Littérature

 sans titre 1

26 juillet

Notre intrépide correspondant nous télégraphie :

À l'époque où Giuseppe Fieschi habitait le moulin Croulebarbe avec Nina Lassave, encore enfant, et sa mère, il était surveillant des travaux de voirie que la Ville faisait exécuter en cet endroit. La Bièvre était déjà salie et empuantie par les mégissiers, moins nombreux cependant qu'ils ne sont aujourd'hui.

Ici vinrent, se cachant comme font les conspirateurs, le bourrelier Morey, l'épicier Pépin. Jamais trio d'hommes plus différents ne se rencontra pour une œuvre héroïque et terrible.

Le Corse Fieschi avait été soldat. C'était un bavard exubérant, vaniteux, sans moralité, capable de tout. On l'accusa avec vraisemblance, durant le procès de 1836, d'avoir appartenu à la police secrète. Ce fut lui qui inventa et fabriqua la machine infernale — première mitrailleuse — qui faillit faucher tout à la fois le roi Louis-Philippe et ses fils.

Morey était un petit vieillard silencieux, qui avait fait les guerres de la République et de l'Empire. Il s'était joint aux insurgés en 1830 ; il était membre des sociétés secrètes qui complotaient de recommencer la Révolution, avortée en rétablissement du trône.

Pépin était un boutiquier brave homme, mais gauche, ridicule, peureux. Il était fier d'être presque l'ami d'Armand Carrel de Godefroy Cavaignac et de divers autres importants bourgeois républicains. On ne peut guère douter qu'il leur ait révélé le coup préparé pour le 28 juillet 1835, qu'ils l'y aient encouragé en lui promettant leur concours. Leur concours se borna à se tenir prêts pour s'emparer du pouvoir aussitôt que le roi serait tué. — Et quand ils surent que le roi avait échappé, ils s'empressèrent de renier, d'injurier les conjurés.

Au procès devant la Cour des Pairs, Fieschi raconta tout ce qu'il savait et chargea haineusement ses co-accusés. Cela lui valut d'être choyé, louange, caressé par les sénateurs-juges, par les belles dames entassées dans les tribunes et par toute la presse. Il fut le terrifiant criminel à la mode, le lion du jour. La petite Nina Lassave devint une héroïne romanesque ; on en publia des biographies touchantes, on lui adressa des vers.

Heureusement, Fieschi ne savait que ce que lui avait confié le circonspect Morey, c'est-à-dire à peu près rien. Morey, lui, fut muet : pas un nom ne sortit de ses lèvres.

Quant à Pépin, sur qui se porta le principal effort de l'accusation, Pépin qu'un traître avait livré et à qui le gouvernement offrait la vie sauve s'il consentait à dénoncer les républicains de marque que l'on voulait englober dans le procès, il fut jusqu'au bout, jusqu'au pied de l'échafaud, ferme et magnanime. Il ne céda pas à la rancune profonde qu'assurément il ressentait contre les messieurs qui l'avaient poussé dans la périlleuse aventure ; il paya de sa tête et ne troubla point leur sécurité.

Le moulin de Croulebarbe

Il y a en ce mois de juillet 1901, soixante-six ans que fut commis l'attentat du boulevard du Temple. Il coucha sur la chaussée dix-huit morts et vingt-et-un blessés de l'escorte du roi Louis-Philippe qui s'en allait ; cavalcadant, célébrer le cinquième anniversaire du renversement de son cousin le roi Charles X.

C'est dans ce pan de mur galeux, ruiné du moulin de Croulebarbe, qui lui-même était une ruine alors, que j'ai retrouvé ces souvenirs. Il existe encore aujourd'hui des hommes qui assistèrent à ces événements- là, Mais il n'y a plus, n'est-ce pas, de républicains arrivistes, assistant derrière un bon abri aux hardiesses des agissants, et prompts également, soit à se hisser sur le pavois, soit à se terrer dans les caves ?

La singulière manie que j'ai d'égarer mes pas en flâneries et ma pensée en des assimilations d'idées hétérogènes ! J'entre dans un cabaret dont l’enseigne est imprévue en ce lieu sinistre et désert. Il s'appelle Cabaret de la mère Grégoire. J'y trouve attablés des gens de fainéante allure. Ils causent de chiens. Ce sont des éleveurs. Ils se racontent des bons tours de leur métier ; ils discutent sur les espèces de caniches qui rapportent le plus de profit...

Et voici l'heure de la sortie des usines. Des hommes des femmes passent, pressés d'aller déjeuner. Ils sont vêtus de hardes imprégnées de l'odeur nauséabonde des mégisseries. Ils ont, eux aussi, des patrons, des maîtres qui calculent le profit qu'ils rapportent !

Je redescends la ruelle pour voir par quelle issue viennent ces travailleurs. Une porte basse, que je n'avais pas remarquée tout à l'heure, est ouverte dans un mur. Je la franchis. Et me Voilà dans une rue étroite et tortueuse dont les maisons sont des usines lépreuses. On aperçoit par les portes entrouvertes des baquets, des peaux en tas, des amoncellements d'ordures. Il s'en dégage une infection acre de produits chimiques et de choses en pourriture.

C'est ici le plein centre, le cœur pour ainsi dire de l'industrie mégissière. Sauf une ou deux fabriques dont l'extérieur est modernisé, toutes sont des masures croulantes. On appelle ce coin, enserré entre deux bras de la rivière, l'île des Singes.

