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 L’empoisonnement de Paris - 1884

L’empoisonnement de Paris

Le Petit-Parisien — 9 septembre 1884

Nous parlions hier des proportions de plus en plus Inquiétantes que prend l'infection de la Seine en aval de Paris.

Il n'y a pas que le grand fleuve, malheureusement, qui soit devenu un cloaque véritable ; un autre cloaque bien plus petit, mais autrement nauséabond, coule dans Paris même : la Bièvre.

La Bièvre vue du passage Moret

La Bièvre est en effet, l'une des causes les plus actives de l'empoisonnement parisien. Ce ruisseau, chanté par les poètes, sur les bords duquel Rabelais aimait à se promener et qui a inspiré des idylles à Benserade, n'est en réalité qu'un égout à ciel ouvert.

Fille des étangs du plateau de Satory, la Bièvre est encore un agréable cours d'eau à Buc ; les Versaillais, qui la connaissent bien, aiment à en suivre les méandres ; mais elle ressemble à ces villageois qui laissent leur innocence au pays et se corrompent en approchant de la capitale. En effet, la limpidité de ses eaux s'altère dès le village de Jouy-en-Josas, et cette altération ne fait que s'accroitre sur le territoire des communes de Bièvre, lgny, Verrières, Antony, L’Hay, Bourg-la-Reine, Arcueil et Gentilly. Les anciennes .fabriques de toiles peintes de Jouy avaient jadis commencé l'infection ; les blanchisseries, les distilleries, les raffineries, les fabriques de produits chimiques, les tanneries, les peausseries, les détritus des usines de glucose, d'huiles et de colles animales, continuent et complètent ce travail de dénaturation, à telles enseignes que, au point où la Bièvre pénètre dans l'enceinte fortifiée, entre la porte d'Italie et la poterne des Peupliers, bastions 85 et 86, ce n'est plus qu'un cloaque noir, sordide, nauséabond.

Elle entre dans Paris par deux branches qui arrosent les prés submersibles de la Glacière et contournent, à gauche la fontaine Mulard, à droite la Butte-aux-Cailles. C'est là que s'étendaient autrefois les villas du Petit-Gentilly ; l'archevêché et les séminaires de Paris y avaient de ravissantes maisons des champs ; c'était une des plus charmantes oasis du Paris suburbain. Aujourd'hui quelques usines puantes occupent ces demeures rurales, dont les propriétaires ont émigré depuis longtemps.

Au-delà du boulevard d'Italie sous lequel elle passe, la Bièvre enserre de ses deux bras les jardins de la manufacture des Gobelins ; elle en projette un le long de la rue de Croulebarbe, qui est bordée dans toute sa longueur par cette singulière rivière anglais. Des tonneaux sont enfoncés en terre, de distance en distance, sur la berge de cet égout, et des lavandières viennent s'y blottir, non pas certes pour blanchir, mais pour humecter le linge. En quel état le retirent-elles, après quelques secondes d'immersion !

Après avoir reçu les eaux de lavage et tous les détritus des Gobelins, les deux bras de la Bièvre, encaissés dans les murs des usines riveraines en absorbent toutes les déjections ; les rues des Cordelières, des Gobelins, de Valence, des Marmousets, de Lourcine, de Saint-Hippolyte, Pascal. etc., apportent leur contingent, et l'égout à ciel ouvert roule tout cela vers la Seine. Heureusement, le chemin qui était libre autrefois est fermé aujourd'hui ; la Bièvre ne décharge plus, comme jadis, ses eaux couleur lie de vin foncée en amont du pont d'Austerlitz. Les ingénieurs du service municipal les ont captées au passage de la rue Mouffetard et de l'avenue des Gobelins, et ils en ont jeté la plus grande partie dans le collecteur de la rive gauche. Mais il en reste encore pour alimenter les tanneries de la rue Censier et les cultures annexes du Jardin des Plantes entre les rues de Buffon et de Poliveau, et le peu qu'on laisse fluer est une cause permanente d’infection.

