Deux commis voyageurs, arrêtés hier après-midi dans un bar de la rue de Tolbiac,
discutaient devant les deux bocks qu’ils avaient commandés pour étancher leur
soif.
Bientôt la discussion s'envenima à un tel point qu'après des injures des
coups allaient certainement être échangés, si de nombreux curieux que les éclats
de voix avaient attirés n'avaient séparé les deux hommes.
« Oui, criait l’un, tu ne sais pas ce que tu dis, Paris a de ces surprises
et tu es si peu intelligent que tu peux ignorer ce que c'est qu'un cambrurier.
Mais moi je le sais... C'est écrit. Lis donc ça, tu t'instruiras. » Et,
à l'appui de son dire, il développait un journal du soir dans lequel on pouvait
lire, sous le titre « Les drames du jour » : « L’homme et la
femme exercent la profession de cambrurier. On ignore généralement quel est
ce métier. Il consiste tout simplement à polir des rails de chemin de fer avec
du papier de verre, et les ouvriers qui se livrent à ce travail gagnent vingt
centimes par mètre de rail poli. »
Ce fut alors un long éclat de rire d’autant plus prolongé que quelques cambruriers,
employés comme on le sait à former la cambrure des souliers, au moyen d'outils
spéciaux dans différentes fabriques de chaussures, se trouvaient mêlés à la
foule.
La définition bizarre de ce métier très répondu dans ce quartier n'a d'ailleurs
pas tardé à circuler et partout on faisait des gorges chaudes de l'explication
du commis voyageur qui, rendu à l’évidence, ne savait comment se tirer honorablement
d'une situation qui l'avait rendu ridicule.
Les recherches en vue d'identifier le journal du soir qui aurait donné une
si drôlatique définition de la profession de cambrurier sont restées vaines. En revanche, il
exact que la profession de cambruriers était bien représentée dans le XIIIe arrondissement où
l'industrie de la chaussure était fortement implantée avec par exemple l'usine Savart rue Rubens, des
ateliers d'habillement militaire du côté de la rue Croulebarbe ou encore des
usines boulevard Kellermann à proximité de la porte d'Italie. La publication
ci-après reproduite témoigne de l'importance de la profession de cambrurier
en remarquant au passage, que c'est une autre définition, la vraie cette fois,
qui est ici donnée. Le cambrurier intervient lorsque la chaussure est si
usée qu'elle ne peut plus être revendue d'occasion par les chiffonniers ou les
brocanteurs.
Bulletin coopératif
Les ouvriers cambruriers
La Presse — 6 juin 1895
L'Union syndicale des ouvriers cambruriers de la Seine vient de tenir, salle
Jeanne-d'Arc, rue Dunois, 45, son assemblée générale.
Un grand nombre d'ouvriers de la corporation se sont rendus à l'appel de
M. Ratier, organisateur et secrétaire du syndicat.
Il s'agissait d'élaborer le programme des revendications qui vont être soumises
aux patrons.
La chambre syndicale, reconstituée il y a à peine quatre mois, compte déjà
plus de 150 membres étroitement unis et désireux de réagir contre l'indifférence
qu'ils ont trop longtemps montrée.
Un des principaux desiderata a été présenté aux patrons. On leur demandait
de payer la huitaine aux ouvriers qu'ils congédient sur-le-champ sans grief
plausible, attendu que les cambruriers, étant représentés au conseil des prud'hommes,
doivent être considérés comme ouvriers et non assimilés aux hommes de peine.
Le syndicat n'a pu obtenir satisfaction sur ce point ; mais les patrons
y consentiront quand ils sauront que les ouvriers sont décidés à cesser le travail
s'ils n'obtiennent pas gain de cause dans leurs légitimes réclamations.
La profession de cambrurier est peu connue du public, car elle ne compte
dans Paris et la Banlieue que 500 ouvriers dont la besogne consiste à déclouer
les vieilles chaussures pour en tirer le cuir avec lequel certains manufacturiers
confectionnent les chaussures à bon marché. Ce travail, assez pénible, est dérisoirement
rémunéré. Les ouvriers les plus habiles ne reçoivent qu'un salaire de 4 fr.
par jour.
C'est cette situation qu'ont tour à tour exposée MM. Ratier, Corties, Combet
et Le Mahot, dans leurs éloquents discours, à la réunion qu'a présidée M. Antoine.
Vauthier-Bay.
Adresser toutes les lettres et communications à M. Vauthier-Bay, aux
bureaux du journal, 12, rue du Croissant.
