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UNE ÉVOCATION DU
13e ARRONDISSEMENT DE 1860 AUX ANNÉES 30
Littérature
TROISIEME PARTIE
La revanche de Furet
[...] En arrivant, au coin de la rue Jenner, il aperçut le vieux Poil-aux-Pattes qui accourait en gesticulant.
— Patron! patron! courez vite là-bas. On vous réclame. Il y a un malheur.
— Un malheur ! s'écria Furet.
— Oui, patron... La petite a disparu.
VI
Furet sur la piste
Furet partit tout courant. Il trouva Mme Reynaud folle de douleur et de colère. Elle parlait de s'adresser à la justice, de porter plainte. Puis, elle voulait courir chez Valdonnier. Si ce n'avait été son extrême faiblesse, elle y serait allée sur le champ.
— Attendons Furet, lui disaient Julie et la mère Fricotte. Quand Furet sera là, nous verrons que faire.
Le premier cri de Furet, en arrivant, fut :
— C'est ce bandit qui nous l'a reprise.
— Mais nous la lui reprendrons ! s'écria Marie. C'est ma fille, à présent et personne ne peut me la refuser.
— Sans doute, dit Furet. Mais il faut d'abord savoir où elle est. Comment a-t-elle disparu ? Quelqu'un a-t-il vu ce brigand… ou sa femelle ?
— Non, personne. La petite était allée chez le pharmacien porter l'ordonnance du docteur. Et elle n'est pas revenue. Alors, je suis allé voir. Le pharmacien m'a répondu qu'elle avait attendu un bon moment que la chose fût prête, mais qu'elle était partie déjà depuis une heure au moins. Et depuis personne ne l'a vue.
— Où demeure le pharmacien? demanda Furet.
— Au coin de la rue Corvisart et de la rue Croulebarbe.
— Est-ce qu'il y a deux chemins pour y aller ?
— Oui, peut-être. on peut passer par le boulevard. Mais, c'est plus long. Elle a pris par la rue des Reculettes. C'est toujours par-là que nous passions quand nous y allions ensemble.
— Attendez-moi cinq minutes dit Furet, je vais voir.
Il revint au bout d'une demi-heure, un petit paquet à la main.
— C'est clair comme le jour, fit-il. Elle a été enlevée au détour de la rue des Reculettes.
— Comment le savez-vous ?
— Oh ! ça n'est pas bien malin. Ce méchant boyau de rue en zig-zag n'est pas balayé tous les jours, et il n'y passe jamais personne, ce n'est pas pavé, de sorte que les voitures et même les piétons y laissent leur trace. Je viens d'examiner la rue. Personne n'y est passé depuis l'affaire. Eh! bien, il est sûr que depuis plusieurs jours on vous guettait.
— On nous guettait ? Mais comment pouvez-vous le savoir ?
— Miette a été enlevée dans la rue et ceux qui l'ont enlevée, car ils étaient deux, un homme et une femme, ont stationné là longtemps et ils y sont venus plusieurs fois.
— Un homme et une femme ? M. Valdonnier et Sarah.
— Non, ce ne sont pas eux. Mais laissez-moi vous conter ce que j'ai vu, et vous comprendrez.
Au coin de la rue des Reculettes et de la rue de Gentilly, tout près du mur, il y a un endroit battu, où certainement on a monté la garde longtemps. Et c'est une femme, qui guettait. Cette femme, de temps en temps, probablement quand il venait quelqu'un, passait derrière le mur, dans le terrain vague qui est avant d'arriver au bout de la rue. Il y avait un homme, là, un homme qui fumait la cigarette, car il y en a des douzaines de bouts par terre. Et des cigarettes drôlement faites encore. Preuve qu'on a guetté longtemps. Et il y en a qui ont été mouillée par la pluie. Preuve qu'on guettait depuis au moins avant-hier, puisque c'est hier dans la nuit qu'il a plu.
L'homme est resté longtemps assis sur une grosse pierre et il s'ennuyait ferme. Il a creusé la terre avec son talon, à petits coups. Ça veut dire qu'on trouve le temps long à ce travail-là. D'ailleurs, il y a de la cendre de tabac, des allumettes et des bouts de cigarettes tout plein autour de ce caillou. L'homme est chaussé de souliers à clous et il a des guêtres. À chaque coup de talon, ses guêtres se marquaient dans la terre qui se soulevait et se tassait derrière son pied.
