Dans la presse...

 Pierre Bénite : 3 - Dans le village des chiffonniers

Voyage au pays des zoniers

III — Dans le village des chiffonniers

L’Ami du peuple — 21 juillet 1930

En arrivant au village des chiffonniers, en deçà du boulevard Kellermann. : hors Paris, on est accueilli par le cri des « mougingues ». Les mougingues trottent dans la poussière, se flanquent des peignées ou jouent à la marelle au milieu du chemin, pieds nus, tête nue et derrière à l’air, tant est courte la robe des derniers rejetons et déchirée la culotte des aînés.

Illustration originale de l'article

 

Mais le mougingue, en sa qualité de fils de travailleur, ne consacre pas uniquement son existence au jeu. Tout petit, il apprend à balayer, à chiffonner, et, quand il a grandi, à pousser la carriole et à partir en corvée d’eau. Car le service des eaux ignore les villages de la zone. Ni puits, ni fontaine publique ne permettent aux zoniers de penser sérieusement que leur installation est définitive. Il faut donc aller chercher l’eau loin du camp, en quelque rue civilisée de la ville la plus proche, à bout de bras, avec des seaux. Et cela peut expliquer pourquoi les frimousses des mougingues ne sont pas débarbouillées tous les jours.

Le village des chiffonniers est fait de cabanes en planches, de roulottes et de vieux wagons. Par quel miracle ces fourgons désaffectés sont-ils venus échouer ingrate, monstrueuse et loin de toute voie ferroviaire ? C’est un des mystères de la zone. Mais si triste que soit l’ensemble de ces cabanes perdues sous l’amas des chiffons, des tas de ferraille, et des chaises cassées, ces lieux, en apparence déshérités, abritent aussi quelques familles aisées.

À parcourir cet étrange village, on rencontre, par-ci, par-là, passant une moitié de corps sous la toile d’une tente entrouverte, un cheval bien nourri, bien soigné, au poil court et luisant. Une auto, vielle bagnole sans couleur il est vrai, mais qui marche puisqu’on remplit son réservoir d’essence, s’abrite aussi sous quelque bâche et des carioles, derrière en terre, menacent l’air de leurs brancards. C’est là l’instrument de travail des chiffonniers qui, jadis, travaillaient à la hotte. Dès l’aube, précédant les voitures de la voirie, ils prélèvent dans les poubelles de la capitale, le vieux livre, les pantoufles trouées, le chiffon gras. Tout sert et tout ressert.

De déchet en déchet, il se trouve toujours un déchet pour être encore utilisé. Qui chantera la fantaisie et la diversité fécondes de ces dépôts d’objets bizarres que notre vue surplombe dans les hauts sentiers de la zone, entre Bicêtre et Orléans ? Est-il vrai que ces sommiers démolis trouveront un jour preneur, que ces ressorts rouillés, que ces balais sans crin, que ces tables sans pieds, que ces vases sans anse et ces violons sans clef, que ces tableaux troués et ces chaussures dépareillées auront encore quelque emploi dans notre pauvre existence ?

Et voici une boutique dans la zone, la première que nous rencontrions. On y vend des chaussettes. La marchandise est suspendue sur une corde tendue entre une roulotte et un wagon. Le prix est affiché. Il est unique : Soixante-quinze centimes Pour quinze sous, vous pouvez donc emporter une paire de chaussettes de laine. Ces chaussettes sont de couleurs diverses. Les nombreuses reprises dont elles furent l’objet, voire les pièces avec lesquelles ont dut boucher les trous trop importants, leur donnent une variété de tons qui rend vivant leur étalage.

La zone aussi a ses cafés, mais ils s’élèvent en dehors de son sein. Ce sont des cafés en bordure du village, où les chiffonniers, trop privés d’eau, vont boire.

On y arrive après avoir franchi les dernières limites de la zone, sous les huées des caniches, voire des molosses solidement enchaînés.

L’un de ces cafés s’ouvre à l’enseigne : « Au vrai chien de la montage ».

Il y a des bistrots sur la zone montueuse dont les raisons sociales ont l’air d’être un programme.

Pierre Bénite

 

Et l'auteur de ces articles poursuivit son voyage vers l'ouest hors des limites du 13e arrondissement...


Eugène Atget - Zoniers à la poterne des Peupliers (détail) - 1913


Sur la Zone...