Après avoir parcouru cent ou cent cinquante mètres, on débouche dans la rue des Cordelières. Cette sortie est très différente de l'entrée. Une boutique de marchand de vin, joliment ornée de fleurs et de lianes en festons, ferait croire que c'est ici la barrière d'une guinguette et qu'au-delà s'étend un jardin garni de fraîches tonnelles.

La rue des Cordelières vue du boulevard Arago

Dans la rue des Cordelières, c'est encore des mégisseries et des tanneries, mais qui ont aspect de manufactures cossues.

À quelques-unes est jointe une grande et belle maison bourgeoise, demeure du patron. Elles témoignent que l'industrie des peaux n'est pas si ruinée qu'on l'entend dire... Oui, mais les hôtels garnis, mais les vieilles bâtisses de l'alentour prouvant, d'autre part, que, pour les travailleurs du cuir, l'existence est toujours aussi dure.

Je me suis assis à une table de café, las, triste, oppressé par l'atmosphère infecte sous un ciel chargé d'orage. J'écris ces quelques notes...

— Tu écris à ta connaissance, hein vieux ? me crie un gamin effronté.

Et il se sauve en riant aux éclats.


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Le 13e en littérature

Butte-aux-Cailles

Les apaches de la Butte-aux-Cailles

par
Lucien Victor-Meunier

Très peu de Parisiens, assurément, connaissent la « Butte-aux-Cailles ». C'est très loin, très loin, passé la place d'Italie, au diable dans ces régions où l'on ne va pas...

(1907)

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Butte-aux-Cailles

Madame Sept-Quatre

par
William Cobb
(Jules Lermina)

En tournant le dos à la Seine, à la hauteur du pont des Arts, et en s'engageant en ligne droite sur la rive gauche, on laisse à droite le cimetière Montparnasse et on parvient aux anciens boulevards extérieurs. Là se trouve le boulevard d’Italie et l’ex barrière du même nom.
À deux pas, un peu sur la droite, s’étend l’un des quartiers les plus curieux et les moins connus de Paris.
C’est la butte aux Cailles.

(1873)

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De la place d'Italie à la Bièvre via l'avenue de la soeur Rosalie et la ruelle des Reculettes

Le faiseur de momies

par
Georges Spitzmuller et Armand Le Gay

Dans ce roman paru en feuilleton dans Le Matin, Georges Spitzmuller et Armand Le Gay emmènent leur lecteur sur la piste de M. Ducroc, chef de la sûreté, pour qui le XIIIe arrondissement n'avait pas de secret.

(1912)

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Rue du Dessous-des-Berges

La dame de pique

par
Jules de Gastyne

Il existe à Paris, dans les quartiers perdus, des rues mornes et désertes qu'on traverse avec un sentiment de stupeur.

(1906)

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A travers la Maison-Blanche

Les apaches de la Butte-aux-Cailles

par
Lucien Victor-Meunier

Un instant plus tard, elle était dehors dans le terrain vague qui descendait en pente rapide vers la vallée de la Bièvre...

(1907)

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La poterne des Peupliers

La vague rouge

par
J. H. Rosny Ainé

Un homme s'arrêta sur la route, près de Gentilly. Il considéra le paysage misérable et puissant, les fumées vénéneuses, l'occident frais et jeune comme aux temps de la Gaule celtique.
Si l'auteur nomme une poterne des Tilleuils, c'est bien de la poterne des Peupliers dont s'agit.

(1910)

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Rue des Peupliers

Perdues dans Paris

par
Jules Mary

Un des coins de Paris, misérable et sinistre. La longée des fortifications plantées d'arbres en double ou triple rangée, le côtoie pourtant de verdures plaisantes durant la belle saison, mais, en réalité, sépare pour ainsi dire cette région parisienne du reste du monde. Du haut de la rue des Peupliers...

(1908)

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Saviez-vous que... ?

En 1897, il y avait un magasin de porcelaine au 196 de l'avenue de Choisy dans laquelle le cheval du fiacre n°7119 entra le 26 mars…

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La retraite du 21e régiment d'infanterie coloniale qui, le 22 mars 1913, passa par les rues de Patay, Jeanne d'Arc, le boulevard de la Gare, les rues Pinel, de Campo Formio, les avenues des Gobelins et de Choisy ne donna lieu à aucun incident.

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Le Paris-Soir du 24 octobre 1932 rapportait que, rue de la Glacière, un magasin de jouets affichait sur sa porte cette pancarte : « Ici on remplace les mauvaises têtes » et commentait en écrivant : « Quel dommage que cette chirurgie miraculeuse ne puisse encore s'appliquer qu'aux belles poupées de porcelaine rose ! »

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Dans son numéro du 19 mars 1872, le Petit Journal signalait à ses lecteurs la vaillante conduite d'une jeune fille-de douze ans, l'aînée de six enfants, dont la mère, demeurant rue Buot, 17, quartier de la Butte aux Cailles (13° arrondissement) était malade à ce moment.
Levée à trois heures du matin, elle allait travailler dehors et gagnait 1 fr. 50 c., pour nourrir toute la famille ; en rentrant de son ouvrage, elle soignait ses frères et sœurs comme l’aurait fait la meilleure des mères.

L'image du jour

Rue de la Fontaine-à-Mulard