Enlèvement des ordures ménagères.
Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris
22 décembre 1883
Le Préfet de la Seine,
Vu les règlements sur la police de la voirie de Paris, notamment les lettres patentes du mois de septembre 1608 ;
Vu les lois des 16-24 août 1790 et 19-22 juillet 1791 ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII et le décret du 10 octobre 1859 ;
Vu l'arrêté du Gouvernement en date du 11 septembre 1870 interdisant les dépôts d'ordures ménagères sur la voie publique, ledit arrêté renouvelé par ceux du 14 juin 1871 et du 4 juin 1875 ; Considérant que la mise en pratique des dispositions prescrites par l'arrêté susvisé du 11 septembre 1870, en ce qui concerne le dépôt et l'enlèvement des résidus de ménage, démontre qu'il y avait inconvénient à laisser chaque habitant ou locataire déposer un récipient contenant les ordures ménagères ;
Considérant que, dans ces conditions, il y a lieu d'obliger le propriétaire de chaque immeuble à mettre à la disposition de ses locataires un ou plusieurs récipients communs qui seront déposés le matin, à la première heure, à la porte de la maison pour recevoir les résidus de ménage de tous les locataires et qui seront remisés, aussitôt après le passage des tombereaux d'enlèvement ;
Considérant que le mode de chargement par un cabestan sur les voitures exige que les récipients aient des dimensions déterminées ;
Arrête :
Article premier. — Il est complètement interdit de projeter sur la voie publique, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, les résidus quelconques de ménage ou les produits de balayage provenant de l'intérieur des propriétés privées ou des établissements publics.
Art. 2. - A partir du 15 janvier 1884, le propriétaire de tout immeuble habité sera tenu de faire déposer chaque matin, soit extérieurement, sur le trottoir, le long de la façade, soit intérieurement, près de la porte d'entrée, en un point parfaitement visible et accessible, un ou plusieurs récipients communs de capacité suffisante pour contenir les résidus de ménage de tous les locataires ou habitants.
Le dépôt de ces récipients devra être effectué avant le passage du tombereau d'enlèvement des ordures ménagères, enlèvement qui doit commencer à six heures et demie du matin pour être terminé à huit heures en été (c'est-à-dire du 1er avril au 30 septembre) et commencer à sept heures pour être terminé à neuf heures en hiver (c'est-à-dire du 1er octobre au 31 mars).
Les récipients doivent être remisés à l'intérieur de l'immeuble un quart d'heure au plus après le passage du tombereau d'enlèvement.
Le concierge, s'il en existe un dans l'immeuble, sera personnellement tenu d'assurer cette double manœuvre, sans préjudice de la responsabilité civile du propriétaire.
Art. 3. — Les récipients communs, quels qu'en soient le mode de construction et la forme, devront satisfaire aux conditions suivantes : Chaque récipient aura une capacité de 40 litres au minimum, et de 120 litres au maximum. Il ne pèsera pas à vide plus de 15 kilogrammes. S'il est de forme circulaire, il n'aura pas plus de 0 m. 55 c. de diamètre ; s'il est de forme rectangulaire ou elliptique, il n'aura pas plus de 0 m. 50 c. de largeur ni de 0 m. 80 c. de longueur. En aucun cas, la hauteur ne dépassera la plus petite des deux dimensions horizontales.
Les récipients seront munis de deux anses ou poignées à leur partie supérieure. Ils devront être peints ou galvanisés et porter, sur une de leurs faces latérales, l'indication du nom de la rue et du numéro de l'immeuble en caractères apparents. Ils devront être constamment maintenus en bon état d'entretien et de propreté, tant intérieurement qu'extérieurement, de manière à ne répandre aucune mauvaise odeur à vide.
Art. 4. — Sous réserve des exceptions prévues ci-après aux art. 5 et 6, il est interdit aux habitants de verser leurs résidus de ménage ailleurs que dans les récipients communs affectés à l'immeuble. Ils ne devront effectuer ce versement que le matin avant le passage du tombereau d'enlèvement. Si le récipient commun vient à faire défaut ou se trouve accidentellement insuffisant, ils devront, soit laisser leurs récipients particuliers à la place ou auprès du récipient commun, soit attendre le passage du tombereau pour y verser directement le contenu de ces récipients particuliers.
Art. 5. — Il est interdit de verser dans les récipients communs les détritus qui font partie de l'une des deux catégories suivantes et que les particuliers sont tenus de faire enlever à leurs frais, savoir :
1° Les terres, gravois, décombres et débris de toute nature provenant de l'exécution de travaux quelconques ou de l'entretien des cours et jardins.
