Les cloaques de Paris
Le foyer d’infection de l’avenue de Choisy
Le Matin — 27 juillet 1906
Ce n'est pas la première fois, hélas que nous signalons dans ces colonnes les multiples dangers que cause l'impéritie de l'administration, chargée de veiller sur l'hygiène publique. Grâce à la campagne commencée et menée par le Matin, la cité des Bleuets vient de disparaître. Grâce à lui encore, on commence à se soucier de l'hygiène de l'école, on porte un peu partout l'air et la lumière, les vieux quartiers, aux ruelles étroites, disparaissent, et, dans quelque dix années, Paris sera la ville la plus saine du monde.
En attendant, il reste beaucoup à faire, et c'est ce qu'une promenade en certains coins de Paris suffirait à le prouver. Pour aujourd'hui, signalons, en plein Paris, un foyer d'infection « qui défie toute concurrence ».
15, avenue de Choisy, entre le boulevard Masséna et la rue Gandon, existe un dépôt d'ordures ménagères. Les chats et les chiens crevés y achèvent paisiblement leur transformation dernière sous les chauds rayons du soleil de juillet. Ce dépôt n'est pas ce qu'un vain peuple pense. Il a environ 250 à 300 mètres de superficie, 2 mètres de haut, et il fermente entre un atelier de 60 personnes, une agglomération de maisons d'habitation, envoyant à la ronde les odeurs nauséabondes de sa décomposition.
Une armée de mouches s'ébattent sur ce fumier, les rats y pullulent, portant partout les germes d'épidémie.
Le concessionnaire à qui appartient le droit d'enlever les ordures ménagères d'un ilot du treizième arrondissement les accumule dans ce terrain, au mépris de tous les arrêtés préfectoraux, de toutes les lois de salubrité. Les habitants de cet endroit peu fortuné en sont réduits à fermer leurs fenêtres, à vivre claquemurés pour n'être pas empoisonnés. Il nous semble que la préfecture ne doit pas ignorer cet état de choses. Qu'attend-elle pour y remédier ? Plusieurs de nos lecteurs nous ont écrit ; l'un d'eux, Gaillard, dit dans sa lettre :
« J'évalue à 3 ou 400 mètres cubes ces ordures, dont se dégage une épouvantable odeur. Si on ne les enlève pas promptement, il y aurait à craindre une véritable épidémie. »
Nous espérons qu'il nous suffira de signaler ce cas pour que des mesures immédiates soient prises, sans que nous ayons besoin d'insister de nouveau.