marius Lafontaine, un robuste ouvrier emballeur de trente-deux ans, et Juliette Berthier, vingt-quatre ans, teinturière, s'étaient épousés il y a six ans. Ils pensaient avoir trouvé le bonheur. Hélas ! la désillusion vint vite., Quinze jours à peine y suffirent.