Vous ne connaissez pas le passage Moret, cela n'est pas surprenant, car, sauf ses malheureux habitants, leur conseiller municipal qui se débat comme un diable pour les secourir, chacun à l'envi les oublie. Chaque fois que les représentants de l'administration se souviennent de ce restant de l'Ile des Singes, c'est pour lui causer un dommage nouveau. (1925)
Les pauvres et déplorables locataires de la ville de Paris, dans son domaine de l'Ile des Singes, partie dénommée sur la nomenclature le Passage Moret, vont apprendre avec joie que l'inondation de leurs taudis, par en haut, va cesser à bref délai. (1925)
Dans le populeux quartier des Gobelins, il est un groupe de gens à qui l'on a mis le bonheur — bonheur relatif, d'ailleurs — à portée de la main, et qui se disputent au lieu de le cueillir sagement. Ces gens demeurent sous le même toit, 9, passage Moret, voie vétuste qui semble être restée dans le même état qu'au temps des mousquetaires. (1926)
La Ville de Paris, qui loue pour rien les luxueux pavillons du Bois de Boulogne aux jouisseurs et aux parasites, veut expulser de malheureux travailleurs de logements peu confortables certes, mais pour lesquels ils paient un lourd loyer. (1927)
Les locataires n'étaient pas plutôt dans la rue que des démolisseurs se mettaient à l'ouvrage pour le compte d'un garage Renault qui fait procéder à des agrandissements. Ainsi les limousines des exploiteurs seront à l'abri et les locataires logeront où et comme ils pourront. (1927)
Que l'on démolisse les taudis, nids à tuberculose qui pullulent dans la « Ville-Lumière », nous n'y trouverons rien redire, au contraire ! Mais que sous prétexte d'assainissement, comme cela s'est produit passage Moret, on expulse, en 21 jours, au profit d'un garage, des malheureux que l’on a finalement « logés » dans des taudis sans nom, c'est un véritable scandale ! (1927)
Tout un coin de Paris est en train de se modifier singulièrement. Huysmans ne reconnaîtrait plus sa Bièvre. Non seulement le ruisseau nauséabond est maintenant couvert depuis bien des années, mais le sinistre passage Moret a presque complètement disparu de la topographie parisienne et, au milieu de cette année, les fameux jardins dont la jouissance était réservée aux tisseurs et dessinateurs de la Manufacture des Gobelins, vergers en friche qui, quelquefois, servaient de dépôt d'ordures aux gens du quartier, auront perdu leur aspect de Paradou abandonné. (1937)
Paris aura la semaine prochaine un nouveau jardin public, un très beau jardin. Il n’en possédera jamais trop ! Le fait est d’autant plus intéressant que ce nouveau jardin se trouve dans un arrondissement, au reste fort peuplé, le 13e, qui, il y a encore un an, ne possédait pas le moindre square. (1938)
Hier matin, était inauguré, dans le quartier Croulebarbe, un nouveau jardin public. II s'étend sur 22.500 mètres carrés, derrière la Manufacture des Gobelins et le Garde-Meubles National. C'est à Émile Deslandres que l'on doit cette initiative. Ayant représenté pendant plus de vingt-cinq années ce quartier, au nom du Socialisme, il s’était penché sur les misères et les besoins de la classe ouvrière dont il était lui-même. (1938)
Les transformations de la rue d'AIésia se font, avec une rapidité vertigineuse, dans le prolongement de cette voie, au-delà de rue de la Glacière. Dans cette partie, la nouvelle rue prendra le nom de rue Tolbiac, et sera poussée jusqu'à l'avenue d'Italie. (1877)
La Butte-aux-Cailles, ce n'est plus Paris; ce n'est pas, non plus, la banlieue, encore moins la province : c'est la Butte-aux-Cailles, et voilà tout. (1885)
Un fait fort curieux se produit en ce moment dans la partie du quartier de la Maison-Blanche, comprise entre les rues de Tolbiac, de la Providence et de l'Espérance. (1898)
Un plan ayant pour but l'assainissement général du quartier de la Glacière et de la Bièvre et le dessèchement des marais qui rendent cette région à peu près inhabitable... (1881)
Cette grave affaire à laquelle nos confrères attribuaient, il y a deux jours, un caractère fantaisiste, est entrée dans une phase nouvelle qui forcera, nous l'espérons, les plus incrédules à s'incliner et à avouer que le service des informations de la Presse justifie une fois de plus sa réputation d'être un des mieux et plus exactement renseignés.
Les quartiers de la Gare, de la Maison-Blanche et de Croulebarbe ont été, hier, eu liesse à l'occasion de la visite du Président de la République. M. Félix Faure a présidé à la double inauguration du nouveau pont de Tolbiac et de la Crèche-Dispensaire de la Maison-Blanche. (1895)
Chaque soir, à la fête de la place d'Italie, Oscar faisait la joie des spectateurs par ses facéties, par le vacarme étourdissant qu'il menait. À lui seul, il faisait, recette. C'est dire si son patron avait une grande estime pour lui ...
Mme Victoire Arnaud, trente-deux ans, épouse divorcée de M. Gehier, est marchande des quatre-saisons. Elle demeure 7, rue Strau, et son travail opiniâtre lui a permis de faire quelques économies. Elle a pu soulager ainsi la détresse de son frère François Arnaud, vingt-huit ans, ouvrier en chômage, marié et père de cinq enfants.
Quand on visite les Gobelins, on ne peut s'éviter de remarquer l'état singulièrement délabré du célèbre établissement. C'est qu'en effet il saute aux yeux, et je ne sais pas de spectacle plus affligeant que l'apparente ruine de ce qui demeure, après plus de trois siècles, une des vraies gloires de la France. (1894)
L'humanité de quelques passants matinaux était choquée, hier, vers 5 heures, rue des Cordelières, par une scène effectivement étrange. Une marâtre — vraisemblablement — allant et venant sans souci de l'air frais, cruel aux petites bronches, promenait une voiture de bébé dans laquelle se distinguait un pauvre petit corps d'enfant.
Depuis les démolitions et les nouvelles percées faites à travers le 13e arrondissement, le quartier des Gobelins, autrefois si populeux comprend de vastes parties désertes. Une des causes de ce dépeuplement, est l'éloignement du marché aux chevaux, provisoirement transféré à la Halle aux fourrages du boulevard Montparnasse. (1870)