2° Les résidus et déchets de toute nature provenant de l'exercice de commerces ou industries quelconques.
Sont seules exceptées de cette interdiction les ordures ménagères proprement dites des établissements de consommation.
Art. 6. — Il est également interdit de verser dans les récipients communs les objets suivants dont l'Administration assure l'enlèvement, mais qui doivent être déposés dans des récipients spéciaux à côté des récipients communs, savoir :
1° Les débris de vaisselle, verre, poterie, etc., provenant des ménages.
2° Les coquilles d'huîtres.
Art. 7. — Il est interdit aux chiffonniers de vider les récipients sur la voie publique ou de faire tomber à l'extérieur une partie quelconque de leur contenu, pour y chercher ce qui peut convenir à leur industrie.
Art. 8. — Toutes les prescriptions du présent arrêté seront applicables aux immeubles situés dans des voies non classées, ou dans des cours, passages, impasses et autres espaces intérieurs ayant le caractère de propriétés privées. Dans ces différents cas, les récipients communs devront être déposés au débouché de ces voies privées ou espaces intérieurs sur la voie publique.
Art. 9. — Les contraventions aux dispositions qui précèdent seront constatées par des procès-verbaux et poursuivies conformément aux lois. Les procès-verbaux pour infractions concernant le dépôt et le remisage des récipients communs seront dressés à la fois contre le concierge et le propriétaire de l'immeuble, ou seulement contre le concierge ou le gardien, s'il s'agit d'un immeuble appartenant à l'État, au Département ou à la commune.
Art. 10. — Sont abrogés les arrêtés des 11 septembre, 14 juin 1871 et 4 juin 1875.
Art. 11. — M. le Directeur des Travaux est chargé de l'exécution du présent arrêté qui sera inséré au Recueil des actes administratifs et publié, par voie d'affiches, dans toute l'étendue de la ville de Paris.
Fait à Paris, le 24 novembre 1883.
E. POUBELLE.
Chiffons et chiffonniers dans le 13e
Territoire en marge de la capitale, le 13e accueillait d'importantes communautés de chiffonniers qui se répartissaient en plusieurs points de l'arrondissement. Ces activités commencèrent à décliner à partir des années 1880 notamment à la suite de l'arrêté du 24 novembre 1883 dit "arrêté Poubelle", entré en vigueur le 15 janvier 1884, organisant l'enlèvement des ordures ménagères et prescrivant la mise en place par les propriétaires d'immeubles de récipients ad hoc à disposition de leurs locataires.
Les lieux
- La Cité Doré par Alexandre Privât d'Anglemont (1854)
- Le Cabaret du Pot-d’Étain (1864)
- La rue Harvey (1889)
La "Cité Tolbiac"
L'expression "Cité Tolbiac" est apparue dans la presse uniquement en août 1898. L'entrée de cette cité était peut-être située dans l'impasse Sainte-Marie, voie de 35 mètres sur 4 débouchant dans la rue de Tolbiac (impasse Tolbiac avant 1877).
- Les concierges des chiffonniers (Le Petit Journal — 5 août 1898)
- La Cité Tolbiac (La Patrie — 16 août 1898)
- La cité Tolbiac (Le Figaro — 16 août 1898)
- L'Exode des « Biffins » (Gil Blas — 16 août 1898)
- Le monde de la hotte (Le Gaulois — 20 août 1898)
Les gens
- Chiffons et chiffonniers (1872)
- Les chiffonniers de la Butte-aux-Cailles (1875)
- Portrait d'un chiffonnier de la Butte-aux-Cailles (extrait du précédant - 1877)
- La villa des chiffonniers (1897)
L'arrêté Poubelle et ses conséquences
L'arrêté du préfet de la Seine organisant l'enlèvement des ordures ménagères via une règlementation des réceptacles et des heures de dépôts et de ramassage allait mettre à mal la corporations des chiffonniers. Quelques journaux s'en émurent et organisèrent des campagnes de soutien aux "chiffonniers affamés à plaisir par l'administration" selon l'expression du Gaulois qui ne faisait pas dans la modération sur cette affaire.
- Arrêté du 23 novembre 1883 dit "arrêté Poubelle" (1883)
- Les chiffonniers de Paris (Le Gaulois — 17 janvier 1884)
- Une première distribution - Ve et XIIIe arrondissement (Le Gaulois — 23 janvier 1884)
- Conseil municipal – Séance du 8 février (Le Gaulois — 9 février 1884)
- L’enlèvement des ordures ménagères (Le Gaulois — 26 février 1884)
Dans la littérature