Il était là avant que Miette passât dans la rue. On voit ses pas qui viennent du côté de la rue Croulebarbe et, près du mur, Miette qui courait, a marché dessus. Elle courait puisque son talon est à peine marqué, et elle appuyait sur les pointes. Après que Miette a été passée, l'homme est parti, marchant très vite. La femme a dû suivre Miette. Elle est allée jusqu'au bout de la rue. L'homme est allé chercher une voiture — le fiacre 2135 — et il l'a conduite au second tournant de la rue des Reculettes.
— Comment! vous savez le numéro du fiacre! Alors nous allons savoir où elle est ! s'écria Marie.
— Non, madame, non. L'homme a pris le fiacre, mais il n'a pas pris le cocher. Il a simplement emprunté la voiture pendant que le cocher déjeunait. J'ai su ça par le marchand de vin de la rue Croulebarbe. La voiture est restée là un bon moment. Le cheval a piétiné et l'homme a fait deux cigarettes. La femme montait la garde au coin de la rue Croulebarbe. Quand Miette est passée, en revenant, on a dû la prendre par surprise, parce qu'elle a traversé la rue pour aller jusqu'à côté de la voiture. Ses pas sont marqués dans la boue, au milieu de la rue. Et quand on l'a attrapée, elle a dû se débattre, car voilà le paquet du pharmacien qui a été jeté à quelques pas derrière la voiture.
— Elle a pu le jeter de dedans la voiture, voiture, qu'elle marchait.
— Non. La voiture est partie du côté de la rue Croulebarbe et le paquet se trouvait du côté de la rue de Gentilly. Et la voiture s'en est allée grand train. Elle a tourné dans la rue Croulebarbe et gagné le boulevard. Et là on ne voit plus rien.
— Mais comment êtes-vous sûr que ce n'est pas M. Valdonnier et Sarah ?
— M. Valdonnier fume le cigare ou la pipe et la Sarah n'a pas des pieds comme ceux de la femme, des pieds tout petits, chaussés d'escarpins sans talons. Et la femme est plus petite que Sarah.
— Ah! par exemple ! fit la Fricotte. Alors, on l'a vue !
— Non, personne n'a vu ni l'homme ni la femme.
— Alors comment pouvez-vous dire si elle est petite ou grande ?
— Pendant que la femme guettait au coin de la rue de Gentilly — et elle a dû y guetter longtemps, pendant plusieurs jours elle s'appuyait contre le mur. Il y a de la mousse et de petites plantes, plein la muraille. Elle les a froissées, et elle a arraché la mousse avec ses doigts à l'endroit où elle a appuyé la main. L'endroit où son épaule a froissé les plantes est de quatre doigts plus bas que l'endroit où vient la mienne, même en me courbant, comme on fait quand on guette. La femme est donc plus petite que moi et comme Sarah est plus grande, ce n'est pas elle. D'ailleurs Sarah n'a pas ce pied là.
— Mais qui cela peut-il être. Qui donc a intérêt à enlever ma fille, si ce n'est M. Valdonnier.
— Ça, c'est autre chose. Que ce soit cette canaille qui ait fait faire le coup, c'est possible, c'est même probable quoique… peut-être… Mais ça c'est une chose que nous saurons quand nous voudrons. Il n'y a qu'à aller trouver M. Valdonnier.
— J'y allais, dit Marie.
— Ah! voilà… faut réfléchir un brin. Vous comprenez bien que s'il n'est pas venu la réclamer ouvertement, carrément, c'est qu'il se doute bien que vous avez fait ce qu'il faut pour ne pas la lui donner. S'il nous l'a fait voler, c'est qu'il savait bien que vous pouviez la lui refuser. Alors, naturellement, il a fait le coup en cachette. Il vous dira qu'il n'en sait rien. Il est capable de vous reprocher de l'avoir laissé enlever. Que sait-on ce dont ce gredin-là est capable. Et, sans vous faire tort, madame, vous n'êtes pas de force avec un filou comme celui-là. Il vous roulerait que vous n'y verriez rien... Et pourtant. il faut y aller, car il est bien clair qu'il ne viendra pas vous trouver. Ce serait vendre la mèche. Vous comprenez. Oui… il faut y aller. Mais. si vous voulez, madame, j'irai avec vous.
