Encore le téléphone
Le Journal — 23 avril 1904
Nouvel abonné poursuivi. — Un métier où l'on risque trop. — À l'instruction.
M. le juge Cail devra bientôt se consacrer tout entier à instruire les plaintes déposées par l'administration des Postes contre les abonnés qui ont maille à partir avec les demoiselles du téléphone.
C'est ainsi qu'hier, il a interrogé, en présence de Me Louis Schmoll, M. Belloche, fabricant de peinture, rue Campo-Formio.
M. Belloche, tout comme Mlle Sylviac, est inculpé d'outrages à des fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions. Son cas est le même : lassé de demander une communication qu'il n'obtenait pas, il aurait usé à l'égard de l'employée de formules dénuées de courtoisie. Il serait même plus coupable que Mlle Sylviac : celle-ci est prévenue seulement d'avoir proféré le mot « vachère », tandis que M. Belloche aurait employé le nom, non plus de la gardienne, mais bien de l'animal gardé. Cette épithète avait été jusqu'ici réservée — dans la bouche des malfaiteurs — aux gardiens de la paix : les demoiselles du téléphone entendent qu'on ne la leur applique pas.
Au cours de son interrogatoire, M. Belloche a protesté contre les accusations portées contre lui.
— Plusieurs personnes, a-t-il expliqué, parlaient à la fois sur la ligne. Comment l'employée peut-elle savoir que les mots malsonnants dont elle se plaint ont été prononcés par moi ? Il y a son affirmation d'un côté, ma négation de l'autre. Cela me parait constituer à l'accusation une base fragile.
Mais l'employée persiste dans ses dires et se déclare sûre de son fait. Elle a bien reconnu la voix.
Décidément, le métier d'abonné au téléphone devient impraticable. On y court trop de risques et l'on ne sait jamais si la conversation commencée à l'appareil ne s'achèvera pas dans le cabinet du juge d'instruction.
