Parmi tant de travaux poursuivis en ce moment par l'administration de la Ville de Paris pour
l'amélioration de sa voirie, il en est de particulièrement intéressants. Tel est le percement de
la rue des Reculettes dans le quartier Croulebarbe (13è arrondissement).
Jusqu'ici ladite rue ne méritait ce nom que dans l'amorce pavée qui partait depuis longtemps
de la rue Croulebarbe. A ce bout de rue aboutissait à travers une sorte de maquis assez agreste
une sente en zigzag, de deux mètres de large, venue des hauteurs de la rue Abel-Hovelacque. Bénie
des amateurs de pittoresque, cette ruelle longeait sur une minuscule falaise, un petit ravin à coins
buissonniers, tout comblé de maisonnettes disparates, peu fastueuses villas parisiennes où caquetaient
les poules, et où l'on s'éveillait au chant du coq.
Un jour, la Ville de Paris a exproprié les amateurs de verdure. Et voici que des équipes de terrassiers
ont raboté les avancées de falaise, que les démolisseurs ont abattu à grands coups de pic les masures
qui ne tenaient guère. Les maçons avec leurs moellons et leur béton , établissent les substructions
de la voie de douze mètres qui complétera la rue des Reculettes. Il s'y élève déjà des espèces de
gratte-ciel pour familles nombreuses.
Ces travaux attirent l'attention des constructeurs à cause des procédés nouveaux qui y sont employés.
Pour contenir la poussée des terres qui porteront la nouvelle rue descendant d'environ quatre ou
cinq mètres sur une distance de soixante ou quatre-vingts, il fallait établir un large mur de soutènement
qui eut coûté fort cher.
Les ingénieurs ont eu l'idée heureuse de construire pour supporter cette masse et en éluder la
poussée, une série de voûte de décharge de décharge en maçonnerie. Elles permettent de diminuer
beaucoup la largeur du mur de soutènement — réduite à soixante-quinze centimètres environ — et,
par conséquent, la dépense. Cette opération constitue une innovation très remarquable , au dire
des spécialistes.
La phrase classique : « Encore un coin pittoresque du Vieux Paris qui disparaît ! » me chante
aux oreilles tandis que je suis le fond de l'ancien ravin sur des échafaudages aux planches plâtreuses.
Dans un reste de buisson, deux ouvriers peuvent encore déjeuner sur l'herbe, mais c'en sera fait
avant longtemps de ces plaisirs agrestes. Derrière une maison lépreuse et enfumée, j'aperçois encore
un bout de jardin. Au fond d'une impasse, une porte, pouvant conduire au vaste jardin ombragé d'une
brasserie, a, en blanc sur noir, cette inscription mélancolique et bien à sa place : Mort.
S'agit-il du sentier des amoureux ? Non.
C'est le reste de l'écriteau qu'on avait mis là : Danger de mort, pour empêcher les
enfants d'escalader la clôture. Les arbres qui par-dessus « balancent leurs palmes » sont, sans
doute, tout ce qui reste des dépendance du vieux moulin de Croulebarbe, lequel appartenait à un
fief remontant au quatorzième siècle, propriété de Saint-Martin-des-Champs. Les moins de l'abbaye
l'affermèrent jusqu'en 1668, époque où l'abbé de Saint-Marcel en revendiqua la propriété. Le nom
de sente des Reculettes signifie qu'on se trouvait là dans un lieu reculé, peu central.
Comme je quitte le chantier, un habitant m'interpelle mélancoliquement :
— J'ai habité trente-six ans ici monsieur. Voici où se trouvait ma maison. Le soir, quand les
usines s'arrêtaient nous nous croyons à cent lieues de Pris. On m'a exproprié. Avec l'argent, j'ai
acheté un terrain en bordure de la rue qui sera peut-être très commode. Mais, voyez-vous, j'aimais
mieux la ruelle, avec ses arbres, ses plantes, ses fleurs, ses masures, ses poulaillers et ses amoureux.
