Le drame de la rue de la Colonie
Querelle de famille
Le Petit-Journal — 11 septembre 1905
Dans un des coins les moins connus de Paris, dans une rues les moins fréquentées, du quartier de la Maison-Blanche, la rue de la Colonie, habite, au n°20, un nommé Pierre Verlhiac, âgé de soixante-six ans, qui, il y a quelques mois; a marié sa fille, Louise avec un camelot nommé Théophile Henrion, dix-neuf ans. Peu après ce mariage, Verlhiac et son gendre se prirent de querelle et depuis ce moment ils vécurent en complète mésintelligence. Entre eux les scènes étaient fréquentes, souvent violentes et plusieurs fois ils faillirent en venir aux mains.

Hier soir, vers huit heures, Pierre Verlhiac était chez lui, lorsque son gendre, qui s'était fait accompagner d'un ami, un ouvrier moulurier, nommé Léon Scheffer, âgé de vingt-deux ans, frappa à la porte et se fit ouvrir. Aussitôt une dispute très violente éclata dans le logis du beau-père. Les voisins entendirent les injures qu'échangèrent les trois hommes, puis, tout à coup, plusieurs coups de revolver.
On accourut voir ce qui se passait. Théophile Henrion, la tête ensanglantée, vint tomber dans les bras des nouveaux arrivants, qui aperçurent en même temps Léon Scheffer, courbé en deux, se tenant le flanc droit. Le premier venait d'être blessé d'une balle au front, son ami avait reçu une autre balle dans le côté.
Tandis que Verlhiac continuait â brandir son revolver, les deux blessés furent conduits dans une pharmacie, rue de l'Espérance, et un voisin courut avertir M. Pelatan, commissaire de police.
Le commissaire accourut en toute hâte. Il procéda, d'abord, à l'arrestation du meurtrier, qui n'avait pas quitté son domicile. Il ordonna ensuite le transport des blessés à l'hôpital Cochin, où leur état n'a pas été jugé très grave.
Les premières déclarations faites par Verlhiac font croire que le drame a été causé par les provocations de Henrion. Dans ces conditions, M. Pelatan a remis à aujourd'hui l'envoi du meurtrier au dépôt, car Verlhiac soutient qu'il se trouvait dans le cas de légitime défense, à son domicile, quand il a tiré.
