L'image du jour
Seuls les deux premiers immeubles à droite ont subsisté à la rénovation du quartier.
UNE ÉVOCATION DU
13e ARRONDISSEMENT DE 1860 AUX ANNÉES 30
Littérature
[...]
Le vieux clerc était arrivé à la porte de l'ancien cuisinier, porte historiée de toutes sortes de plaques, il sonna.
Une grosse femme à l'air affreusement commun, vint lui ouvrir.
– M. Perpignan ? demanda le bon Tantaine..
– Il est sorti.
– À quelle heure reviendra-t-il?
– Je ne sais s'il rentrera avant ce soir.
– Je connais ça. Cependant, comme il faut que je lui parle aujourd'hui même, je vous serai obligé de me dire où je puis le rencontrer.
Il ne m'a pas dit où il allait. Mais, si monsieur vient pour des renseignements.
Le bonhomme eut un de ces sourires qui donnait à sa face rougeaude l'expression du plus pur idiotisme.
— Ne serait-il pas à la fabrique? demanda-t-il.
La grosse femme prévoyait si peu cette question, qu'elle tressaillit et recula.
— Comment! balbutia-t-elle, vous savez ?...
— Parbleu! Ainsi, ne vous gênez pas avec moi. Est-il là-bas ?
— Je le crois.
— Merci. Je l'y rejoins.
Et saluant assez peu poliment, contre son habitude, l'affreuse mégère, le bon Tantaine tourna les talons.
— Voilà, grondait-il, un désagréable contretemps, une course d'une lieue !... merci !... D'un autre côté, cependant, pris à l'improviste au milieu de ses honnêtes occupations le gaillard, n'étant pas sur ses gardes, sera plus bavard et plus coulant. Marchons donc.
Il ne marchait pas, il courait avec une agilité qu'on n'eût jamais attendue de ses maigres jambes.
C'est avec une vitesse double de celle d'un fiacre à l'heure, qu'après avoir suivi la rue de Tournon et traversé diagonalement le Luxembourg, il se lança dans la rue Gay-Lussac.
Toujours du même train, il suivi la rue des Feuillantines, remonta, l'espace de cent pas, la rue Mouffetard, et enfin s'élança dans les ruelles qui s'enlacent et se croisent entre la manufacture des Gobelins et l'hôpital de Lourcine.
C'est là un quartier étrange, inconnu, à peine soupçonné de la part des Parisiens.
On se croirait mille lieues du boulevard Montmartre, quand on longe ces rues — il faudrait dire ces chemins — inaccessibles aux voitures, où s'élèvent de loin en loin des masures inhabitables et pourtant habitées, bordées presque partout de murs qui tombent en ruines.
Des hauteurs de la ruelle des Gobelins, le spectacle est saisissant.
À ses pieds, on a une vallée au fond de laquelle coule, ou plutôt reste stagnante, stagnante, la Bièvre, noire et boueuse. De tous côtés, des usines, des tanneries aux toits rouges avec leur énormes amas de tan, des séchoirs à mottes ou des étendoirs de teinturiers, puis, de-ci et de-là, au milieu de bouquets d'arbres, des taudis, des bouges, parfois une haute maison d'aspect désolé.
À gauche on a les bâtisses de la populeuse et travailleuse rue Mouffetard. À droite, l'œil suit les ombrages des boulevards extérieurs.
En face, de l'autre côté de la place d'Italie, un rideau de peupliers qui indique le cours de la Bièvre ferme l'horizon.
Si on se retourne, on domine Paris…
Involontairement le père Tantaine s'arrêta et regarda.
Une pensée s'agitât en son cerveau qui amena sur ses lèvres un sourire amer.
Mais la seconde d'après il haussa les épaules et continua sa route.
Il semblait un habitant du quartier, tant il allait sûrement par ces chemins capricieusement tracés.
