Littérature

 sans titre 1

23 juillet

Dernières dépêches de notre correspondant

À quel point de son parcours à travers Paris la Seine reçoit-elle, dans ses eaux glauques, son impétueuse affluente la Bièvre ?

Il n'y a pas beaucoup de semaines, vous vous en souvenez, Parisiens de la rive gauche, côté sud-sud-ouest, les ondes de cette rivière parfumée, tout à coup devenues torrentueuses, vous submergèrent. Elles laissèrent, a-t-on dit, sur des tables de salle à manger, sur des buffets, sur des commodes, même dans des chambres de premier étage, des débris de veau mégis, de mouton maroquiné, de peaux de vache évadées de la fosse à tan.

Puisque je suis en exploration (ni scientifique, ni militaire, ni civilisatrice — tranquillisez-vous, aborigènes) dans ces contrées, et puisque la folle Bièvre, au dire des géographes, se jette dans les bras de la Seine majestueuse entre le Pont-Neuf, où je suis, et le Jardin des Plantes, où je vais, que pourrais-je mieux faire que de déterminer exactement le lieu de leur rencontre.

D'abord, descendons reconnaître cet îlot boisé qui est en bas, très en bas de la statue d'Henri-IV. On l'appelle le Jardin du Vert-Galant. C'est assurément, par ces torrides chaleurs, l'endroit le mieux ombragé, le plus frais, le plus calme de la Ville. Des arbres plusieurs fois séculaires, saules et peupliers, y déploient des branchages de forêt vierge — une forêt vierge qui serait de plain-pied avec un bateau de blanchisseuses. Vous croyez peut-être que l'on s'y presse en foule ? Erreur. Il n'y a que le gardien en uniforme, perché, endormi dans une jolie logette, et moi, qui ai cinquante mètres de bancs pour m'asseoir.

Mais je ne m'assieds pas ! Je remonte l'escalier de granit. Je rejoins la cité glorieuse, navire et berceau de la civilisation française. Toute notre civilisation, oui, est là, résumée, concentrée.

Un Palais de Justice où l'on compte des tribunaux de toutes les sortes ; un hôpital, deux prisons, une caserne, la préfecture de police, une cathédrale, le marché aux fleurs, un cimetière, la Morgue, et la statue de Théophraste Renaudot.

Qu'est-ce que tu dis de ça, toi vrai grand homme, tard connu, le premier en date et le plus justement illustre des journalistes ?

La Morgue ! J'y entre. Il y a foule de ce côté-ci de la vitrine, et aussi de l'autre côté.

La morgue au Pont de l'Archevêché

Ils sont cinq sur des dalles de marbre couchés presque coude à coude : une vieille femme à chevaux blancs ; une très jeune blonde ; encore une qui paraît avoir trente-cinq ans ; deux hommes : l'an, grand, de beau visage, les joues racées, cheveux en brosse, épaisse moustache grise ; l'autre est jaune et laid, petit, malingre, traits sinistres.

Tous, hommes et femmes, sont des pauvres gens. Je me retrace, j'imagine, leur histoire...

Un remous se fait dans le public spectateur. Plusieurs s'en vont ; d'autres curieux les remplacent. Parmi ceux-ci, un jeune garçon d'allures distinguées, de costume élégamment débraillé. Un étudiant en droit peut-être, qui sera, dans quelque vingt ans d'ici, député, préfet ou magistrat. Il a à son bras une fille gentille, qui se serre contre lui, subitement devenue sérieuse, frissonnante.

Est-ce une hallucination ? J'ai cru voir la vieille, de l'autre côté de la vitre tressaillir, et aussi la jeune, et aussi le vieux à la moustache grise.

Le petit homme aux traits sinistres a ricané.

Je me sens devenir pâle, j'ai froid jusqu'au cœur. Je sors vite, frôlant un peu rudement le bel étudiant. Pourquoi ai-je eu l'envie de l'interpeller ? Il ne m'a rien fait, ce jeune homme, rien ... et il est innocent des cinq cadavres qui sont là.

Je reviens sur mes pas : dans l'ombre noire de l'église Notre-Dame ; je repasse devant le morne Hôtel-Dieu ; je contourne la brutale caserne de la Cité. Revoici le bon Théophraste. Je relis les deux belles phrases, belles et vraies éternellement, qu'on a gravées sur son socle... Encore le Palais de Justice, avec des gardes de Paris en faction. Et, en face, des factionnaires encore, des gardiens de la paix, le sabre au clair et des pompiers armés de fusils !

Je marche, ne regardant plus rien, songeant.

Quand ma songerie cesse je suis dans un jardin étrange, tout coupé d'enclos où sont des bêtes parquées. Féroces, timides ou familières, elles sont toutes pareillement prisonnières. Des flâneurs les regardent, ayant, devant les redoutables, un petit frémissement de peur, hardis et agaçants à l'égard des inoffensives. Là-bas on rit, autour d'une haute rotonde grillagée, remplie de singes grimaçants. J'en remarque un, tout en haut, qui gesticule plus que les autres ; il tient quelque chose qui parait être une sonnette. Il ressemble étonnamment au président du Palais-Bourbon.

