L'image du jour
... et face à la Raffinerie Say, le tout avant la construction de la ligne 6 du métro.
Les rails que l'on devine au premier plan, en bas à droite, sont ceux du tramway venant de la rue Jeanne-d'Arc.
UNE ÉVOCATION DU
13e ARRONDISSEMENT DE 1860 AUX ANNÉES 30
Littérature
29 juillet
Par le 48e degré 50 minutes 13 secondes de latitude Nord.
C'est la saison des pluies dans ces parages. Par une de ces inexplicables coutumes que l'on observe chez les peuplades qui se croient civilisées, on ne voit dehors que des gens vêtus de mauvais habits.
Plusieurs tiennent à la main la tige d'une sorte de champignon qui fait toiture au-dessus de leur tête et qui s'égoutte dans leur dos. La plupart, les plus misérablement habillés, n'ont pas de ces abris portatifs ; leurs hardes se collent à leurs épaules.
Je remarque un homme et une femme qui ont aux pieds des savates à travers lesquelles leurs orteils trempent dans la houe.
Et tout à l'heure j'ai vu, je vous l'assure, à travers les vitres de vingt magasins, des paletots, des manteaux, des chaussures qui ne servaient à personne.
La tente où je suis à couvert a devant elle et de chaque côté une perspective admirable. Elle est installée sur une pente adoucie qui, derrière, s'élève en une côte appelée la Butte-aux-Cailles. Elle occupe géométriquement le sommet d'un triangle obtusangle dont les doux côtés égaux sont tracés par de vastes allées vertes qui, s'il faisait du soleil au lieu de pleuvoir à verse, seraient ombreuses. La base du triangle est formée par une propriété superbe, entourée partie de murs partie de grilles, enfermant un gracieux palais grec à colonnade et à fronton.
Du point où je l'aperçois, la déclivité du sol et les arbres en quinconce du boulevard d'Italie me cachent l'ensemble ; mais je me le représente très exactement. Jadis ce lieu fut une de mes promenades préférées. Qu'on, y était libre pour rêver seul ou babiller à deux ! Tout là-bas, au-delà de ces grilles, au-delà de l'élégante habitation, on découvre Paris, ses rues enchevêtrées, ses chevauchées de toits que dominent les dômes du Val-de-Grâce et du Panthéon.
Là, à gauche, est la rue du Champ-de-l’Alouette, où la bergère d'Ivry menait paître ses chèvres.
Un soir que je racontais à ma petite amie le drame d'amour qui fit tant verser de larmes à nos grand’mères, nous faillîmes nous fâcher. J'expliquais, je tâchais d'expliquer le transport de folie qui avait fait d'Honoré Ulbach, aimable et honnête garçon de dix-neuf ans, un assassin. Je reprochais â Aimée Millot, qu'il devait épouser dans quelques jours, d'avoir repris la promesse solennellement donnée. Mon interlocutrice, m'interrompit par un :
- Ah ! bien ! Alors !...
qui coupa net mon éloquence.
Mais voici une éclaircie, l'averse se ralentit, cesse, le soleil entre les nuages vient sourire. Allons revoir de près l'édifice grec, son parterre de fleurs... Ah ! quelle horreur ! Le mur est presque effondré ; la grille est mangée de rouille, le jardin est plein d'orties ; l'habitation, délabrée, galeuse a été entaillée par un bout, pour livrer passage à une rue Edmond-Gondinet !
Et plus de panorama sur la vallée de Paris. Les maisons ont escaladé jusqu'ici. Elles empêchent maintenant de voir la ville.
Je retraverse en hâte le boulevard, je monte une rue escarpée, la rue Barrault. Ah ! à la bonne heure ! Ici, je me reconnais. Pauvres demeures, usées, dégradées, plantées de-ci, de-là, selon la fantaisie des petits rentiers qui les bâtirent il y a cinquante ans. Partout des jardinets, généralement peu soignés, où des fleurs, des salades, des poiriers poussent parmi les herbes...
Mais quoi ? Qu'est-ce que ces percées nouvelles ? Et le ravin qui était là, à droite : il est comblé par places ; ce qui en resta forma des trous au fond desquels gisent soit une, soit deux ou trois maisonnettes avec un peu de verdure autour.
Attendez... je me rappelle qu'il y avait vers la rue de la Glacière une manière de château bourgeois que masquait en partie une allée de peupliers… Disparus, les peupliers ; disparu le château bourgeois. Un carrefour de rues, Daviel, Wurtz, Vergniaud, est à la place.
Tiens ! la Bièvre ! je l'oubliais. Elle se montre ici en bas à découvert, sur une longueur de trente mètres. On dirait d'un égout, ouvert tout exprès pour une tannerie égarée là.
Quel étrange quartier que ce quartier neuf ! Pas de maisons, des longueurs de palissades qui clôturent des plaines de plâtras apportés de partout, par tombereaux. Aux encoignures des palissades, des plaques bleues : rue Boussingault, rue Bobillot, rue Guyton-de-Morveau, rue Charles-Fourier, rue Auguste-Lançon, rue Brillat-Savarin. Surprenantes rencontres ! Que peuvent se dire ces ombres s'entrecroisant dans ces nouveaux Champs-Elyséens ?
