Portrait d'un chiffonnier de la Butte-aux-Cailles
Extrait de : P.-L. Imbert, À travers Paris inconnu,
Paris, Georges Decaux, 1877, p.
121-122
Parmi cette intéressante population, je citerai le citoyen Gaillard, qui porte crânement sa hotte comme un carquois. Depuis que je le vois, et sans doute depuis sa naissance, il est littéralement aussi sale qu'un des insectes immondes qui se traînent dans les fissures d'égout. Sa blouse et son pantalon pouvaient être bleus quand il les acheta, je n'oserais me prononcer sur leur couleur primitive ; mais j'affirmerais, à la face de toute la gent chiffonnière, que la pluie seule les a lavés depuis dix ans, au moins, qu'il les promène sur les tas d'ordures du quartier Mouffetard. Sa casquette sans visière, grasse comme un succulent pot-au-feu, navigue sur une chevelure inculte, aux profondeurs mystérieuses. Son nez en queue de loulou, d'où jaillit un pinceau de poils, hume nuit et jour, sans éternuer, les parfums d’une barbe noire, à reflets roux, collée par mèches sur la lèvre et le menton, ce qui dénote un superbe dédain de la serviette. Ses petits yeux privés de cils, mais ombragés par de longs sourcils poudrés de pellicules ont l'éclat d'une luciole qui brille d'amour dans la broussaille. Je ne parlerai pas de ses mains, et cependant, au bout des doigts, Gaillard a quelque chose de plus dégoûtant que tout le reste, puisqu'il ne porte pas de chemise : ce sont les ongles. Oh ! ces ongles j'en ai eu le cauchemar pendant quinze nuits !...
Chiffons et chiffonniers dans le 13e
Les lieux
- La Cité Doré par Alexandre Privât d'Anglemont (1854)
- Le Cabaret du Pot-d’Étain (1864)
- La villa des chiffonniers (1897)
Les gens
- Chiffons et chiffonniers (1872)
- Les chiffonniers de la Butte-aux-Cailles (1875)
- Portrait d'un chiffonnier de la Butte-aux-Cailles (extrait du précédant - 1877)