Littérature

 La criminelle J. Larmina 1

La criminelle

par Jules Lermina

I

« Chère madame (remarquez que je ne dis pas chère Pauline, pour respecter les convenances), le repentir est une belle chose, quoiqu'en certains cas il confine à l'ingratitude. Moi qui suis reconnaissant, je n'entends ni me repentir ni surtout oublier. Je ne suis pas de ces gens qu'on met hors de sa mémoire comme un laquais hors d'une maison. Donc sachez ceci. Vous n'avez pas répondu à mes premières lettres, méconnaissant en cela les règles de la plus élémentaire politesse. « Celle-ci est la dernière. Lisez-la donc avec soin. » Je vous attendrai aujourd'hui, de trois à six heures, dans la maison dont l'adresse est ci-jointe. Il vous suffira de monter au second étage et de frapper à la porte de droite. A six heures et demie, si je ne vous ai pas vue, je me résignerai à regret à envoyer à qui vous savez ce que vous savez. Pas d'exclamations désespérées ! pas de bras en l'air ! Méditez sur le proverbe : — La faim chasse le loup hors du bois. — J'attendrai, et dans votre intérêt, dans celui de… et de… je vous engagé à tenir compte de cet avis… qui, je le répète, sera le dernier. »

Madame Dolé, seule dans sa chambre, affaissée sur une chaise, les bras pendants, lisait cette lettre.

C'était une petite femme, mince, d'apparence maladive. Bien qu'elle n'eût que trente ans, ses cheveux blonds, simplement relevés sur son front haut et blanc, avaient déjà cette teinte d'acier bruni que mettent aux bandeaux dorés les premiers fils gris. De ses yeux presque clos et dont les paupières tremblotaient, coulaient de grosses larmes, qui venaient se perdre dans le pli précoce, creusé à la commissure des lèvres.

Elle restait ainsi, abattue, écrasée, sans un mouvement, ne songeant pas même à relire cette lettre, dont chaque mot avait, d'un seul coup, marqué son cœur comme un fer chaud.

Avait-elle besoin de mieux comprendre ?

N'était-ce point la conclusion fatale qu'elle redoutait depuis le premier jour, où après cinq années, elle avait reconnu, sur une lettre mystérieusement déposée chez elle, cette écriture aux formes dures, presque aiguës, qu'elle n'avait pas oubliée, quoi qu'elle tentât pour arracher de son âme les lancinantes angoisses du souvenir.

Il y avait cinq ans, — cinq ans ! — que madame Dolé, en une heure d'égarement, avait cédé aux obsessions d'un homme qu'en ce temps-là son mari avait accueilli comme un ami.

La rupture avait été prompte. Mais ces liens si brisés qu'ils paraissent, laissent toujours entre deux êtres la trace d'une invisible soudure, une attraction fatale contre laquelle nulle force ne prévaut.

Dolé était sorti dès le matin. Pauline pouvait sans crainte obéir à cette sommation.

Devait-elle d'ailleurs la dédaigner ? Elle connaissait l'homme, elle savait ce qu'il y avait en lui de ténacité violente, de volonté méchante. Elle eût voulu se persuader que ces menaces seraient vaines. Elle n'y pouvait parvenir. Il fallait obéir.

Après tout que pouvait-il vouloir ?

Une pensée traversa son cerveau, et elle pâlit tandis que toute sa chair frissonnait d'une crispation de répulsion et de honte.

Elle se leva brusquement, alla à la psyché encadrée d'acajou qui se dressait auprès de la fenêtre, et là, debout, le cou tendu, s'interrogeant tout entière, elle releva de ses doigts longs et amaigris les cheveux blanchissants qui cachaient ses tempes.

Elle eut un sourire à la fois triste et consolé. Elle se sentait sauvée.

Ce n'était pas la femme qu'il voulait.

Mais toujours cette question : de quelles exigences s'agissait-il donc ? Elle reprit la lettre et l'ouvrant, regarda le carré de papier qui y était joint. C'était l'adresse annoncée : rue des Cinq-Diamants, n° 9.

Quelle était cette rue ? Dans quel quartier était-elle située ? Encore une fois, des pensées de terreur tentèrent de se faire jour dans son cerveau.

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Jules Lermina (1839-1915)

Jules Lermina, né le 27 mars 1839 à Paris et mort le 23 juin 1915 à Paris, fut un romancier et journaliste. Il contribua à la création et au fonctionnement de la Bibliothèque populaire des Amis de l’Instruction du Treizième arrondissement qui était installée dans la Cité des Gobelins.
Lermina avait théorisé, dès 1861, un vaste projet de bibliothèques de quartier : <br>"Notre Bibliothèque contiendra tous les livres d'un usage journalier, toutes les œuvres qui peuvent être d'un secours réel au travailleur consciencieux : c'est dira qu'elle réunira, autant du moins que ses ressources le lui permettront : Les littératures française et étrangère, moderne et ancienne ; l'histoire ; la morale et la philosophie ; l'économie sociale et politique ; les sciences abstraites ; la linguistique.
Parmi les publications modernes, elle rejettera les romans, et autres œuvres d'humour (autrement dit de blague)".

