Où Emile Gaboriau fait découvrir le quartier Croulebarbe à ses lecteurs
Où Emile Gaboriau fait découvrir le quartier Croulebarbe à ses lecteurs...
[...]
— Ne serait-il pas à la fabrique? demanda-t-il.
La grosse femme prévoyait si peu cette question, qu'elle tressaillit et recula.
— Comment! balbutia-t-elle, vous savez ?...
— Parbleu! Ainsi, ne vous gênez pas avec moi. Est-il là-bas ?
— Je le crois.
— Merci. Je l'y rejoins.
Et saluant assez peu poliment, contre son habitude, l'affreuse mégère, le bon Tantaine tourna
les talons.
— Voilà, grondait-il, un désagréable contretemps, une course d'une lieue !... merci !...
D'un autre côté, cependant, pris à l'improviste au milieu de ses honnêtes occupations le gaillard,
n'étant pas sur ses gardes, sera plus bavard et plus coulant. Marchons donc.
Il ne marchait pas, il courait avec une agilité qu'on n'eût jamais attendue de ses maigres jambes.
C'est avec une vitesse double de celle d'un fiacre à l'heure, qu'après avoir suivi la rue de
Tournon et traversé diagonalement le Luxembourg, il se lança dans la rue Gay-Lussac.
Toujours du même train, il suivi la rue des Feuillantines, remonta, l'espace de cent pas, la
rue Mouffetard, et enfin s'élança dans les ruelles qui s'enlacent et se croisent entre la manufacture
des Gobelins et l'hôpital de Lourcine
C'est là un quartier étrange, inconnu, à peine soupçonné de la part des Parisiens.
On se croirait mille lieues du boulevard Montmartre, quand on longe ces rues — il faudrait dire
ces chemins — inaccessibles aux voitures, où s'élèvent de loin en loin des masures inhabitables
et pourtant habitées, bordées presque partout de murs qui tombent en ruines.
Des hauteurs de la ruelle des Gobelins, le spectacle est saisissant.
À ses pieds, on a une vallée au fond de laquelle coule, ou plutôt reste stagnante, stagnante,
la Bièvre, noire et boueuse. De tous côtés, des usines, des tanneries aux toits rouges avec leur
énormes amas de tan, des séchoirs à mottes ou des étendoirs de teinturiers, puis, de-ci et de-là,
au milieu de bouquets d'arbres, des taudis, des bouges, parfois une haute maison d'aspect désolé.
À gauche on a les bâtisses de la populeuse et travailleuse rue Mouffetard. À droite, l'œil suit
les ombrages des boulevards extérieurs.
En face, de l'autre côté de la place d'Italie, un rideau de peupliers qui indique le cours de
la Bièvre ferme l'horizon.
Si on se retourne, on domine Paris…
Involontairement le père Tantaine s'arrêta et regarda.
Une pensée s'agitât en son cerveau qui amena sur ses lèvres un sourire amer.
Mais la seconde d'après il haussa les épaules et continua sa route.
Il semblait un habitant du quartier, tant il allait sûrement par ces chemins capricieusement
tracés.
Il se risqua dans ce casse-cou qui s'appelle la ruelle des Reculettes, tourna la rue Croulebarbe
et enfin arrivé rue Champ-de-l‘Alouette, il eut un soupir de satisfaction en murmurant :
— C'est ici.
Il était devant une maison à trois étages, très vaste, précédée d'une cour qu'entourait une clôture
de planches à demi-pourries.
La maison était isolée, l'endroit sinistre. On devait se demander si ce logis n'était pas abandonné
et si le feu n'y avait pas passé, dévorant jusqu'aux châssis des fenêtres.
Quelle rue étrange que cette rue du Pot-au-Lait ! déserte, étranglée, descendant par une pente rapide dans une grande voie inhabitée, aux pavés enchâssés dans la boue...
Depuis toujours on habitait, mon père et moi, sur la Butte-aux-Cailles ; encore aujourd'hui, ce quartier-là n'est guère pareil à tous les autres. Mais si vous l'aviez vu du temps que je vous parle ! Des cahutes s'accrochaient à la butte comme des boutons au nez d'un galeux ; ça grouillait de gosses et de chiens, de poux et de puces...
Connaissez-vous la rue du champ de l’alouette ? Il y a bien des chances pour que vous n'en ayez jamais entendu parler, si vous habitez le quartier de la Madeleine. Mais les pauvres gens qui logent dans les parages l'Observatoire et de la Butte-aux Cailles savent parfaitement où elle est.
Le noctambule par goût ou par nécessité — comme Paris en a tant compté depuis Gérard de Nerval jusqu'à Privat d'Anglemont — qui se serait aventuré, par une nuit boréale de novembre dernier, à l'une des embouchures du passage des Reculettes, y aurait éprouvé l'impression d'un rêve persistant à travers la veille, et s'y serait cru transporté dans ce monde de la chimère et du fantôme...
(1879)
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Saviez-vous que... ?
Le 19 juillet 1927, le nom de rue de Gentilly fut donné à la rue du Gaz. Le nom de rue de Gentilly avait été, jusqu'en 1899, celui de la rue Abel-Hovelacque d'aujourd'hui. Cette nouvelle rue de Gentilly perdit ensuite son nom au profit de Charles Moureu et d'Albert Bayet.
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La rue Damesme doit son nom au général Edouard-Adolphe-Déodat-Marie Damesme né en 1807 à Fontainebleau qui fut mortellement blessé lors les événements de juin 1848. Elle porte ce nom depuis 1868 et s'appelait auparavant rue du Bel-Air
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La consécration de l'église Sainte-Anne de la Maison Blanche eut lieu le 24 octobre 1912.
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En 1880, on décida de l'installation de postes-vigies dits postes-avertisseurs fonctionnant au moyen d'un télégraphe à cadran permettant de rentrer en communication avec la plus proche caserne de pompiers où un soldat du feu était toujours présent afin de recevoir la déclaration de personnes venant faire connaître un incendie. L'un des ces postes fut installé au 26 de la rue des Cinq-diamants.
L'image du jour
rue Nationale - Quartier de la Gare (image colorisée)
La rue Nationale était l'axe majeur du quartier de la Gare. La rue Jeanne d'Arc n'était pas encore transversante et était dédiée à l'industrie. La rue Nationale rassemblait commerces et services. Elle était le centre de l'animation d'une vraie vie de quartier populaire qui fut voué à la destruction par son classement en « ilôt insalubre ». ♦