Mais je n'ai toujours pas trouvé l'embouchure de la Bièvre. Elle traverse, me dit un plan que je consulte, le boulevard de l'Hôpital, Un pan de mur indiqua, en effet, qu'elle arrive là, entre les rues Buffon et Polonceau. On n'approche point de ses rives ; des propriétaires de jardins s'en sont emparés. Fort bien. Mais l'embouchure. Il n'est pas dans la coutume des rivières de finir sur un boulevard.

Vainement je cherche. L'estuaire de celle-ci est-il plus introuvable que les sources du Nil ?


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Le 13e en littérature

Butte-aux-Cailles

Le Trésor caché

par
Charles Derennes

Depuis toujours on habitait, mon père et moi, sur la Butte-aux-Cailles ; encore aujourd'hui, ce quartier-là n'est guère pareil à tous les autres. Mais si vous l'aviez vu du temps que je vous parle ! Des cahutes s'accrochaient à la butte comme des boutons au nez d'un galeux ; ça grouillait de gosses et de chiens, de poux et de puces...

(1907)

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Ruelle des Reculettes

La petite Miette

par
Eugène Bonhoure

— Où demeure le pharmacien? demanda Furet.
— Au coin de la rue Corvisart et de la rue Croulebarbe.
— Est-ce qu'il y a deux chemins pour y aller ?

(1889)

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Tout le 13e

Taupin

par
Séverine

À l'horizon, passé la plaine de la Glacière, vers la poterne des Peupliers, les « fortifs » verdoyaient comme une chaîne de collines.

(1909)

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Quartier Croulebarbe

La vieillesse de Monsieur Lecoq

par
Fortuné du Boisgobey

Connaissez-vous la rue du champ de l’alouette ? Il y a bien des chances pour que vous n'en ayez jamais entendu parler, si vous habitez le quartier de la Madeleine. Mais les pauvres gens qui logent dans les parages l'Observatoire et de la Butte-aux Cailles savent parfaitement où elle est.

(1878)

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Ruelle des Reculettes

Les Monstres de Paris

par
Paul Mahalin

Le noctambule par goût ou par nécessité — comme Paris en a tant compté depuis Gérard de Nerval jusqu'à Privat d'Anglemont — qui se serait aventuré, par une nuit boréale de novembre dernier, à l'une des embouchures du passage des Reculettes, y aurait éprouvé l'impression d'un rêve persistant à travers la veille, et s'y serait cru transporté dans ce monde de la chimère et du fantôme...

(1879)

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Quartier Croulebarbe

Robespierre

par
Henri-Jacques Proumen

Il pouvait avoir cinq ans, ce petit Riquet de la rue Croulebarbe. On lui en eût donné quatre tout au plus, tant il était fluet Son pauvre petit corps se dandinait sur deux longues pattes de faucheux qui prenaient assise dans deux godasses démesurées...

(1932)

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L'octroi de la porte d'Italie

Le drame de Bicêtre

par
Eveling Rambaud et E. Piron

Grâce à l'or du faux baron de Roncières, Paul apporta l'abondance dans la maison de la rue du Moulinet.
On y fit une noce qui dura huit jours.
Perrine avait déserté son atelier de blanchisseuse. Elle tenait tête aux deux hommes, le verre en main.

(1894)

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Saviez-vous que... ?

La marché découvert des Gobelins — que l'on appelle aujourd'hui le marché Auguste-Blanqui — remplaça le marché couvert à compter du 9 mai 1898 et, comme maintenant, se tenait les mardis, vendredis et dimanches.

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La rue Gustave Geffroy, avant de recevoir le nom de administrateur de la manufacture nationale des Gobelins, s'appela rue Léon Durand jusqu'en 1937. Cette rue fut créée en 1906.

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Le 29 juin 1901, la température atteignit 33° à Paris et ce jour là, vers midi, Mme Louise Lesire, âgée de cinquante- deux ans, demeurant 157, rue Jeanne-d’Arc, fut frappée d'insolation, boulevard Saint-Marcel. Elle mourut dans la pharmacie où on l’avait transportée pour lui donner des soins. (Le Figaro - 30 juin 1901)

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Jusqu’en 1934, l’avenue d’Italie était parcourue de rails de tramways qui durent être retirées après l’arrêt de leur exploitation.
Excelsior rapportait que « mettant à profit l'inévitable bouleversement du sol entraîné par ce travail, des cantonniers mosaïstes remplacent les gros pavés de grès de l'avenue par un revêtement moins sonore (et surtout moins dommageable pour les ressorts d'automobiles) constitué par de petits cubes en pierre grise recouverts de goudron » et ajoutait que « dans quelques semaines, l'avenue d'Italie — l'un des chemins qui mènent le plus directement à Rome —- se classera parmi les mieux aménagées de toutes les sorties de la capitale. »

L'image du jour

Construction de la rue de Tolbiac : franchissement de la Bièvre à la Glacière

La photographie est de Charles Marville et a été prise vers 1876. La rue d'Alésia est déjà achevée. La construction de la rue de Tolbiac subit beaucoup de retard compte tenu de l'ampleur des travaux.