L'image du jour
La vue est prise depuis un des clochers de l'église Saint-Anne. La première rue à droite est la rue Martin-Bernard.
UNE ÉVOCATION DU
13e ARRONDISSEMENT DE 1860 AUX ANNÉES 30
Littérature
La vague rouge
(Roman de mœurs révolutionnaires, 1910)
J. H. Rosny Ainé
C'était vers le crépuscule, en avril. Le soleil croulait sur la banlieue sinistre. Déjà rouge, il ouvrait une gueule de fournaise à la cime d'un peuplier, entre deux cheminées d'usine, hautes comme des clochers.
Un homme s'arrêta sur la route, près de Gentilly. Il considéra le paysage misérable et puissant, les fumées vénéneuses, l'occident frais et jeune comme aux temps de la Gaule celtique. Malgré les toits, les fourneaux, les cheminées, les dures fabriques, malgré les tramways, les automobiles et les locomotives, c'était, comme pour les premiers êtres, le mariage de la terre et du soleil, toute force puisée dans cet immense feu de l'espace : la forêt vierge et les grandes industries ne sont pas des choses opposées, ce sont des choses analogues.
L'homme, levant la trique qu'il tenait au poing, grommela :
— Il faut en finir avec la houille !
Une poudre crayeuse blanchissait ses bottines et grisaillait les grandes ailes de son chapeau. Il montrait des joues mates, une longue barbe fauve, des yeux qui s'allumaient et se voilaient avec brusquerie, larges, câlins, ardents et d'une sincérité extraordinaire. Sa stature était trapue, non lourde ; il avait les jambes du bon fantassin, bien jointées et flexibles ; il les gardait légèrement repliées pendant la marche, ce qui accroît l'endurance. Et c'était un mâle bien construit, aux chairs nettes, fait pour produire une postérité nombreuse.
Étonné de voir des gens courir à travers champs, il demanda à un jardinier qui allongeait des pattes de faucheux :
— Qu'est-ce qui se passe ?
— Y a un éboulement au puits de carrière qu'on fonce là-bas. Dix morts, qu'on dit.
— C'est dégoûtant ! s'exclama l'homme.
Et il suivit le jardinier. La foule grouillait, vers la droite de Gentilly, sur le champ en jachère, autour d'un hangar. La police la maintenait mollement, et parmi des amas de terre, de poteaux et de madriers, se démenaient des travailleurs dont plusieurs n'émergeaient qu'à mi- torse. L'homme se mêla au peuple et tenta de se rendre compte. Il finit par savoir que trois puisatiers étaient ensevelis et qu'on travaillait depuis une heure à les délivrer.
Mais les chances semblaient décroître à mesure qu'on déblayait.
— On va faire appeler le génie ! expliqua un carreleur au crâne tondu. Puis, y faut des machines. Car pour des hommes, y n'en manque pas, y en a trop... vu qu'y a pas de place.
Il montrait plusieurs sauveteurs que la police écartait sans rudesse. Parmi eux, un homme bancroche, à la barbe sablonneuse, vociférait :
— C'est moi, Isidore Pouraille, que je dis, le cousin de Préjelaud, qui est enterré là-dedans, victime de la rapacité capitaliste. Je peux le sauver, peut-être !...
— Vous voyez bien qu'il y a assez de monde ! Et vous n'êtes pas puisatier.
— Je suis puisatier si je veux ! Attendu que je suis terrassier et que je connais les trucs de la chose.
Pendant deux minutes, il se complut à sa colère. Les mots jaillissaient au hasard du vin blanc et des petits verres. Il s'apaisa enfin ; il déclara d'un ton lugubre :
— Vous avez sa mort sur la conscience.
La multitude affluait d'une manière sournoise et fantomale. Elle était vague, chaotique, cancanière, barrée de reflux, émue par saccades, parfois révoltée. Le crépuscule pesait sur elle et l'empêchait de se créer une âme collective. Elle se disloquait continuellement. Il ne s'y faisait pas cette combinaison de vies qui, dans les assemblées cohérentes, dégage de l'énergie tout comme les réactions chimiques. Des gens hâtifs s'aggloméraient une minute à la masse et s'en détachaient ; les femmes formaient des îlots de palabre, les voyous se glissaient en files et proféraient des choses obscènes.