Il se risqua dans ce casse-cou qui s'appelle la ruelle des Reculettes, tourna la rue Croulebarbe et enfin arrivé rue Champ-de-l‘Alouette, il eut un soupir de satisfaction en murmurant :
— C'est ici.
Il était devant une maison à trois étages, très vaste, précédée d'une cour qu'entourait une clôture de planches à demi-pourries.
La maison était isolée, l'endroit sinistre. On devait se demander si ce logis n'était pas abandonné et si le feu n'y avait pas passé, dévorant jusqu'aux châssis des fenêtres.
Le vieux clerc, après une minute de délibération, traversa la cour où broutait une chèvre attachée à un piquet, et entra bravement dans la maison. L'intérieur répondait au dehors.
Deux pièces seulement composaient le rez-de-chaussée.
Dans l'une on avait étendu de la paille à terre, en assez grande quantité, et sur cette paille se trouvaient des lambeaux d'étoffes grossières et des débris de couvertures.
L'autre pièce était transformée en cuisine, et on y avait dressé une table, c'est-à-dire qu'on avait ajusté de longues planches sur deux tréteaux. Devant la cheminée de cette cuisine, une affreuse mégère au teint enflammé par l'alcool, à l'œil pétillant de méchanceté, coiffée d'un madras, repoussante, malpropre, surveillait, armée d'une spatule de bois, l'ébullition d'un immense chaudron où cuisaient des choses indescriptibles.
Dans un renfoncement, près de la cheminée, sur une espèce de lit de fer, maigrement garni d'un matelas varech, geignait et grelottait un petit garçon d'une dizaine d'années.
Sa figure, sur l'étoffe déchirée et ignoblement sale de l'oreiller, ressortait plus blanche que la cire ses petites mains étaient effrayantes de maigreur, et la fièvre donnait à ses grands yeux noirs un éclat de mauvais augure
Par moments, la souffrance lui arrachait un gémissement plus fort que les autres, mais aussitôt la vieille femme se retournait et le menaçait de sa spatule. Te tairas-tu, méchant « môme » ? disait-elle.
Ah ! j'ai mal, geignait le malheureux avec un accent italien des plus prononcés, j'ai bien mal !...
—Il fallait travailler, mauvais fainéant, reprit la vieille. Si tu avais rapporté de bonnes journées, on ne t'aurait pas battu; si on ne t'avait pas battu, tu ne serais pas là!...
—Ah!... J'ai mal, j'ai froid, je voudrais retourner au pays, revoir maman!...
Si émoussée que puisse et doive être la sensibilité d'un vieux clerc d'huissier habitué à procéder au milieu des plus déchirantes explosions de la misère et de la ruine, la scène était si affligeante, que le bon Tantaine en fut remué.
A plusieurs reprises, et en y mettant l'insistance de l'affectation, il toussa pour annoncer sa présence.
La mégère, à la fin, se retourna avec un grognement de dogue qui redoute de se voir arracher un os.
—Que voulez-vous? demanda-t-elle d'une voix dont des torrents de mêlé-cassis avaient brisé les cordes.
—Le bourgeois?
—Pas arrivé.
—Viendra-t-il?
—Ah! voilà!... ça dépend. C'est bien son jour, mais il n'est pas exact. Au surplus adressez-vous à M. Poluche.
—Qui ça, Poluche?
L'horrible vieille eut une grimace de dédain. Il lui parut prodigieux que celui dont elle parlait ne fût pas plus connu que cela.
—C'est le professeur, répondit-elle.
—Ou est-il?
—Eh!... là-haut, vieux serin!... dans le conservatoire.
Et, se retournant vivement, car le chaudron débordait, à cause du bouillon trop fort, elle ajouta:
—Voilà assez de questions comme ça, n'est-ce pas? On n'est pas de la police, pour vous répondre. Faites-moi le plaisir de me montrer vos talons.
[...]