L'achèvement prochain des travaux du puits artésien de la place Hébert est venu nous rappeler un autre puits du même genr dont le forage fut commencé presque à la même époque que celui du puits des hauteurs des Belleville, mais tombé complètement dans l'oubli depuis une vingtaine d'années : nous voulons parler du puits artésien de la Butte-aux-Cailles. (1889)
La Ville de Paris, qui loue pour rien les luxueux pavillons du Bois de Boulogne aux jouisseurs et aux parasites, veut expulser de malheureux travailleurs de logements peu confortables certes, mais pour lesquels ils paient un lourd loyer. (1927)
Les locataires n'étaient pas plutôt dans la rue que des démolisseurs se mettaient à l'ouvrage pour le compte d'un garage Renault qui fait procéder à des agrandissements. Ainsi les limousines des exploiteurs seront à l'abri et les locataires logeront où et comme ils pourront. (1927)
Que l'on démolisse les taudis, nids à tuberculose qui pullulent dans la « Ville-Lumière », nous n'y trouverons rien redire, au contraire ! Mais que sous prétexte d'assainissement, comme cela s'est produit passage Moret, on expulse, en 21 jours, au profit d'un garage, des malheureux que l’on a finalement « logés » dans des taudis sans nom, c'est un véritable scandale ! (1927)
Tout un coin de Paris est en train de se modifier singulièrement. Huysmans ne reconnaîtrait plus sa Bièvre. Non seulement le ruisseau nauséabond est maintenant couvert depuis bien des années, mais le sinistre passage Moret a presque complètement disparu de la topographie parisienne et, au milieu de cette année, les fameux jardins dont la jouissance était réservée aux tisseurs et dessinateurs de la Manufacture des Gobelins, vergers en friche qui, quelquefois, servaient de dépôt d'ordures aux gens du quartier, auront perdu leur aspect de Paradou abandonné. (1937)
...
Saviez-vous que... ?
Le 19 juillet 1927, le nom de rue de Gentilly fut donné à la rue du Gaz. Le nom de rue de Gentilly avait été, jusqu'en 1899, celui de la rue Abel-Hovelacque d'aujourd'hui. Cette nouvelle rue de Gentilly perdit ensuite son nom au profit de Charles Moureu et d'Albert Bayet.
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En 1877, il fut décidé que le nouveau marché aux chevaux reprendrait la place de l'ancien (auparavant transféré sur le boulevard d’Enfer), ce fut M. Magne, architecte, qui fut chargé de la direction des travaux. Il a fallu faire d'immenses travaux de consolidation et de soutènement pour profiter de l'îlot escarpé et montueux compris entre le boulevard Saint-Marcel et celui de l'Hôpital. La porte principale du marché, flanquée de deux forts jolis pavillons, s’élevait boulevard de l’Hôpital, tandis qu’un mur défendu par des grilles en fer s’étendait sur le boulevard Saint-Marcel.
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Ernest Rousselle (1836-1896), conseiller municipal du 13e arrondissement et président du Conseil municipal de Paris, était un adversaire résolu de tout projet de métropolitain qu'il considérait comme contraire aux intérêts de Paris. Dans une notice nécrologique publiée le 17 mai 1896, le quotidien La Gazette le décrivait comme étant de taille moyenne, trapu avec une barbe épaisse, l'air véhément et pompeux.
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Au terme du recensement de 1982, la population municipale totale du 13e arrondissement s'établissait à 168.446 habitants pour un total de 2.163.277 pour l'ensemble des 20 arrondissements. Le 13e était le sixième en importance de population. Pour 2019, la population du 13e s'établissait à 180.005 habitants après avoir atteint 183.713 pour 2013.
L'image du jour
rue Nationale - Quartier de la Gare (image colorisée)
La rue Nationale était l'axe majeur du quartier de la Gare. La rue Jeanne d'Arc n'était pas encore transversante et était dédiée à l'industrie. La rue Nationale rassemblait commerces et services. Elle était le centre de l'animation d'une vraie vie de quartier populaire qui fut voué à la destruction par son classement en « ilôt insalubre ». ♦