En vérité, cela peut-il durer plus longtemps ? Comment peut-on jouer ainsi avec la santé publique ?


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Le Puits artésien de la Butte-aux Cailles

L'achèvement prochain des travaux du puits artésien de la place Hébert est venu nous rappeler un autre puits du même genr dont le forage fut commencé presque à la même époque que celui du puits des hauteurs des Belleville, mais tombé complètement dans l'oubli depuis une vingtaine d'années : nous voulons parler du puits artésien de la Butte-aux-Cailles. (1889)

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Oasis faubourienne

Tout un coin de Paris est en train de se modifier singulièrement. Huysmans ne reconnaîtrait plus sa Bièvre. Non seulement le ruisseau nauséabond est maintenant couvert depuis bien des années, mais le sinistre passage Moret a presque complètement disparu de la topographie parisienne et, au milieu de cette année, les fameux jardins dont la jouissance était réservée aux tisseurs et dessinateurs de la Manufacture des Gobelins, vergers en friche qui, quelquefois, servaient de dépôt d'ordures aux gens du quartier, auront perdu leur aspect de Paradou abandonné. (1937)

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Un jardin unique en son genre, celui des Gobelins, va être inauguré la semaine prochaine

Paris aura la semaine prochaine un nouveau jardin public, un très beau jardin. Il n’en possédera jamais trop !
Le fait est d’autant plus intéressant que ce nouveau jardin se trouve dans un arrondissement, au reste fort peuplé, le 13e, qui, il y a encore un an, ne possédait pas le moindre square. (1938)

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Aux Gobelins : le nouveau jardin a été inauguré et ouvert au public

Hier matin, était inauguré, dans le quartier Croulebarbe, un nouveau jardin public. II s'étend sur 22.500 mètres carrés, derrière la Manufacture des Gobelins et le Garde-Meubles National.
C'est à Émile Deslandres que l'on doit cette initiative. Ayant représenté pendant plus de vingt-cinq années ce quartier, au nom du Socialisme, il s’était penché sur les misères et les besoins de la classe ouvrière dont il était lui-même. (1938)

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Les travaux de construction de la rue de Tolbiac

Les transformations de la rue d'AIésia se font, avec une rapidité vertigineuse, dans le prolongement de cette voie, au-delà de rue de la Glacière.
Dans cette partie, la nouvelle rue prendra le nom de rue Tolbiac, et sera poussée jusqu'à l'avenue d'Italie. (1877)

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Saviez-vous que... ?

La rue du Tibre, dans le quartier Maison-Blanche, a été ouverte sur l'emplacement d'une voirie d'équarrissage, elle a porté le nom de rue de la Fosse-aux-Chevaux, puis du Tibre, à cause de la Bièvre autour de laquelle ont été groupés des noms de fleuves.

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La retraite du 21e régiment d'infanterie coloniale qui, le 22 mars 1913, passa par les rues de Patay, Jeanne d'Arc, le boulevard de la Gare, les rues Pinel, de Campo Formio, les avenues des Gobelins et de Choisy ne donna lieu à aucun incident.

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La rue des Deux-Moulins prit le nom de rue Jenner en 1867 afin de rendre hommage à Edward Jenner (1749-1823) premier médecin à avoir introduit et étudié de façon scientifique le vaccin contre la variole, et qui est considéré comme le « père de l'immunologie ».

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C'est le 22 octobre 1944 que le jardin des Gobelins, encore appelé square des Gobelins depuis son inauguration en mai 1938, prit le nom de square René Le Gall mais contrairement à la légende véhiculée habituellement par le parti communiste, René Le Gall n'est absolument pour rien dans la création de ce jardin qui résulte d'une convention conclue en 1934 entre l'Etat et la ville de Paris, en vue de la réimplantation du mobilier National dans le 13e dont les terrains d'assise situés en bordure de l'avenue Rapp devaient être libérés en vue de l'exposition internationale de 1937.

L'image du jour

Place Pinel