— Volontiers, j'allais vous le demander. Allons vite.
Le 13e en littérature
A travers la Maison-Blanche
Les apaches de la Butte-aux-Cailles
par
Lucien Victor-Meunier
Un instant plus tard, elle était dehors dans le terrain vague qui descendait en pente rapide vers la vallée de la Bièvre...
(1907)
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La poterne des Peupliers
par
J. H. Rosny Ainé
Un homme s'arrêta sur la route, près de Gentilly. Il considéra le paysage misérable et puissant, les fumées vénéneuses, l'occident frais et jeune comme aux temps de la Gaule celtique.
Si l'auteur nomme une poterne des Tilleuils, c'est bien de la poterne des Peupliers dont s'agit.
(1910)
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Rue des Peupliers
par
Jules Mary
Un des coins de Paris, misérable et sinistre. La longée des fortifications plantées d'arbres en double ou triple rangée, le côtoie pourtant de verdures plaisantes durant la belle saison, mais, en réalité, sépare pour ainsi dire cette région parisienne du reste du monde. Du haut de la rue des Peupliers...
(1908)
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Quartier Croulebarbe
par
Émile Gaboriau
C'est là un quartier étrange, inconnu, à peine soupçonné de la part des Parisiens...
Où Emile Gaboriau fait découvrir le quartier Croulebarbe à ses lecteurs.
(1868)
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La Cité Jeanne-d'Arc
par
Auguste Brepson
La cité Jeanne-d'Arc est ce vaste ensemble de bâtiments noirs, sordides et lugubres percés comme une caserne de mille fenêtres et dont les hautes façades s’allongent rue Jeanne-d'Arc, devant la raffinerie Say.
(1928)
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Butte-aux-Cailles
par
J. H. Rosny Ainé
L'homme suivit d'abord la rue de Tolbiac, puis s'engagea par ces voies ténébreuses, bordées de planches, de lattes et de pieux, qui montent vers la Butte-aux-Cailles. Les oiseaux des réverbères dansaient dans leurs cages de verre. On apercevait des terrains fauves, des chaînes de bosselures, des rampes de lueurs, des phares dans un trou du ciel, et, du côté de la Butte, un nuage de feu pâle évaporé sur Paris...
(1910)
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Le quartier de la Gare
par
Émile Gaboriau
Le 20 février 18.., un dimanche, qui se trouvait être le dimanche gras, sur les onze heures du soir, une ronde d’agents du service de la sûreté sortait du poste de police de l’ancienne barrière d’Italie.
La mission de cette ronde était d’explorer ce vaste quartier qui s’étend de la route de Fontainebleau à la Seine, depuis les boulevards extérieurs jusqu’aux fortifications.
Ces parages déserts avaient alors la fâcheuse réputation qu’ont aujourd’hui les carrières d’Amérique.
(1869)
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Saviez-vous que... ?
Le 13 décembre 1892, M. Béchu, porteur aux Halles, demeurant rue Beaudricourt, 28, apportait, au commissariat de M. Perruche, un obus chargé, enveloppé de papier qu’il venait de découvrir, â 5 heures du matin, contre la porte d’une maison rue de Tolbiac, à l’angle du passage du Moulinet.
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La galerie de la manufacture nationale des Gobelins située sur l'avenue du même nom est l'oeuvre de l'architecte Jean Camille Formigé (1845-1926).
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Edmond Gondinet (7 mars 1828, Laurière – 19 novembre 1888, Neuilly-sur-Seine) dont une rue du 13ème arrondissement porte le nom était un auteur de théâtre qui fit jouer sur les scènes parisiennes une quarantaine de pièces.
On lui doit notamment "Le Plus Heureux des trois" en collaboration avec Eugène Labiche.
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En 1849, face à la barrière des Deux-Moulins, sur le territoire de la Commune d’Ivry, dans la rue principale qui allait devenir la rue Nationale, deux bals se faisaient concurrence : La Belle Moissonneuse au 31 (ancienne numérotation), propriété de M. Latruffe et La Belle-Jardinière exploité par M. Cudat qui fut remplacé par Le Grand Vainqueur.
Le bal de la Belle-Moissonneuse accueillit de nombreuses réunions politiques de 1848 jusqu’en 1876 et ferma ses portes peu après.