Cependant, la cendre rouge décroissait à l'occident. Quelques fanaux allumés autour du puits excitèrent le peuple. Les yeux s'hypnotisaient sur des scènes confuses : le drame, la mort, la fable firent fermenter les âmes. Puis, l'apéritif et le fricot l'emportèrent. Des pelotons se désagrégeaient dans les pénombres, vers Gentilly, vers les fortifications ou le long de sentes équivoques.
L'homme se trouva, avec un groupe d'ouvriers, à la poterne des Tilleuls. Isidore Pouraille y répandait une odeur de terre et de distillerie ; il pérorait d'une façon obscure et rude. Il voulait une sanction immédiate, il réclamait des dommages-intérêts, de la prison, l'intervention du gouvernement et la grève des terrassiers. On passa par la rue Brillat-Savarin.
Par-dessus la longue muraille qui défend le chemin de fer, surgissent des baraques de bois, des édifices de poutres et des pyramides de houille. En face, un enclos d'arbres torses et, parmi des rocs, une usine, des maisons, des cahutes, une cheminée sinistre. Sur les crêtes, d'autres maisons et d'autres cahutes, des îlots d'arbustes, des herbes fauves, des fleurs trempées de suie : tel un coin de nature plaintive et opiniâtre au bord d'une mine ou d'un charbonnage. Puis, encore des rocs déchiquetés comme une falaise, dominés par de calamiteuses cabanes, puis des maisons de l'époque des chourineurs, des arbres qui ont l'air de jaillir des moellons ou de la brique, des portes basses sur des corridors où luit un lumignon de coupe-gorge, des boutiques de Balzac, recuites, vagues, caverneuses, des façades crevées, des terrasses prêtes à choir avec leurs balustrades de rouille, des porches où gisent d'absurdes et troublantes marchandises...
— Allons prendre un verre, proposa Pouraille.
Tous entrèrent aux Enfants de la Rochelle, cabaret surbaissé et suant, où l'on pouvait entasser cinquante hommes ; des tables se rouillaient à la terrasse. Autour s'étendait une terre frénétique, une terre humaine et brutale, des masures pourries, des usines, des fabriques, des chantiers, des maisons de rapport dressées dans la solitude, des cultures spectrales, des terrains vagues — foresticules vierges, mélancoliques savanes, dépotoirs d'immondices, à perte de vue. Dans l'ombre étoilée de réverbères, le site était passionnant, énergique et crapuleux.
L'homme y jeta un long regard et se frotta les paumes :
— Il y a de la marge pour les rôdeurs !
Les absinthes, les bocks et les amers arrivèrent.
Isidore Pouraille avait saisi sa verte et la mirait de son œil de poule. Il y versa peu d'eau et en siffla la moitié d'une gorgée. Puis, irrité et joyeux, il affirma :
— Si les éboulés claquent, ça sera la faute des entrepreneurs et de personne d'autre !
— Est-ce qu'on peut savoir ? fit doucement un personnage d'aspect socratique, Jules Castaigne, dit Thomas. Je dis qu'on ne peut pas tout prévoir. La terre est rosse ; on a beau la connaître, y a toujours un moment où elle est plus forte que toutes les bricoles.
[...]
Derrière le nom de J.-H. Rosny se cachaient les frères Joseph Henri Honoré Boex (1856 - 1940) et Séraphin Justin François Boex (1859 - 1948), tous deux nés à Bruxelles. Après leur séparation en 1908, ils poursuivirent des carrières l’un sous le nom de J.-H. Rosny aîné, l’autre sous celui de J.-H. Rosny jeune. J.-H. Rosny aîné est aujourd’hui considéré comme l’un des précurseurs de la science-fiction.