Le commencement de la fin de la Zone

Les articles d'Émile Condroyer

La capitale démantelée (1930)

Autres textes d'Émile Condroyer

Voyage au pays des zoniers (Série d'articles de Pierre Bénite - 1930)

Dans l’étau des grands buildings (Série d'articles de Pierre Humbourg - 1931)

Divers aspects de la zone dans les années 30

Les Zoniers

Faits divers

Dans la presse...


L’état de santé de Blanqui

À l'issue de la réunion, le brusque passage d'un milieu chauffé dans l’atmosphère humide de la rue lui causa un frisson : Blanqui eut une défaillance dont il se releva aussitôt. Il voulait marcher, mais les personnes qui l'accompagnaient l'obligèrent à monter dans un fiacre où, malgré sa résistance, on le recouvrit d'un gros pardessus.
On le conduisit chez un de ses amis, 25, boulevard d'Italie. (1880)

Lire la suite


L'état des projets pour le XIIIe arrondissement

Les travaux commencés l'année dernière pour le raccordement des boulevards d'Italie et des Gobelins sont sur le point d'être terminés. On achève le macadam et les trottoirs de la dernière fraction du parcours. (1864)

...


Le boulevard Saint-Marcel

Avant de commencer mon article sur le treizième arrondissement, je crois utile de parler spécialement de sa ligne frontière, du boulevard Saint-Marcel, qui en constitue la limite septentrionale.
Cette grande voie, qui a coupé le marché aux chevaux, écorné l'ancien cimetière de Clamart et absorbé la petite place de la Collégiale, a été enfin tracé onze ans après avoir été décrété d'utilité publique (17 août 1857). Mais a-t-elle été exécutée de manière à donner satisfaction aux intérêts des quartiers qu'elle traverse, aux intérêts des propriétaires et des habitants qui se trouvent dans son voisinage ? (1868)

...


L’empoisonnement de Paris

La Bièvre est l'une des causes les plus actives de l'empoisonnement parisien. Ce ruisseau, chanté par les poètes, sur les bords duquel Rabelais aimait à se promener et qui a inspiré des idylles à Benserade, n'est en réalité qu'un égout à ciel ouvert. (1884)

...


La catastrophe du boulevard de la Gare

Au sortir du pont de Bercy, sur la rive gauche de la Seine, s'ouvre le boulevard de la Gare qui va de ce pont à l'ancienne barrière d'Italie, au bout de la rue Mouffetard. (1867)

...

Saviez-vous que... ?

En 1887, Camille Claudel vivait dans un atelier loué pour elle par Auguste Rodin, la Folie Neubourg ou Clos Payen, 68 boulevard d’Italie, actuel boulebard Blanqui

*
*     *

Le XIIIème devait initialement porter le numéro 20 lors de l'extension de Paris en 1860. Les protestations des habitants d'Auteuil et de Passy qui, eux, se voyaient attribuer les n°13 associé aux « mariages à la mairie du 13e » autant qu'aux superstitions, eurent raison du projet de numérotation et un nouveau projet aboutit à la nomenclature actuelle.

*
*     *

En 1896, les 4 membres du conseil municipal de Paris représentant le 13ème arrondissement étaient :
Quartier de la Salpêtrière : Paul BERNARD, avocat à la Cour d'appel, rue Lebrun, 3.
Quartier de la Gare : NAVARRE, docteur en médecine, avenue des Gobelins, 30.
Quartier de la Maison-Blanche. : Henri ROUSSELLE, commissionnaire en vins, rue Humboldt, 23.
Quartier Croulebarbe : Alfred MOREAU, corroyeur, boulevard Arago, 38.

*
*     *

Le 9 juin 1977, une jeune fille, tout en larmes, déclarait, à huit heures du soir, qu'un enfant venait de tomber dans un puits à découvert, sur un terrain entouré de planches, appartenant à la Ville, et situé rue de Patay et de Tolbiac.
Immédiatement, on prévint les sapeurs-pompiers du poste de la rue du Château-des-Rentiers. Sans perdre un instant, ceux-ci se rendirent au puits fatal. Le caporal y descendit, et en revient avec deux chiens vivants.

L'image du jour

La folie Neubourg sur le boulevard Auguste Blanqui, déjà en partie démolie.