Le crime de la Buttes-aux-Cailles
On ignore toujours pour quelles raisons fut tué le mystérieux Ismaïl Ali Kalfié
Paris-Soir — 6 mars 1930
Les inspecteurs de la brigade spéciale poursuivent avec activité, mais sans résultats réellement intéressants, leur enquête sur l'assassinat dont fut, lundi, la victime le mystérieux Yougoslave Joseph Werner.
Il semble cependant qu'un résultat soit à peu près acquis: l'identité du mort.
Joseph Werner doit se nommer, en réalité Ismaïl Ali Kalfié, et non Ali Halfie, comme on l'avait cru tout d'abord. Ce nom figure en effet sur une carte de circulation des chemins de fer yougoslaves et il est authentifié par la photographie du titulaire et le timbre sec de de la compagnie. Cependant on en est encore réduit à cette présomption, aucun renseignement n'ayant pu être recueilli sur le client de l'hôtel du « Papillon d'Or ». Les enquêteurs espèrent toujours que le jeune homme balafré qui amena Ali Kalfié rue des Cinq-Diamants, finira par se présenter à la police judiciaire ou au commissariat de la Maison-Blanche et qu'il pourra donner des précisions à la fois sur son compagnon et sur les motifs du crime, sinon sur les assassins.
S'agit-il réellement d'un crime politique ? Le fait qu'on a trouvé dans la chambre d’Ali Kalfié un journal de Belgrade, la Politika, relatant un complot terroriste dont le but avait été de faire sauter le train transportant une délégation de la ville de Zagreb, semble faire croire que le cordonnier-étudiant appartenait au parti terroriste croate. Mais rien n'est, jusqu'ici, venu élaver cette hypothèse.
Cette nouvelle affaire est-elle donc destinée à demeurer, elle aussi, mystérieuse? Les recherches n'en continuent pas moins dans certains milieux yougoslaves de Paris où Ismaïl Ali Kalfié était susceptible de fréquenter.
Werner travaillait sous un faux nom chez un fabricant de chaussures
De nombreux Yougoslaves ont été entendus ce matin quai des Orfèvres. Trois d'entre eux ont fait des déclarations importantes. Ils ont en effet déjeuné, la veille du crime, soit dimanche, avec le pseudo-Werner dans un restaurant de la rue de Grenelle. Grâce aux indications qu'ils ont pu donner sur les occupations et sur les relations ordinaires de la victime, les enquêteurs pensent pouvoir pousser leurs recherches d'une façon encore plus active qu'ils ne l'avaient fait jusqu'à présent.
D'autre pari, on a appris qu'Ismaïl avait travaillé chez un cordonnier du 13e arrondissement, spécialisé dans la fabrication des chaussures tressées, 10, rue Frémicourt.
Il s'y était également présenté sous le faux nom de Shumovach. Quelle impérieuse raison avait donc le Yougoslave pour dissimuler son identité même dans la maison où il travaillait ?
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