Par endroits, un fossé rompt le nivellement. C'est quelqu'un des anciens chemins que l'on n'a pas comblés encore. Telle, la rue de la Colonie qui s'en va descendant, montant, redescendant, remontant. Les toits de ses miséreuses bicoques arrivent à peu près à niveau des chaussées neuves. Telle la rue de la Fontaine-à-Mulard, où je vois un bout de Bièvre et une mégisserie dont le grenier m'avait paru être un séchoir de blanchisseuse Ce que j'avais pris pour des chemises était des peaux de chevreaux, arrachés aux mamelles de leurs mères.
On en fera des gants blancs pour des demoiselles à marier.
Le 13e en littérature
La poterne des Peupliers
par
J. H. Rosny Ainé
Un homme s'arrêta sur la route, près de Gentilly. Il considéra le paysage misérable et puissant, les fumées vénéneuses, l'occident frais et jeune comme aux temps de la Gaule celtique.
Si l'auteur nomme une poterne des Tilleuils, c'est bien de la poterne des Peupliers dont s'agit.
(1910)
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La rue des Peupliers
par
Jules Mary
Un des coins de Paris, misérable et sinistre. La longée des fortifications plantées d'arbres en double ou triple rangée, le côtoie pourtant de verdures plaisantes durant la belle saison, mais, en réalité, sépare pour ainsi dire cette région parisienne du reste du monde. Du haut de la rue des Peupliers...
(1908)
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Le quartier Croulebarbe
par
Émile Gaboriau
C'est là un quartier étrange, inconnu, à peine soupçonné de la part des Parisiens...
Où Emile Gaboriau fait découvrir le quartier Croulebarbe à ses lecteurs.
(1868)
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La Cité Jeanne-d'Arc
par
Auguste Brepson
La cité Jeanne-d'Arc est ce vaste ensemble de bâtiments noirs, sordides et lugubres percés comme une caserne de mille fenêtres et dont les hautes façades s’allongent rue Jeanne-d'Arc, devant la raffinerie Say.
(1928)
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La Butte-aux-Cailles
par
J. H. Rosny Ainé
L'homme suivit d'abord la rue de Tolbiac, puis s'engagea par ces voies ténébreuses, bordées de planches, de lattes et de pieux, qui montent vers la Butte-aux-Cailles. Les oiseaux des réverbères dansaient dans leurs cages de verre. On apercevait des terrains fauves, des chaînes de bosselures, des rampes de lueurs, des phares dans un trou du ciel, et, du côté de la Butte, un nuage de feu pâle évaporé sur Paris...
(1910)
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Le quartier de la Gare
par
Émile Gaboriau
Le 20 février 18.., un dimanche, qui se trouvait être le dimanche gras, sur les onze heures du soir, une ronde d’agents du service de la sûreté sortait du poste de police de l’ancienne barrière d’Italie.
La mission de cette ronde était d’explorer ce vaste quartier qui s’étend de la route de Fontainebleau à la Seine, depuis les boulevards extérieurs jusqu’aux fortifications.
Ces parages déserts avaient alors la fâcheuse réputation qu’ont aujourd’hui les carrières d’Amérique.
(1869)
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La Butte-aux-Cailles
par
Charles Derennes
Depuis toujours on habitait, mon père et moi, sur la Butte-aux-Cailles ; encore aujourd'hui, ce quartier-là n'est guère pareil à tous les autres. Mais si vous l'aviez vu du temps que je vous parle ! Des cahutes s'accrochaient à la butte comme des boutons au nez d'un galeux ; ça grouillait de gosses et de chiens, de poux et de puces...
(1907)
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Saviez-vous que... ?
En 1920, on pouvait trouver un avertisseur public d''incendie à l'angle des rues Watt et du Chevaleret ainsi qu'au 31 quai de la Gare.
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L'Eglise Saint-Marcel de la Salpétrière fut construite en 1856 par l'architecte Blot aux frais de l'abbé Morisot qui, en septembre 1865, la céda à la ville de Paris moyennant 275.285 francs.
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C'est le 10 juillet 1899 que le Conseil municipal de Paris décida de donner le nom d'Abel Hovelacque à la rue de Gentilly.
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Le 21 octobre 1894, le quotidien La Croix informait ses lecteurs et déplorait que le concile laïc, qu’on nomme officiellement « conseil municipal de Paris » et officieusement « Kaperdulaboule », avait débaptisé la rue Saint-François de Sales, Paris 13e, pour lui donner le nom de Daviel et, dans le même temps, changé les dénominations de la rue Sainte-Marguerite et du passage Saint-Bernard.
... et face à la Raffinerie Say, le tout avant la construction de la ligne 6 du métro.
Les rails que l'on devine au premier plan, en bas à droite, sont ceux du tramway venant de la rue Jeanne-d'Arc.