Le 13e en littérature
La rue de la Vistule
par
Paul Samy
Huit heures du soir sonnaient à l’horloge de l’hôpital Marie-Lannelongue, située à l’angle de la rue de Tolbiac et de l’avenue d’Ivry, quand une automobile, arrivant par l’avenue d’Italie, tourna dans la rue de la Vistule et s’arrêta devant une petite grille terminant un mur, derrière lequel s’élevait une maisonnette.
(1924)
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Croulebarbe et la ruelle des Reculettes
par
Montfermeil
Le quartier Croulebarbe est un de ceux que n'a pas encore assainis la pioche du démolisseur, un des recoins restés sordides du vieux Paris.
(1901)
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La boulangerie socialiste de la rue Barrault
par
Jean Vignaud
Jacques et sa sœur, laissant derrière eux le boulevard d'Italie, gravirent la rue Barrault. Celle-ci, flanquée d'un côté de la Butte-aux-Cailles, énorme pâté de maisons aux murs de pisé, de l'autre, d'immenses terrains couverts de roulotes peintes et d'abris en planches, s'élevait ainsi qu'un ravin poussiéreux et crevé de trous.
(1904)
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La rue du Petit-Banquier
par
Honoré de Balzac
Le comte Chabert, dont l'adresse se lisait au bas de la première quittance que lui avait remise le notaire, demeurait dans le faubourg Saint-Marceau, rue du Petit-Banquier, chez un vieux maréchal des logis de la garde impériale, devenu nourrisseur, et nommé Vergniaud.
(1832)
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La rue des Vignes Saint-Marcel (Rubens)
par
Victor Hugo
Ce promeneur, s’il se risquait au delà des quatre murs caducs de ce Marché-aux-Chevaux, s’il consentait même à dépasser la rue du Petit-Banquier, [...], ce promeneur hasardeux atteignait l’angle de la rue des Vignes-Saint-Marcel, latitudes peu connues.
(1862)
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La cité Doré
par
Charles de Vitis
À la hauteur de la place Pinel et de l’abattoir, entre le boulevard de la Gare et le boulevard de l’Hôpital, s'étend un vaste terrain qui est loué par bail à divers locataires. Le type même de la saleté et de la misère imprévoyante se trouve dans le rassemblement de masures, coupé de ruelles en zigzag et qu’un hasard ironique fait appeler cité Doré. Les cours des miracles devaient être ainsi.
(1899)
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La Butte aux-Cailles
par
Jules Lermina
Il est sur la rive gauche de la Seine, au-delà de la rue Mouffetard et de la Montagne-Sainte-Geneviève, un lieu étrange, sauvage...
(1877)
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Saviez-vous que... ?
Selon le Figaro du 9 septembre 1899, sur les 266 vieilles lanternes à huile destinées à l'éclairage public que comptait encore Paris, 139 étaient allumées tous les soirs autour de la Butte-aux- Cailles.
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Le dernier étang du quartier de la Glacière fut comblé en août 1881 et sur son emplacement, on construisit une gare de marchandises connue des habitants sous le nom de gare de Rungis mais dont le nom officiel était « gare de la Glacière-Gentilly ».
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C'est le 11 juillet 1906 que le conseil municipal de Paris vota le transfert du marché aux chevaux du boulevard de l'hôpital à Brancion, nouveau marché ouvert depuis 1904.
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Au cours de l’hiver 1862, 30 indigents du quartier Croulebarbe, désignés par le bureau de bienfaisance de la mairie du 13e, se virent offrir chaque jour, du 1er février au 1er avril, une portion de soupe et une viande cuite de la part du colonel, des officiers, sous-officiers et soldats du 78e régiment de ligne stationné à la caserne Lourcine.
Par ailleurs, indépendamment de cette généreuse offrande, une somme de 400 fr. était également distribuée en nature, par les soins du colonel, aux indigents de ladite circonscription, pendant la même période, en bons fractionnés de comestibles et combustibles, à prendre chez les fournisseurs établis dans l'arrondissement.
(Le Siècle, 17 février 1862)
Seuls les deux premiers immeubles à droite ont subsisté à la rénovation du quartier.