Le 13e en littérature
La Butte-aux-Cailles
par
Charles de Vitis
— Voyons d’abord du côté de la Butte-aux-Cailles, pour tâcher de trouver un logement.
Jacques connaissait l’endroit pour y être venu avec Fifine, une fois ou deux, du temps qu’il vivait chez ses parents.
C’était un quartier misérable situé à proximité de la place et du boulevard d’Italie ; on y arrivait par la rue du Moulin-des-Prés.
(1899)
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L'entrée de la Bièvre dans Paris en 1859
par
Adolphe Favre
Effectivement, le lendemain de la mort du marguiller, la police retirait un cadavre de la Bièvre, au point où elle entre à Paris ; ce cadavre, c’était celui d’Armand Lambert...
(1859)
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La rue du Banquier
par
Paul Féval
Le fiacre tournait court l'angle de la rue du Banquier.
Cela s'appelle une rue, mais c'est en réalité une manière de chemin pratiqué entre des murs de jardins. Il n'y a pas une âme en plein jour.
(1856)
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La Barrière des Deux-Moulins
par
Turpin de Sansay
En suivant les rues Saint-Victor, du Marché-aux-Chevaux et de Campo-Formio, on arrivait à la barrière des Deux-Moulins, située de l'autre côté du boulevard extérieur.
(1861)
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La Barrière des Deux-Moulins
par
Jean Loyseau
Allez un dimanche, ou , même , un lundi soir , du côté de l'ancienne barrière des Deux-Moulins : regardez, respirez et écoutez, si vous en êtes capables , tout ce qui frappe à la porte de vos cinq sens : votre odorat percevra je ne sais quelle odeur nauséabonde et méphitique, dans laquelle se mêlent indistinctement la fumée de tabac ; les exhalaisons du cabaret, qui forment , à elles seules, tout un arsenal d'infection...
(1862)
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Le boulevard Saint-Marcel
par
Montfermeil
A travers Paris jusqu'à la rue Coypel...
(1900)
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La rue de la Vistule
par
Paul Samy
Huit heures du soir sonnaient à l’horloge de l’hôpital Marie-Lannelongue, située à l’angle de la rue de Tolbiac et de l’avenue d’Ivry, quand une automobile, arrivant par l’avenue d’Italie, tourna dans la rue de la Vistule et s’arrêta devant une petite grille terminant un mur, derrière lequel s’élevait une maisonnette.
(1924)
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Saviez-vous que... ?
La rue du Banquier, ancienne rue, doit son nom au banquier Patouillet qui avait déjà donné son nom au territoire compris entre la rive droite de la Bièvre et les terres de St-Marcel sur le chemin d'Ivry. (Clos Patouillet.)
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Le 21 août 1881, M. François, Jean, Félix Cantagrel (Amboise 1810 - Paris 1887) fut de nouveau élu député du 13ème arrondissement au Corps législatif. Il avait été élu une première fois en 1876.
Son nom fut donné en 1899 à la voie nouvelle reliant le carrefour Tolbiac/Patay à la rue Watt. Il y eut même une rue Cantagrel prolongée.
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La Butte-aux-Cailles culmine à plus de 60 mètres au dessus du niveau de la mer tandis que le point le plus haut du reste du quartier Maison Blanche n'est qu'à 53 mètres. Le vrai point culminant du 13e est en réalité avenue de la porte de Gentilly ou rue Vandrezanne si l'on s'en tient à l'intérieur de l'arrondissement.
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Début octobre 1868, M. J..., cantonnier, demeurant rue du Chevaleret, amenait au poste de la rue du Château-des-Rentiers un petit garçon de six ans qu'il avait trouvé couché sur la voie publique. Cet enfant déclarait qu'il demeurait avec ses parents rue de la Pointe-d'Ivry, que son père avait chassé sa mère du domicile, conjugal, qu'il était parti avec elle et qu'elle l'avait abandonné.
La vue est prise depuis un des clochers de l'église Saint-Anne. La première rue à droite est la rue Martin-Bernard.