Madame Sept-Quatre (1873, sous le nom de William COBB)

Les loups de Paris (1876)

La Criminelle (1881)

Le 13e en littérature

La Butte-aux-Cailles

Coeur d'enfant

par
Charles de Vitis

— Voyons d’abord du côté de la Butte-aux-Cailles, pour tâcher de trouver un logement.
Jacques connaissait l’endroit pour y être venu avec Fifine, une fois ou deux, du temps qu’il vivait chez ses parents.
C’était un quartier misérable situé à proximité de la place et du boulevard d’Italie ; on y arrivait par la rue du Moulin-des-Prés.

(1899)

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La cité Doré

Coeur d'enfant

par
Charles de Vitis

À la hauteur de la place Pinel et de l’abattoir, entre le boulevard de la Gare et le boulevard de l’Hôpital, s'étend un vaste terrain qui est loué par bail à divers locataires. Le type même de la saleté et de la misère imprévoyante se trouve dans le rassemblement de masures, coupé de ruelles en zigzag et qu’un hasard ironique fait appeler cité Doré. Les cours des miracles devaient être ainsi.

(1899)

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Rue du Banquier

Madame Gil-Blas

par
Paul Féval

Le fiacre tournait court l'angle de la rue du Banquier.
Cela s'appelle une rue, mais c'est en réalité une manière de chemin pratiqué entre des murs de jardins. Il n'y a pas une âme en plein jour.

(1856)

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Barrière des Deux-Moulins

Les Chifffonniers de Paris

par
Turpin de Sansay

En suivant les rues Saint-Victor, du Marché-aux-Chevaux et de Campo-Formio, on arrivait à la barrière des Deux-Moulins, située de l'autre côté du boulevard extérieur.

(1861)

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Barrière des Deux-Moulins

Causerie d'un camarade

par
Jean Loyseau

Allez un dimanche, ou , même , un lundi soir , du côté de l'ancienne barrière des Deux-Moulins : regardez, respirez et écoutez, si vous en êtes capables , tout ce qui frappe à la porte de vos cinq sens : votre odorat percevra je ne sais quelle odeur nauséabonde et méphitique, dans laquelle se mêlent indistinctement la fumée de tabac ; les exhalaisons du cabaret, qui forment , à elles seules, tout un arsenal d'infection...

(1862)

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La Butte aux-Cailles

Les Loups de Paris

par
Jules Lermina

Il est sur la rive gauche de la Seine, au-delà de la rue Mouffetard et de la Montagne-Sainte-Geneviève, un lieu étrange, sauvage...

(1877)

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En remontant le boulevard de l'Hôpital

La petite Miette

par
Eugène Bonhoure

Ce jour-là, 3 octobre 1886, le train express de Bordeaux — deuxièmes et troisièmes classes — avait eu plus d'une heure de retard et le service de l'arrivée s'en ressentait...

(1889)

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Saviez-vous que... ?

La rue du Tibre, dans le quartier Maison-Blanche, a été ouverte sur l'emplacement d'une voirie d'équarrissage, elle a porté le nom de rue de la Fosse-aux-Chevaux, puis du Tibre, à cause de la Bièvre autour de laquelle ont été groupés des noms de fleuves.

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Le Rassemblement National Populaire, parti fasciste créé par Marcel Déat en 1941 avait son siège dans une boutique du 14 boulevard Auguste Blanqui. Ce local servait aussi de siège à la Légion des Volontaires contre le communisme.

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Le 26 avril 1939 une distribution de sacs de sable était organisée dans le quartier Croulebarbe par la préfecture de la Seine.

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Eugène Oudiné, sculpteur et graveur en médailles, membre; de l'Académie des beaux-arts de Bruxelles, né le 1er janvier 1810, est décédé en avril 1887. Son nom était populaire car on pouvait lire sa signature sur toutes les pièces de monnaie frappées depuis 1870. Prix de Rome en 1851, il avait été élève de Gallé, de Petitot et d'lngres. Vers 1844, il fut attaché au Timbre et à la Monnaie. Ce qu'on connaît le plus de lui, ce sont les effigies des pièces de cent sous. Oudiné a pourtant exécuté bon nombre de statues.
La ville de Paris l'honora en 1934 en donnant son nom à la rue Watt prolongée.

L'image du jour

Place Pinel